Chapitre 61 : Renaissance

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 Nous nous positionnâmes autour de l’immense banian. Je sortis la Pierre des Guéliades de ma cachette. Sa couleur argentée scintillait, jurant avec le paysage lugubre qui nous entourait. Sa forme rhombique tenait parfaitement dans mes paumes. La chaleur qu’elle diffusait me surprit. Je sentis une énergie vivifiante m’envahir. Le joyau se mit à briller, sa lueur se propagea autour de moi en un halo irisé. J’inspirai profondément.

 Avorian vint soutenir mes mains avec les siennes. Son geste m’émut. Ensemble, nous recueillions notre précieux trésor, unissant nos forces. Mes craintes se dissipèrent, me faisant oublier l’affreuse vision du Modrack. Orialis nous observait, le visage serein.

 Le mage et Arianna prononcèrent une incantation connue de tous les Orfiannais, dans la langue des fées. Orialis eut la gentillesse de me la traduire :

 

Pierre de Vie, joyau de notre peuple,

Que ta lumière éclaire nos âmes,

Que ta puissance répare ce qui a été brisé, et embrase l’ombre,

Puisse ta magie rayonner, telle une flamme,

Et ta pureté sauver notre monde.


 À la fin de la prière, la reine des fées m’aida à canaliser mon pouvoir, afin d’éveiller pleinement notre Pierre. Grâce à elle, je sentis la magie affluer en moi. L’auréole nacrée entourant mon corps se dirigea vers l’arbre. Elle pénétra ses troncs, ses branchages, ses racines. Je maintenais ma concentration au maximum, pour ne surtout pas rompre le sort. Petit à petit, cette maudite aura violette qui contaminait l’arbre disparut, et sa teinte noire commençait à virer au brun et au vert. Les ramures semblaient reprendre vie. Elles s’animèrent. Une brise silencieuse les parcourait, ravivant leurs couleurs. Émerveillée, je découvris de petits bourgeons en train d’éclore sur les branches. La force de notre amour enveloppait cet être majestueux, apportant une nouvelle énergie sur nos terres.

 L’arbre sacré renaissait de ses cendres.

 Une heure plus tard, après cette belle cérémonie, nous décidâmes d’utiliser cette magie bienveillante sur le reste de nos terres. Avorian et Arianna discutaient de la manière de procéder. Je les écoutais attentivement, quand Orialis nous interpella :

– Oh ! Regardez là-haut !

 Dans le ciel, je distinguais au loin une sorte d’oiseau, fonçant droit sur nous. Mais en l’observant mieux, je compris qu’il s’agissait du lion ailé qui m’avait sauvé la vie dans l’église. Arianna s’envola promptement pour le rejoindre. Ils exécutèrent d’incroyables cabrioles dans les cieux, nous offrant un ballet de toute beauté : la reine des fées virevoltait autour du lion, répandant sur son sillage une traînée de paillettes multicolores, pendant que ce dernier stagnait à faible hauteur, exerçant quelques roulades dans les airs.

 Orialis et moi gloussâmes en les voyant faire. Le Limosien se posa gracieusement sur ces pattes, juste devant nous. Il secoua avec élégance son imposante crinière et ses longues ailes argentées. Arianna vint enfin s’assoir sur son dos.

– Ah ! Tu ne pouvais pas tomber mieux, Swèèn, dit Avorian avec un large sourire. Je suis heureux de te revoir, et bien plus encore en cet instant : nous venons de réveiller l’arbre sacré !

 J’étais soulagée qu’Avorian se remette aussi vite de ses émotions, et ravie de pouvoir à nouveau contempler son visage rayonnant.

– Merveilleux ! Je n’en attendais pas moins de vous !

 Il parlait de cette étrange voix double, au timbre androgyne. Il adressa un regard à Orialis et ajouta :

– Mes salutations, chère inconnue.

 Il tourna ensuite la tête vers la fée, toujours sur son dos :

– Arianna ! Quel plaisir ! La dernière fois que nous avons valsé ensemble remonte à…

– Beaucoup trop longtemps ! Et pourtant, j’ai pointé il y a peu le bout de mes ailes au Royaume de Cristal, mais tu avais l’air bien occupé. Tu ne viens jamais nous voir ; le village des fées se trouve-t-il trop loin pour un noble Limosien ? Tes ailes auraient-elles perdu de leur vigueur ?

– Mes ailes sont bien plus solides que les tiennes, fragile petit papillon ! Tu sais bien que nous vivons en meute, exactement comme vous, les fées, non ? On ne peut pas quitter impunément le Royaume de Cristal, ma chère…

 Arianna bondit de son dos, se plaçant devant lui, ses petites mains sur ses hanches. Elle lui jeta un regard glacial :

– Moi ? Un frêle papillon ? Qui vivrait en « meute » ? Quel affront ! Nous, les fées, vivons en communauté, et protégeons nos forêts ! se vexa la reine des fées.

 Orialis et moi nous regardâmes, les yeux grands ouverts, incrédules. Je mordis ma lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire devant ces querelles enfantines. Je n’avais jamais vu Arianna aussi furibonde !

 Avorian observait la scène d’un œil rieur, amusé par leurs propos.

– Oh… cette conversation m’indiffère, j’aimerais plutôt parler à cette jolie Noyrocienne, tu ne m’en voudras pas, Arianna ? lança Swèèn en haussant le museau avec dédain.

– Quel toupet ! s’offensa cette dernière en s’envolant plus loin.

 Elle alla se poser sur l’arbre sacré.

 Ce petit jeu entre eux attestait de leur complicité.

