Chapitre 44 : Le départ

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 Je passai la soirée en compagnie de Kaya. Notre départ approchait, et je n’avais pas envie de quitter ce havre de paix. Les épreuves s’enchaînaient trop vite depuis mon arrivée sur cette planète. J’avais à peine eu le temps de concevoir que je vivais désormais dans un autre monde, découvrant des paysages et des peuples aussi magiques que mystérieux. Même si mes proches sur Terre me manquaient, je faisais des rencontres extraordinaires sur Orfianne. Ce voyage avait littéralement changé ma vie.

– Kaya, après la bataille, pourquoi ne suis-je pas restée ici, au village, puisque Shirin m’allaitait et que nous y étions en sécurité ?

– Ta présence aurait mis mon peuple en danger. Du moins, le peu qu’il en reste ! Puisque tu es la dernière Gardienne du tien, les Modracks t’auraient cherchée et retrouvée, où que tu sois sur Orfianne.

– Alors on m’a mise sur Terre pour cette raison…, conclus-je. Avorian le savait déjà… Mais… cela signifie qu’il reste encore des Modracks sur Orfianne ?

– Un seul. Le plus fort d’entre eux. Personne n’a réussi à le vaincre. Ma propre mère, pourtant une puissante Gardienne, est morte en l’affrontant. Son but est de détruire tous les Gardiens des Pierres.

– Oh, Kaya…, soufflai-je, anéantie par ces sombres révélations.

Je pris mon amie dans mes bras. Je la trouvais si courageuse, si responsable pour son jeune âge.

– Le seul moyen pour nous de rester en vie est donc d’anéantir ce Modrack, réalisai-je.

– Lui et tous les autres monstres créés par les Terriens. Nos peuples sont également en danger, pas seulement leurs Gardiens !

– Je comprends mieux maintenant pourquoi certains Orfiannais pensent que la seule solution est d’exterminer la race humaine, puisqu’elle n’est pas capable de gérer ses propres émotions, et que cela détruit Orfianne.

– Cela fait des cycles et des cycles que nous cherchons une solution pacifique, en effet, sans aucun résultat. Comment préserver notre planète dans ces conditions ? Que faire face à ces phénomènes que nous ne contrôlons pas et dont nous subissons les conséquences ?

– Je comprends. Et les fées, ne savent-elles pas comment procéder ?

– Tout comme le Sage, elles pensent que les Gardiens doivent se réunir avec leurs Pierres de Vies respectives. Que leur magie nous sauvera.

– J’espère que cela fonctionnera. Et Avorian, est-il resté caché dans votre village ?

– Non. Il est reparti. Pour ne pas nous mettre en danger. Mais il est revenu nous voir deux cycles plus tard. Il n’a pas repris la Pierre puisqu’elle ne s’ouvrait pas à lui, attendant ton retour sur Orfianne, j’imagine. Le désert de Gothémia était le meilleur endroit pour la cacher. Je pense qu’il t’a laissée sur Terre pour que le Modrack vous oublie, et que tu sois assez grande pour te défendre contre ces monstres.

– La Pierre avait le choix entre nous deux. Comment se fait-il que je devienne Gardienne, moi qui suis si inexpérimentée, et qui ai vécu toute ma vie sur Terre, alors qu’Avorian, lui, est un grand mage, très puissant !

– La Pierre a une intelligence qui nous dépasse. Lorsqu’un Gardien meurt, elle choisit automatiquement une autre personne. Elle devait sentir tes capacités extraordinaires. J’ai pu constater la guérison d’Avorian grâce à ta magie… et crois-moi, ce que tu as fait dépasse l’entendement ! Une Pierre de Vie ne se trompe jamais, Nêryah.

 Je n’arrêtais pas de repenser au baiser, à cette soirée passée dans les bras de Merian, ainsi qu’aux bons moments vécus avec Kaya. Je voulais rester encore ici, dans cette oasis paradisiaque, mais Avorian décidait toujours de la suite des évènements, et désormais, je savais pourquoi nous devions partir. En rapportant la Pierre au Sage, nous allions contribuer à la protection de cette merveilleuse planète.

 Nous décidâmes de passer l’après-midi au bord de l’eau pour profiter de ces derniers instants de paix. Kaya aimait célébrer la vie, c’était bien là son crédo, et je ne pouvais qu’approuver : hormis au village des fées, je n’avais pas encore eu l’occasion de me réjouir sur Orfianne. Je pouvais enfin redevenir la jeune fille de seize ans que j’étais, me détacher des traumatismes vécus dans le désert. Et même… retomber en enfance, grâce à la présence de Shirin, ma deuxième maman.

 Les jumeaux, aussi joueurs que charmeurs, n’en finissaient pas de nous taquiner. J’appréciais l’humour de Merian, moins provoquant que celui de son frère. De son sourire émanait une certaine innocence, alors qu’une grande sagesse se lisait sur les traits de son visage. Je compris qu’Ishaam était éperdument amoureux de la belle Kaya, et tentait l’impossible pour la séduire. Mais celle-ci s’amusait à feindre l’indifférence, lui donnant du fil à retordre. Son petit caractère bien trempé ainsi que son apparente impassibilité ne faisaient qu’accroître les ardeurs d’Ishaam.

