CHAPITRE 13

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CHAPITRE 13

Après s’être informé sur les circonstances connues — causes possibles de la léthargie — le médecin retira son paletot puis dévissa la fermeture métallique de sa trousse. Son stéthoscope aux oreilles, il écouta le cœur de la malade. Celui-ci battait très lentement. Il souleva ses paupières, examina sa langue, palpa sa gorge et son corps inanimé.

— Alors docteur ? interrogea le Prince. Est-ce grave ? Qu’en pensez-vous ?

— Hum... Je ne saurais me prononcer avec certitude. Je ne discerne aucun symptôme de maladie habituelle. Je penserais davantage à une perte de connaissance prolongée que j’espère bénigne et... temporaire.

— Et c’est tout ? Rien de plus à en dire ou à faire ?

— Hum... Non... Je préconise du repos et de la surveillance, voilà tout.

— Voilà tout ? Rien d’autre à proposer ? Un traitement ? Une saignée ? Quelque chose à avaler ?

— Non, je ne vois pas... Et la saignée ne semble pas recommandée vu la pâleur de sa peau et la faiblesse de ses membres. Restez près d’elle, c'est la seule chose à faire pour le moment. Puis, refroidissez son visage pour éviter qu’elle ne monte en température.

— Et pour la suite ? Va-t-elle guérir ?

— Je ne le sais pas. Le temps nous le dira…

Après le départ du médecin, le Prince sonna Pierrot-Guillou pour qu’il lui ramène des carrés d’étoffe et de l’eau fraîche. Comme demandé, le valet de pied rapporta une bassine remplie et des tissus découpés qu'il déposa près du lit, puis donna un message écrit de la main du Chef de sa garde royale. Dans une calligraphie rapide, il était noté que le quatrième garde avait été descendu des étages dans un état critique, presque à l’agonie. Il était notifié que d’énormes bosses violacés déformaient son corps et son visage, et que malheureusement, aucun de ses hommes n’avaient trouvé trace de la nuée dans la chambre ni aux alentours. En post-scriptum, il avait mentionné qu'il espérait que cette menace soit partie par la fenêtre ouverte.

Le Prince donna mandat à Pierrot-Guillou de rapporter un nouvel ordre de mission au Chef de la garde royale. Sur la missive était écrit " S'assurer que cette menace dont personne ne connait ni l’origine ni la dangerosité, ne se trouve plus dans l'enceinte du château, et dans le cas contraire, ordre est de l’éradiquer sur le champ, par tous moyens ou procédés ". Le Prince ayant précisé en bas de note " La protection des personnes logeant au château étant capitale, cette mission est hautement prioritaire ".

La fin de la matinée et le début d'après midi de ce cinquième jour, Berthe-Conteuse sut encore satisfaire les hôtes. Reconnaissants et comblés par ses divertissements de qualité, tous répondirent présents aux petites saynètes improvisées en plein air par des comédiens professionnels, puis se réjouirent du pique-nique à l'ombre des grands arbres du jardin et agrémenté de chansons partagées.

Durant ce temps de joyeusetés, le Prince veilla puis sommeilla de longues heures à son chevet. Assis près de la malade, il refusa de la laisser un seul instant, refusant même d'aller se sustenter. En parfait valet de pied, Pierrot-Guillou lui fit porter un petit en-cas qu’il picora sans appétit. En milieu d’après-midi, l'état de santé de Blanche-Prudence n’ayant montré aucun signe d’amélioration, le Prince perdit patience et se dit qu’il ne pouvait se contenter de rafraîchir le front de la jeune fille. Il pensa à ce médecin incompétent qui n’avait jamais su le soulager, quand Blanche-Prudence avait réussi ce tour de forces en utilisant des recettes simples mais efficaces.

— Ce corbeau de médecin ferait bien mieux de tenir un fromage qu'un auscultateur... grogna-t-il entre ses dents. Je suis quasiment certain que Blanche-Prudence aurait possédé la science de son rétablissement, mais hélas, la voici en incapacité de le faire...

En pleine réflexion, le Prince pensa que Blanche-Prudence avait peut-être confié la recette d’un de ses remèdes en cas d’évanouissement prolongé à mère Gontrande ou à son jeune marmiton, et les convoqua au lit de la malade.

Le temps de retirer leurs tabliers et de nettoyer leurs mains, la cuisinière et l’apprenti laissèrent leur travail en plan et suivirent le valet de pied. Dans les couloirs, mère Gontrande avançait d’un pas lourd mais hardi, alors qu’Anophèle s’efforçait d’accélérer son rythme de marche habituel, plutôt lent et traînant. Introduits par Pierrot-Guillou dans les appartements du Prince, ils furent emmenés dans la chambre princière.

— Mon Dieu ! Qu’est-il arrivé à cette petite ? s’angoissa mère Gontrande, les mains sur ses joues rebondies.

— Mes gardes l’ont trouvé dans sa chambre peu de temps après votre départ, prisonnière d’une sorte de filet visqueux et déjà sans connaissance. Depuis, J’ai espéré qu’elle reprenne ses esprits mais il n’en est rien. Elle n'a eu aucun mouvement des lèvres ou des doigts. Par malchance, mon médecin ne m’a été d’aucune aide pour la sortir de cet état. Me voilà démuni et dans un profond désespoir, c'est pourquoi j'ai fait appel à vous deux, croyant que peut-être Blanche-Prudence vous aurait partagé quelques secrets de guérison.

— Hélas, non, répondit mère Gontrande, les yeux embués. Malheureusement, non... Hormis les mixtures que je l’ai vue préparer et dont vous avez bénéficié, je n'ai connaissance de rien de plus…

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