Chapitre 12 - Clandestine

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Ranch du Bouleau Blanc - Quelques jours avant.

— Vous avez compris, Dame Antonella ? Pas un mot de tout ceci avant le départ de Goldorak. Je dois aller à Tôkyô en urgence pour le Centre mais si Actarus l'apprend, il s'inquiètera.

Vénusia câlinait Hoshi tout en donnant ses dernières recommandations à la gouvernante.

— Vous n'allez pas au Centre pour le départ de Son Altesse ?

— Nous avons déjà fait nos adieux, hésita-t-elle. Je n'aime pas le voir s'envoler.

— Je prendrai soin de la petite, ne vous inquiétez pas. Savez-vous combien de temps vous serez partie ?

— Une semaine peut-être, le temps de finaliser le contrat. Vous donnerez ceci à Phénicia demain.

Dame Antonella glissa la lettre dans sa poche. Elle s'interrogeait sur les motifs réels de ce départ précipité. Bien qu'elles ne se côtoyaient que depuis 7 mois, le comportement de Vénusia lui semblait très inhabituel. Elle ne se séparait pas de Hoshi plus de quelques heures, la nourrissant dès qu'elle le pouvait. Or depuis quinze jours, elle commençait à la sevrer. Au début, le prétexte était pour la tranquillité lors de leur lune de miel mais était-ce uniquement cela ?

— Je ferai selon vos ordres, votre Altesse.

— Parfait, alors je vais profiter pour y aller maintenant.

Elle serra un peu plus sa fille et lui murmura à l'oreille :

— Sois sage ma chérie. Nous reviendrons bientôt papa et moi. Je t'aime.

Elle la tendit ensuite vers la gouvernante puis sortit précipitamment de la pièce, cachant les larmes qui coulaient sur ses joues.

***

Camp de la montagne bleue

Emilio Barta se recroquevillait sur son siège, espérant se faire le plus discret possible en essayant de dominer son anxiété. Il ne comprenait pas les implications de ce qu’il voyait devant lui. Etait-ce un cauchemar ? Dans ce cas, il semblait bien trop réel.

Il était aussi à une table autour de 12 sièges. A sa droite, Cosima se tenait droite, un rictus aux lèvres ; à sa gauche, Ren était aussi mal à l’aise que lui mais le cachait plus mal au vu des perles de transpirations qui coulaient le long de ses tempes. Beata était là aussi. Alors qu’elle avait été promue à une autre mission, elle était revenue avec Lui. Mais dans quel état ! La jeune femme si dynamique et maternelle était devenue en quelques jours à peine complètement soumise et dévouée à son maître. Emilio était pris au piège dans cette grotte aux secrets si bien gardés qui recelaient les trésors de Vega, l’autre, celui qui avait détruit tant de planètes et de vies. Voilà qu’un autre s’était relevé, se faisant aussi appelé Stratéguerre et celui-là était plus effrayant. Peut-être parce que l’informaticien était maintenant aux premières loges des horreurs auxquelles il assistait.

Tout en gardant une oreille à l’écoute de ce monstre qui avait imposait sa présence, Emilio repensait à sa surprenante apparition moins d’une semaine auparavant. Vairan était parti pour le CIPUPCET afin de tenir son rôle de représentant de Fleed. Il était revenu deux jours plus tard récupérer le dossier avec toutes les données du transporteur temporel. Il était à nouveau reparti pratiquement sans une parole. Puis, ce fut tout un groupe qui avait transplanné dans le hangar avec à leur tête cet humanoïde qui imposait par sa laideur et sa violence et qui prenait la place de leur responsable. Etrangement, le dragon endormi qui intriguait tant Vairan s’était réveillé dès que cet étrange personnage était entré dans la pièce. Même Cosina ne comprenait pas le lien qui liait ces deux entités.

Le Stratéguerre faisait le point des derniers événements avec son état-major. Son apparence impressionnait et imposait son autorité d'une telle force que personne n'osait parler sans son accord. On en oubliait qu’il n’était pas Vega. C’était la première réunion dans la grotte à laquelle assistait Emilio.

— Nous sommes à l'heure zéro. Grâce à vos efforts de créativité, nos voyages ont porté leurs fruits. A cette heure, il ne nous reste plus que Fleed à soumettre. Ensuite, nous nous attaquerons à la Terre. Notre espion au palais royal nous rapporte que le régent ne soupçonne rien.

