Chapitre 37 : Des pas dans le désert

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 Le jour se levait. J’enserrais toujours le corps inanimé de mon ami, les joues mouillées de larmes.

Mes membres tremblaient. Je poussai un gémissement. Ces frissons, synonymes d’abattement, me donnaient l’impression que la vie me quittait peu à peu. Du sang coulait encore de mes plaies, mais cela m’était bien égal. À bout de forces, je m’endormis, couchée sur lui, au milieu des cadavres desquels émanait cette odeur exécrable qui allait très vite s’amplifier avec les premiers rayons du soleil.

Je m’éveillai, prise d’un mal de crâne atroce, sous une chaleur suffocante. Je découvris avec horreur une flaque de mon propre sang devant moi, absorbé par un sable devenu pourpre. Je faillis m’évanouir de frayeur. Je commençais à tourner de l’œil, éreintée… mais non ! Je devais me ressaisir. Pour Avorian !

Ah, c’est vrai, je ne cicatrise pas comme je le devrais, me rappelai-je.

À quoi avait pu servir cette fichue grotte des feux sacrés, hormis à me donner plus de pouvoir ? Mais dans quel but, enfin ? Faire de moi une meurtrière, incapable de guérir l’être auquel je tenais le plus en ce monde étrange ?

J’apposai mes mains sur mes plaies. La lueur verte jaillit une nouvelle fois de mes doigts, et me soigna parfaitement. Mais elle me vidait du peu de force qu’il me restait. J’avais terriblement soif et faim. Mon vœu de végétarisme m’empêchait de découvrir si la chair des Glemsics était comestible. Cette idée saugrenue me donna la nausée. Ces créatures me répugnaient.

La canicule rendait la puanteur qui m'entourait insupportable. L’odeur allait certainement attirer d’autres créatures immondes.

Je tentai une nouvelle fois de guérir Avorian. Je ne pouvais pas me résigner à baisser les bras.

En posant mes mains sur son corps, ma vision se troubla. J’avais l’impression d’être dans un rêve, entre deux mondes, au seuil de la mort. Pourtant, mon pouvoir régénérateur sembla s’écouler de mes paumes. Mais rien ne se produisit… Aucune réaction.

Je me remis à sangloter. Il fallait que je me fasse une raison.

Même si mes blessures avaient cicatrisé grâce à la magie, je venais de perdre une grande quantité de sang, et n’allais pas tenir bien longtemps si je n’arrivais pas à m’hydrater. Mon long séjour sur Terre avait grandement altéré mes capacités Guéliadiennes.

Je mis les deux gourdes vides dans mon sac et laissai la troisième avec les quelques gouttes d’eau restantes à côté d’Avorian, au cas où il finirait par se réveiller. J’humectai ses lèvres puis entrepris de marcher au hasard, dans le désert, en quête d’eau. Je fis volte-face après seulement trois pas afin de couvrir son corps de tissus, afin qu’il ne souffre pas trop de la chaleur. Je ne voulais pas qu’il meure d’insolation si jamais ma magie se mettait à opérer en mon absence. Je m’approchai ensuite des Glemsics, repliai ma cape au niveau du nez pour me préserver de leur odeur abjecte, et sectionnai leurs piquants à l’aide de notre couteau de cuisine, louant mon bon sens. Je voulais les utiliser pour baliser le chemin, à la manière du petit poucet, afin de rejoindre mon malheureux compagnon avec de l’eau, si j’en trouvais. Je désirais ardemment qu’il soit encore en vie à mon retour, prêt à me donner ses directives.

Comme avant.

Le couteau avait beau être bien affûté, la tâche n’en demeura pas moins ardue. Je tranchais, inlassablement, un bon nombre de piques. Une fois que je fus satisfaite de la quantité obtenue, j’improvisai une tente au-dessus d’Avorian : je suspendis et rattachai nos couvertures à deux grands piquants des Glemsics, créant une zone d’ombre protégeant mon ami des rayons mortels du soleil d’Orfianne.

Je partis enfin, exténuée, sans eau. Geste parfaitement inutile, et même idiot, puisqu’Avorian était probablement mort. Je risquais ma vie pour rien, mais c’était plus fort que moi. Je n’arrivais pas à abandonner l’espoir de le ranimer.

Trop épuisée pour pouvoir réfléchir, je répandis les aiguilles des Glemsics sur mes pas, sans aucun moyen de savoir où j’allais. Non. Mauvaise idée. Le moindre coup de vent risquait de les ensevelir. J’entrepris alors de les planter dans le sol, comme des balises. Cela fonctionna ; les piques restaient debout, droites et visibles, la pointe bien enfoncée dans le sable.

La chaleur me faisait suffoquer. Extrêmement affaiblie par l’anémie, je progressais difficilement, chancelante.

Pourquoi le pouvoir de guérison ne soignait-il pas la soif et la faim ? Une fois encore, j’en revenais aux miracles de Jésus-Christ, me disant qu’il était définitivement bien plus utile de savoir multiplier les pains ou changer l’eau en vin – en l’occurrence, le vin (ou plutôt le sang de mes victimes) en eau. Finalement, à quoi servaient mes pouvoirs, sinon à détruire ? Hormis mes dons de guérison, cette magie semblait se destiner uniquement au combat. Je ne comprenais pas, et ne m’y retrouvais pas.

Au bout d’une demi-heure, je décidai de faire demi-tour, perdue au milieu des dunes. Et là, j’y songeai enfin. La fleur d’Arianna ! Comment avais-je pu l’oublier ? Dans les moments désespérés comme celui-ci, où tout semblait perdu, il me suffisait d’arracher l’un des précieux pétales pour que la reine des fées apparaisse. Avorian serait sauvé !

Alors que je farfouillais dans ma sacoche, je fus prise de vertiges. Je sentis mes jambes se dérober et perdis l’équilibre, une douleur fulgurante à la tête. Ma vision se troubla. Je m’écroulai au sol, complètement harassée.

La mort semblait enfin m’accepter dans ses bras. J’allais finalement rejoindre mon ami.

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