Chapitre 8 - Une confiance intemporelle

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Japon, 1683.

— Ohé ! Il y a quelqu'un ?

Accroupi derrière un buisson, Harlock fit signe à Yuki de s'avancer furtivement vers l'entrée de la grotte. Celle-ci était à peine visible, cachée par les ronces qui longeaient sa paroi. Le pirate se déchargea du fardeau qu'il portait sur le dos, l'allongea délicatement sur le sol en dégageant une mèche de cheveux qui balayait son front et le couvrit de sa cape. Il frissonna sous la légère brise qui fouettait les branches basses. Il chargea Kin de garder l'enfant puis rejoignit son compagnon qui commençait à pénétrer dans la cavité, dégageant son sabre de l'étui.

— Il y a quelqu'un ? réitéra-t-il.

Devant le silence qui s'ensuivit, il se hasarda à poser un pied à l'intérieur quand il entendit un sifflotement en provenance du fond. Puis, une lumière orange dessina une ombre sur la roche. Au fur et à mesure que le bruit se rapprochait, l'ombre grandissait et prenait la forme d'un monstre avec une corne, une tête énorme et une queue en pointe. Ils retinrent leur souffle et pointèrent leurs armes devant eux prêts à attaquer.

Yuki regarda son capitaine et fit un geste du bras pour évoquer le balancement d'un objet contre soi. Etonné, Harlock écouta plus attentivement et se rendit compte que le sifflotement reproduisait une mélopée douce.

— J'arrive, j'arrive... "Ne pas perdre patience, même si cela semble impossible c'est déjà de la patience."

La voix se répercutait en écho, joviale. Les pirates abaissèrent leurs armes devant le petit bonhomme qui apparut devant eux. Il portait un chapeau en jonc troué de part et d'autre, une cape qui le recouvrait du cou jusqu'aux pieds cachant ses bras.

— Que puis-je pour vous ?

— Oji-san, le village d'en bas nous a indiqué votre repère, répondit Harlock en s'inclinant.

— Oh, oh, le village d'en bas ? Etrange... - Il frappa une fois dans ses mains - Bah, je suis content de votre visite. Peu importe...

— Je ne comprends pas bien... murmura le pirate en fronçant les sourcils.

— Ne vous préoccupez pas. Que me voulez-vous ?

— Nous avons un enfant malade...

— Quoi ! Et vous ne me le dites que maintenant ? Et où est-il ?

Il fit le tour de ses deux visiteurs en parlant.

— Pas là. Vous ne pouvez pas le laisser seul. Alors ?

— Il est deh...

Harlock ne put finir sa phrase que son interlocuteur sortait en trombe de la grotte.

— Attendez !

Il courut à sa suite.

— Attendez ! Il est frag... Bon sang... Il est petit mais il court vite, celui-là, murmura-t-il.

Il le rattrapa près du buisson juste avant que Kin pointe son arme. Réveillé, Artus gardait la tête baissée à son habitude. Il sursauta quand le petit bonhomme s'accroupit devant lui.

— Enchanté. Je m'appelle Toshirô. Je suis heureux de faire ta connaissance.

Le garçon le dévisagea de ses grands yeux pailletés de violet. Il cligna des yeux mais ne répondit pas.

— Comprends-tu ce que nous disons ?

Il acquiesça légèrement et plaça l'index et le pouce de sa main droite devant lui avec un écart.

— Un petit peu, répéta Toshirô. Je vois. Bon, je vais te mettre à l'abri dans ma caverne et te soigner. Tu veux bien ?

Il reçut un hochement de tête. Il tendit la main que le petit prit et l'emmena à l'intérieur. Harlock les suivit avec ses compagnons qui récupèrent tout leur bagage.

Le repère de l'ermite était un mélange farfelu de pièces en tout genre, métal, bois, minéral. Le pirate sentit l'étouffement l'envahir. Il avait l'impression de revenir au temps de son enfance quand il vivait avec ses parents dans la petite chaumière. Depuis, il avait vécu à l'air libre au nom de sa liberté. Artus tournait la tête vers lui de temps en temps et se rassurait de sa présence. Il lui fit un léger sourire. Il lui rappelait la peinture accrochée au mur de sa chambre à l'auberge dunkerquoise. Tochirô continuait de parler utilisant de forts gestes, sa cape fermée de haut en bas tourbillonnait sur lui-même. Il assit le petit sur une couche faite de paille puis se tourna vers le feu où mijotait une grosse marmite.

— Tu as de la chance. J'ai tué un sanglier que j'ai fait mariner. Tu vas pouvoir manger un bon bouillon bien chaud.

Il mit dans une écuelle une louche de légumes où baignaient quelques morceaux de viande et tendit le tout au garçon avec une cuillère en bois. Il fouilla ensuite dans une caisse en demandant à ses autres invités.

— Vous en voulez aussi, je suppose ? Hé, hé. Pas de problème. Il y en aura pour tout le monde. Olà, cria-t-il en se retourna soudain. Ne touchez pas aux instruments.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda Harlock curieux devant les alambics colorés qui rejetaient de la fumée rouge et verte.

— Une expérience chimique, très dangereuse.

— Dangereuse ? remarqua son interlocuteur en se rapprochant d'Artus.

— Si vous y touchez... En fait, je ne sais pas ce que va donner ce résultat, répondit, penaud, le petit bonhomme.

Méfiant, le capitaine ne s'éloigna pas de l'enfant prêt à l'emporter à l'extérieur. Le silence enveloppa ensuite la caverne pendant que tous se sustentaient. Puis, Tochirô prépara un baume avec des herbes qu'il appliqua sur les blessures d'Artus. Il s'approcha ensuite d'Harlock.

— A votre tour...

Il se dandina, le pot dans sa main, devant le regard interrogateur de son interlocuteur.

— Mon tour pour quoi ?

— Votre blessure au visage.

Harlock toucha sa joue toujours protégé par un pansement de fortune.

— Ce n'est rien, ça doit être cicatrisé maintenant.

— Laissez-moi au moins regarder.

— Pas la peine, vous dis-je.

Tochirô haussa les épaules.

— Je n'insiste pas. Si vous pensez que la cicatrice vous rendra plus viril...

Harlock grinça des dents mais fit mine de ne pas avoir entendu. Il s'agenouilla près d'Artus dont il caressa les boucles blondes.

— Je vais m'absenter quelques jours. Je dois partir à la recherche de ceux qui t'ont pourchassé.

Le garçon tira sur la manche de son sauveur, une question au bord des lèvres.

— Tu es en sécurité ici. J'ai confiance en Tochirô même s'il semble être excentrique. Je n'ai pas l'habitude de donner ainsi ma confiance mais je sens...

Il laissa sa phrase en suspens en levant la tête vers leur hôte.

— Oui, tu peux avoir confiance en lui.

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