Il éclata d'un rire rauque, coupé aussitôt d'une quinte de toux.

— Notre machine est prodigieuse. L'avoir perfectionnée pour transporter le matériel nous a permis de créer une flotte suffisamment impressionnante pour stopper toute résistance. Le CIPUPCET est mort à ses balbutiements. A peine a-t-il eu le temps de faire ses preuves. Nous devons donc mettre en place nos attaques simultanément. Les forces de Vega sont à nouveau là. Et ils ne s'attendent certainement pas à une puissance de feu aussi gigantesque. Quand ils verront notre armada, ils s'enfuiront la queue entre les jambes.

Les personnes autour de la table se joignirent à lui dans son hilarité. Certains jubilaient en se frottant les mains ; d'autres, comme Barta, souriaient mais leur expression ne s'étendait pas jusqu'à leurs yeux. L’informaticien qui voulait travailler sur le projet du transporteur apprenait qu’il était trop tard. Un mystère à ajouter sur ce Stratéguerre. Un remue-ménage se fit entendre derrière la porte qui s'ouvrit à la volée. Un jeune garçon courut vers le trône et s'agenouilla en tendant une missive de ses deux mains.

— Un message urgent, Stratéguerre. 

La salle garda le silence pendant que le chef s'informait du contenu. Il chiffonna le papier et se leva, les yeux pétillant d'une fièvre vengeresse.

— Dans six jours, nous lancerons notre attaque sur Fleed. Le roi a enfin décidé de se montrer. Nous lui rappellerons alors les jours d'impuissance lorsqu'il a vu pour la première fois sa planète mourir. Comment réagira-t-il pour la deuxième fois ? Profitons-en aussi pour continuer à l'atteindre via sa famille.

***

Quelque part dans l'espace

« Ah qu'il fait froid ! Qu'est-ce qui m'a pris de le suivre ? Non, c'était plus fort que moi. Pas une deuxième fois. Je ne peux pas le supporter. Pas deux fois. Est-ce que Hoshi va bien ? Ressent-elle mon absence ? Et Artus, où est-il ? Cette absence d'information m'angoisse au plus haut point. »

Les pensées négatives se bousculaient dans la tête de la jeune femme recroquevillée sur la couchette de fortune qu'elle avait installée dans un recoin de la soucoupe. Vénusia doutait de son geste. Seule, elle avait perdu la notion du temps, ressassant cette folie prise sur un coup de tête. Sa lune de miel lui paraissait si loin, comme un rêve. Elle ne voulait pas revivre les heures sombres de la guerre lorsqu'elle ne savait pas où était Actarus ni ce qu'il faisait avant qu'elle n'intègre la patrouille. Comment allait réagir son mari ? Il serait furieux à n'en pas douter. C'était rare qu'il lui montre son côté irascible. Tant pis, elle ferait face. De toute façon elle était sûre qu'il aurait besoin d'elle, le temps qu'Alcor arrive avec le Cosmorak et les appareils perfectionnés.

« Comment serai-je accueillie par les gens de Fleed ? Pourrai-je y respirer correctement ? » Elle savait qu'Actarus s'inquiétait à ce sujet et qu'il reportait la date du voyage à cause de cela.

