CHAPITRE 12

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CHAPITRE 12

Après avoir escorté mère Gontrande et Anophèle à la porte, le Prince envoya chercher le Chef de sa garde. Et dans l’attente, bouleversé par cette annonce terrifiante et craignant pour la vie de Blanche-Prudence, il eut une nouvelle flambée de boutons dans le cou et sur le dos des mains qu'il s'empressa de recouvrir de miel de fleurs de prairie. Le cataplasme atténua le feu sur sa peau, et c'est donc la figure badigeonnée d’ocre qu'il reçut le Chef de sa garde.

— À vos ordres, Prince Philibert-Armand ! dit le Chef de la garde, saluant puis claquant ses talons l’un contre l’autre.

— Bonjour, Chef de ma garde ! J’ai besoin d’une fouille complète du château pour retrouver une jeune fille disparue. Détachez les plus discrets de vos hommes afin que l’on ne remarque pas vos déplacements et que la mission ne soit pas ralentie par qui que ce soit, ni quoi que ce soit. Commencez par envoyer une équipe pour ouvrir la porte de sa chambre et y récupérer d'éventuels indices. La jeune fille que nous recherchons est une jolie damoiselle au visage très doux et aux boucles dorées, prénommée Blanche-Prudence. Depuis hier, elle n'a plus donnée signe de vie et personne ne l'a croisée nulle part. Pour des raisons que je ne peux communiquer, il se peut qu’elle soit séquestrée, droguée ou même blessée. En conséquence, faites une recherche minutieuse et approfondie. Regardez partout, y compris dans le parc et le jardin.

— À vos ordres, Prince Philibert-Armand !

— Ce soir, j’aurais encore besoin de vos services. Je vous attendrai donc ici-même à vingt-et-une heures précises et vous transmettrai les nouvelles directives. En attendant, bonnes recherches et franc succès !

— Compris, Prince Philibert-Armand ! répondit le chef de la garde royale en claquant ses talons l’un contre l’autre.

Une demi-heure après les prescriptions du Prince, le Chef de la garde royale qui avait réuni un groupe de quatre hommes – nombre restreint pour ne pas éveiller les soupçons – leur commanda d’aller ouvrir la chambre de Blanche-Prudence et d’y rechercher quelques indices. Entraînés à la discrétion, les hommes n’enfoncèrent pas la porte mais dégondèrent les charnières d'acier avec habileté et sans bruit, puis s’introduisirent dans la petite pièce encore plongée dans la pénombre.

À première vue, rien !

À la lueur d’une bougie, ils inspectèrent la chambre en se séparant aux quatre coins et, en moins de cinq minutes, ils retrouvèrent la jeune fille en arrière du rideau. Bâillonnée et enclavée dans un filet organique et visqueux, plus résistant et solide qu’une corde de chanvre, celle qui semblait évanouie, fut libérée par quatre lames de couteaux tranchants.

Deux hommes soutenaient Blanche-Prudence, aussi molle qu’une poupée de chiffon. Elle était sans connaissance et son souffle était mince, à peine audible. En première urgence, les gardes entreprirent de la transporter dans un drap de lit jusqu’aux appartements du Prince. Et pendant qu'ils s'activaient autour d’elle et lui improvisaient une civière, les premiers rayons du soleil traversaient la fenêtre et éclairaient la chambre obscure. Soudain, un bourdonnement leur fit lever les yeux.

Et là ! Juste au-dessus de leurs têtes, un essaim de petites fourches menaçantes et effrayantes. Stratèges, trois des hommes se dépêchèrent d’envelopper la jeune fille pour l’éloigner, pendant que le quatrième avait ouvert la fenêtre. S'aidant d’une taie d’oreiller, il repoussait au-dehors la colonie rassemblée en une boule monstrueuse, permettant à ses comparses de soulever le brancard et de s'éloigner à pas de biches.

Resté seul dans la chambre infestée, le garde combattait l’angoissante nuée qui esquivait ses coups de tissu et virevoltait autour de lui. La bataille dura un long moment, mais excitée par les assauts répétés, la colonie plongea sur l’homme exténué et s’accrocha à lui. Par dévouement et en obéissance au Prince Philibert-Armand, et selon l’ordre reçu de garder secrète la mission, il n’appela pas à l’aide et demeura bouche close.

Deux étages plus bas, toujours inconsciente, Blanche-Prudence fut déposée à l’abri des regards, dans un coin sombre et en retrait. Deux des gardes restèrent auprès d’elle, quand le troisième s’employa à prévenir le Chef de la garde Royale qui avisa promptement le Prince, fou d’inquiétude mais espérant de bonnes nouvelles. Avec précaution et discrétion, la jeune fille fut rapatriée dans ses appartements puis étendue sur son lit. L’atonie et l’absence de réaction de Blanche-Prudence affolèrent le Prince. Il requit des informations sur le lieu, les conditions et la façon dont elle avait été trouvée, et apprit l’existence de la terrifiante colonie. Il ordonna qu’elle fût détruite sur-le-champ, puis sonna Pierrot-Guillou son valet de pied, pour lui demander d'aller quérir le médecin.

Dans le calme de sa chambre, le Prince s’agenouilla au bord du lit et, le geste délicat, il emmaillota de ses doigts la main molle de Blanche-Prudence. Il resta ainsi jusqu’à l’arrivée du médecin qui semblable à un corbeau, son chapeau noir en bicorne sur la tête, sa grande cape jetée sur ses épaules et ses collants opaques gainant ses jambes minces et arquées, trotta vers la chambre. Essoufflé, il salua le Prince en relevant son couvre-chef :

— Bien le bonjour Prince. Vous m'avez fait mander et je suis venu aussi vite que je l'ai pu.

— Fort bien, vous êtes toujours si prompt.

— Prompt, certes, mais à mon grand regret inapte à améliorer votre santé...

— Ce n'est pas de moi dont il s'agit mais de cette demoiselle. Elle ne va pas bien du tout, alors faites votre possible pour la guérir.

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