 Le jour du départ, Kaya m’offrit une tenue adaptée aux voyages dans le désert : une jolie tunique vermeille qui descendait jusqu’aux genoux, avec un sarouel et un foulard léger pour se protéger la tête. À mon grand soulagement, Merwên accepta que Kaya et les jumeaux nous accompagnent. Ces derniers avaient insisté pour venir avec nous, prétextant que la belle aurait besoin de gardes du corps lorsqu’elle reviendrait au village. Le chef trouva la remarque judicieuse.

 Après avoir mangé et remercié mille fois les Komacs de leur hospitalité, nous parcourûmes le long tunnel pour remonter jusqu’au désert. Merian et Kaya me tenaient les mains tandis que Shirin, chargée d’un sac garni de pains, serrait celle d’Avorian. Ishaam marchait devant nous, aux côtés de Merwên. Nous gardions le silence.

 Nous grimpâmes l’escalier souterrain. Une fois arrivée à la sortie, à l’aide de son pouvoir, Kaya déplaça l’énorme rocher qui débouchait sur l’oasis, d’un simple geste de la main. Elle ordonna des tours de gardes pour protéger l’entrée. Personne d’autre qu’elle ne pouvait faire bouger la lourde porte rocheuse, laissée ouverte de jour, mais fermée chaque nuit.

« Nous ne partirons pas longtemps, ça devrait aller », dit-elle pour se rassurer. Elle avait veillé au moindre détail, s’assurant de la sécurité de son village. J’admirais son sens du devoir.

Shirin nous offrit de nombreux pains. Nous la serrâmes fort dans nos bras, les larmes aux yeux, la remerciant de sa générosité.

– Prenez soin de vous ! dit-elle entre deux sanglots.

– Nous avons un cadeau pour vous, nous annonça Merwên.

Au loin, dans les dunes de sable, nous découvrîmes avec émerveillement un troupeau d’animaux menés par un Komac.

– Est-ce que c’est ça, les fameux embanores ? demandai-je à Avorian.

– Oui, et nous allons avoir la chance d’en monter ! Le voyage sera moins pénible ! se réjouit-il.

 Quelle beauté, quelle grâce émanaient de ces animaux ! On aurait dit un croisement entre une antilope, un cheval et un élan, bien que leurs cornes striées et torsadées fassent davantage penser à celles des antilopes Pallas. Leur cou élancé se parait d’une crinière beige qui descendait jusqu’en haut des pattes avant, aussi longues et fines que celles des gazelles. Leur robe couleur auburn luisait sous le soleil. J’observais leur queue beige toujours en mouvement, s’amusant à faire des va-et-vient sur le sable.

Malgré leur robustesse, les embanores ne semblaient pas du tout agressifs ; ils avançaient d’un pas tranquille vers nous, comme si notre présence ne les gênait absolument pas. Arrivés à notre hauteur, deux Komacs chargèrent l’une des montures de provisions.

– Nous vous prêtons ces quatre embanores. Ils sont apprivoisés et possèdent une endurance exceptionnelle. Prenez soin d’eux comme ils prendront soin de vous, nous recommanda Merwên. Ce désert est leur maison : ils vous mèneront d’oasis en oasis. Kaya se chargera de vous mener à l’Est, vers la forêt de Lillubia.

– Mon très cher Merwên, je ne sais pas ce que nous aurions fait sans ton aide ! Merci infiniment ! s’émerveilla Avorian.

– Merci de nous confier vos précieux embanores, et merci pour les provisions, renchéris-je.

– Nous avons garni les sacs de gâteaux aux céréales, de quelques fruits frais et secs, nous informa une femme Komac. Les deux baluchons contiennent de l’eau, il suffit d’abaisser le petit robinet ici pour se servir et remplir vos gourdes.

Nous la remerciâmes en cœur tout en rangeant les pains de Shirin dans les bagages.

– Je vous souhaite un bon voyage, reprit le chef. Puisse notre Pierre de Vie vous porter chance et vous protéger. Ma chère fille vous fait l’honneur d’être votre guide. Soyez assurés qu’avec elle, vous ne risquez rien. Kaya et les jumeaux connaissent les moindres recoins de Gothémia.

– Merci, mon brave Merwên. Nous avons passé un moment extraordinaire à vos côtés, répondit Avorian en serrant chaleureusement les mains du patriarche.

– Vous nous avez si bien accueillis ! m’exclamai-je.

– Vous serez toujours les bienvenus chez les Komacs ! clama Shirin, les larmes aux yeux.

Avorian l’enserra dans ses bras.

– Comment vous remercier pour votre générosité ? insistai-je.

– En revenant nous voir… vivants, et en parfaite santé, cette fois ! plaisanta Merwên.

Ces mots nous firent sourire malgré nos larmes. Notre hôte nous salua respectueusement. Nous lui présentâmes à nouveau nos hommages et remplîmes nos gourdes à l’oasis, prêts à reprendre notre traversée du désert. Kaya ne put s’empêcher de grimper à un palmier pour y cueillir quelques fruits. Au moins, nous ne risquions pas de mourir de faim !

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