– Je vous salue une nouvelle fois, belle Noyrocienne. Puis-je connaître votre nom ?

– Mes respects, noble Limosien. Je m’appelle Orialis. Je suis honorée de vous rencontrer !

– Oh… quelle douce consonance, « Orialis » … cela vous va à ravir ! s’extasia le Limosien. Et ces jolis bracelets dorés ornant vos délicats poignets, quelle élégance !

 La Noyrocienne se mit à rougir, et cette ravissante carnation sur son teint vert-pâle la rendait encore plus charmante. Elle relâcha ses bras le long de son bassin et croisa ses mains, les entortillant de façon adorable, toute intimidée, puis se tourna vers moi en me chuchotant :

– Depuis le temps que je rê-vais d’en voir un ! C’est incroyable, jamais je n’aurais cru avoir cette chance !

 Je lui rendis son sourire. Cette ambiance doucereuse me donna à mon tour envie de jouer :

– Moi aussi, je suis élégante ! m’indignai-je, feignant la jalousie.

– Mais oui, tu es élégante… Swèèn semble s’être entiché de notre douce Orialis, me murmura Avorian à l’oreille, levant les yeux au ciel.

– Pourquoi est-elle si mal à l’aise ? C’est plutôt mignon !

– Nêryah, dans ce monde, les Limosiens sont rares. Ils sont respectés et vénérés. Ce sont de nobles créatures, et c’est un privilège de pouvoir rencontrer l’un d’entre eux, me répéta-t-il, tout comme la première fois que nous avions vu ce merveilleux lion ailé.

 Orialis se mit à genoux pour se prosterner devant ce dernier.

– Enfin… voyons, relevez-vous, ma chère ! Vous allez me faire rougir… c’est trop d’honneur ! Vos antennes risquent de se plier et de s’endommager, dans cette posture. Déjà qu’elles ont l’air mal en point ! remarqua Swèèn.

– Puis-je… pourriez-vous… enfin, j’aimerais…, bredouilla la Noyrocienne.

– Eh bien, que voulez-vous donc, ma chère ? Vous pouvez tout me demander, assura-t-il avec panache.

– Puis-je vous câliner ?

– Mais bien-sûr ! Avec joie ! On ne demande que ça, nous, les Limosiens ! Mais les gens s’évertuent à se comporter de façon excessivement polie, toujours avec déférence, comme s’ils nous craignaient. Quel dommage !

 Avorian me souffla à l’oreille que les Limosiens étaient aussi craints que glorifiés, en raison de leurs immenses pouvoirs.

 Orialis s’empressa d’aller caresser Swèèn, qui poussa une sorte de grognement proche du ronronnement d’un chat. J’éclatai de rire et la rejoignis pour câliner notre peluche vivante. Le lion ailé semblait ravi d’être ainsi choyé. Il jeta un coup d’œil à Arianna, l’air de dire : « tu viens, toi aussi ? », mais celle-ci, perchée sur son arbre, détourna le regard avec fierté, dédaigneuse.

 Après cette embrassade, il reprit son sérieux.

– Le Royaume de Cristal m’envoie vous chercher.

– Comment nous avez-vous trouvés ? demandai-je, surprise.

– Ah ! Vive la télépathie ! J’ai senti les pensées d’Avorian. Il faut dire qu’elles étaient particulièrement chargées en émotions, ces derniers temps. Un jeu d’enfant ! Orion a perçu que vous étiez en danger, et s’inquiète de votre absence. Vous n’avez guère pris l’itinéraire le plus simple ! Il ne faudrait pas que vous arriviez en retard au grand rendez-vous.

– Nous avons encore du temps, la Grande Conjonction est dans plusieurs phases, contesta Orialis.

Je me demandais de quoi elle parlait.

– Nous voulions utiliser le pouvoir de la Pierre des Guéliades pour redonner vie à nos terres, expliquai-je à Swèèn. Il fallait d’abord la récupérer chez les Komacs, puis voyager jusqu’ici. Nous venons tout juste de réanimer l’arbre sacré.

– Eh bien ! C’est une excellente initiative ! Je ne supporte pas ces petits êtres aux yeux jaunes et vermeils. Je déteste quand ils chuchotent. Toutefois… si je puis me permettre, votre projet est sacrément ambitieux…, nous prévint-il.

– Cela vaut le coup d’essayer ! insistai-je.

– Puisqu’on a réussi pour l’arbre, alors pourquoi pas le reste ? fit valoir Orialis.

Devant nos visages si enthousiastes, le Limosien ne pouvait qu’obtempérer.

– Je vais vous aider. Mon pouvoir combiné à celui d’Arianna va certainement accomplir des merveilles !

– Mettons-nous en place ! ordonna Arianna, reprenant les choses en mains. Nêryah, tu vas monter sur le dos de Swèèn : en prenant de la hauteur, le pouvoir de la Pierre sera décuplé et son action portera sur une plus grande échelle. Orialis, nous allons avoir besoin de tes antennes pour canaliser une partie de cette énergie et la propager dans les terres, le plus loin possible. Avorian te secondera. Vous vous positionnerez tous deux face à l’arbre sacré, nous allons utiliser sa magie. Quant à moi, je vais circuler pour jumeler nos forces, et coordonner le tout.

– Super ! C’est partie pour l’opération « reverdir l’horizon fané » ! acclamai-je.

– Tu n’as pas tort ! Après tout, la première fonction des Pierres est de donner la vie, renchérit Orialis.

 Avorian me lança un coup d’œil en souriant. Il semblait avoir rajeuni d’au moins dix ans !

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