Elle replongea dans les souvenirs du départ. Actarus était parti au petit matin pour terminer les préparatifs avec Alcor. Elle s'était précipitée à sa suite après le petit déjeuner afin de se faufiler discrètement dans le hangar de Goldorak dont elle avait les codes d'accès. Elle avait attendu que le garde termine sa ronde avant d'y entrer derrière lui. Grâce à la confiance qu'Actarus avait en elle, il avait manipulé le robot pour qu'il accepte sa présence. Elle avait ainsi pu grimper dans le cockpit et descendre vers un des nombreux recoins qu'elle avait découverts en compagnie de son mari. Ses joues rougirent à l'évocation de certaines scènes. Elle avait craint qu'un détecteur repère sa présence mais après une attente silencieuse dans le noir, elle avait senti les vibrations de l'appareil et la puissance du décollage. N'ayant aucune ceinture de sécurité, elle s'était maintenue tant bien que mal, attendant que les jets se calment et que Goldorak atteignent sa vitesse de croisière. Elle regrettait de ne pas pouvoir admirer les étoiles. Comment se présentait le ciel de Fleed ? Elle avait en tête la photo que Végalia avait montré à Actarus occultant les quelques images qu'il lui avait montrées à son retour. Une douleur subite étreignit son estomac faisant remonter la bile vers sa gorge. Elle se pencha en avant, priant pour que l'angoisse qui la saisissait passe rapidement. Elle tâtonna à la recherche d'une bouteille d'eau. Il ne lui restait plus qu'un fond qu'elle vida avec regret. Elle espérait que le voyage se terminât bientôt. Arrivée malade n'aiderait certainement pas Actarus et elle ne voulait pas être une charge pour lui ni pour son peuple. Elle prit une pastille de plantes qu'elle avait pris soin d'emporter pour les phases de panique qu'elle pourrait subir. Quand elle ferma les yeux pour se reposer, son esprit se tourna à nouveau vers ses enfants : son coeur se pinça au souvenir de Hoshi qui lui souriait confiante alors qu'elle la laissait dans les bras de Dame Antonella ; de la douceur des boucles blondes d'Artus qu'elle caressait pendant qu'il s'endormait contre elle, le doigt en bouche et son autre main accroché à son vêtement. Elle s'assoupit sans se rendre compte des larmes qui coulaient lentement sur ses joues.

Une secousse la réveilla la faisant rouler sur elle-même. Elle gémit lorsque son dos cogna contre l'arête d'un objet puis se redressa et prêta l'oreille aux grincements de la soucoupe. Celle-ci ralentissait. Etaient-ils arrivés ? Elle commença à rassembler les objets épars, passa une main dans ses cheveux mi- longs pour les démêler avant de s'arrêter. "Pourquoi je fais ma coquette, moi ?" Elle sortit doucement de son espace toujours à l'affût du moindre bruit pour rejoindre la sortie. Ses jambes tremblaient de l'inaction qu'elles avaient endurée pendant ce voyage en dépit des exercices de relaxation et d'étirement. Elle posa une main sur son ventre, réprimant une nausée et prit une forte inspiration. Son sac sur les épaules, elle réussit à rejoindre le centre de la soucoupe, là où un ascenseur gravitationnel permettait d'y sortir ou d'y entrer. Ainsi, par un petit hublot, elle découvrit pour la première fois le sol fleedien. Elle s'extasia devant la beauté des bâtiments longilignes, leurs faîtes arrondis en forme de champignon. La lumière de fin de journée, dans les teintes rouge, orange et violet, ondoyait tout autour, donnant un aspect féérique aux lieux. La Capitale renaissait de ses cendres, plus belle que jamais. Elle comprenait les émotions d'Actarus d'avoir perdu un aussi bel endroit et sa joie de la voir revivre. Elle sourit devant tant de beauté.

Goldorak fit un virage pour s'engouffrer dans un tunnel et se poser sur un socle, bloquant ainsi le sas d'ouverture. Vénusia se mordit la lèvre inférieure. « Zut, impossible de sortir par ici. Je vais devoir remonter ».

Elle chemina lentement en tâtonnant contre les parois métalliques pour se diriger vers le cockpit. La vitre de celui-ci était ouverte apportant un air frais qu'elle inspira. En se penchant légèrement pour étudier l'endroit où elle se situait, elle découvrit une pièce aussi large et haute que le hangar du Centre. Son regard se focalisa sur les cinq hommes réunis au pied du robot. Elle reconnut Lukas qu'Actarus lui avait déjà présenté et avec qui il parlait en ce moment même mais elle ne reconnaissait pas les trois autres personnes. Leur apparence montrait des signes de lassitude et d'énervement. « Que se passe-t-il ? » Vénusia, inconsciente du danger dans lequel se trouvait la planète, tendit l'oreille pour en savoir plus. Elle distingua quelques mots sans pour autant tous les traduire - son apprentissage de la langue fleedienne en était encore au balbutiement malgré les heures intensives de Dame Antonella et d'Actarus. Cependant, aux mots "Grendizer" et "pilote" ainsi qu'à la mine déconfite du plus jeune, elle comprit qu'ils étaient dans une impasse. Elle hésita un instant avant de sortir du cockpit, descendre vers la tête du robot et de sauter à pieds joints :

— Pourquoi ne pourrai-je pas être ce pilote chevronné ?

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