CHAPITRE 5

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CHAPITRE 5

Le deuxième jour.

Ce matin là, accoté à l'une de ses fenêtres de chambre, le Prince Philibert-Armand était pensif. L'œil égaré dans le lointain, il songeait à la petite paysanne au visage doux comme celui d'un ange. Jamais auparavant, il n'avait ressenti un tel sentiment de quiétude en posant les yeux sur quelqu’un. L'image de la demoiselle et le rappel de son tendre sourire l'apaisaient encore et lui procurait un sentiment de bien-être. Contemplant les jardins luxuriants, il se dit curieux de connaître cette singulière jeune fille puis réfléchit à une rencontre en tête-à-tête avec elle. C’est ainsi qu’il décida de convoquer les trente en prétextant souhaiter les connaître.

Le Roi et la Reine, habitués à un fils solitaire et casanier ne fréquentant que sa famille par crainte de nouvelles allergies, s'étonnèrent de l’engouement de leur fils à vouloir s’entretenir avec toutes ces personnes, mais accédèrent à sa demande. Bien évidemment, avant la rencontre, des mesures sanitaires s'imposaient. Les trente devaient passer par les bains afin de se désinfecter et se débarrasser de toutes substances allergènes éventuelles et présentes dans leurs cheveux, sur leur peau, leurs poils ou sous leurs ongles, puis se revêtir de longues chasubles bleues et aseptisées en attendant de revêtir leurs tenues de cérémonie. Ainsi, habillés de façon identique, les trente déambulaient à travers le château, tels des moines marchant religieusement dans leur cloître.

Et comme souhaité, ils allèrent converser avec le Prince Philibert-Armand qui, son secrétaire particulier à ses côtés pour noter les réponses de chacun, les reçut les uns après les autres en ne cessant de se moucher. Et tandis que vingt-neuf personnes, jugées de grande qualité par le Prince, se succédèrent dans ses appartements sans que la petite paysanne ne se montre, il finit par écourter poliment la conversation avec un volubile bourgmestre, puis demanda quelques minutes à son secrétaire avant de recevoir la jeune fille.

Nerveux et debout derrière son bureau, il contempla les jardins fleuris, puis s’essuya le nez. Il resta là un moment, le regard perdu, puis se retourna, tira d’un geste sec sur les bords de sa veste d’apparat et fit signe à ses gardes d’ouvrir les portes. Blanche-Prudence apparut. Elle s’avança doucement vers le Prince, qui toujours attiré par sa beauté simple et naturelle, fut encore davantage troublé en la voyant dans sa tunique. Intimidé, à la place d’un sourire de convenance, il lui adressa un curieux rictus.

— Bonjour votre Altesse, dit-elle d'une voix posée en se courbant.

— Bon... bonjour mademoiselle, bafouilla le prince. Installez-vous sur ce fauteuil, je vous prie.

La jeune fille prit place en face du jeune homme qui s'assit à son tour et la dévisagea sans dire un mot. Après quelques minutes, il lui demanda son prénom.

— Blanche-Prudence, renseigna-t-elle de sa voix douce.

Mais alors que son secrétaire s’affairait à noter les réponses de la jeune fille, le Prince ajouta :

— Charmant. C'est… c’est vraiment… charmant, dit-il avant de garder le silence et d'à nouveau la regarder.

Philibert-Armand était fasciné par le visage de la petite paysanne, elle-même gênée par son regard insistant.

— Votre Altesse ? interrogea-t-elle pour briser l'embarras.

Le Prince eut un large sourire. Il se reprit puis demanda :

— Dites-moi donc ce qui a permis que l'on vous choisisse ? Vous êtes si jeune. Vos qualités doivent être spéciales et incontestables pour avoir devancée des hommes et des femmes d’expériences, bien plus âgés que vous.

— Si fait votre Altesse, mais on m’a désignée pour mes aptitudes médicinales et pour mon savoir-faire en matière de décoctions thérapeutiques.

Le Prince éclata de rire. Il riait tellement que Blanche-Prudence s'en étonna.

— Qu'ai-je dit de si amusant ?

— Rien. Vous n'avez absolument rien dit qui prête à rire. J’ai seulement eu l’image de ces affreuses sorcières qui préparent des potions magique, et j’ai pensé que la nuit vous vous transformiez en une de ces vieilles femmes édentées.

— Non, je ne suis pas une sorcière, dit la demoiselle en souriant. Je serais plutôt une sorte d'herboriste qui ramasse des plantes, des feuilles et des fruits dans la nature afin de les associer, de les sécher, de les infuser, de les laisser macérer ou de les broyer en poudre pour mes préparations thérapeutiques.

— Des préparations ?

— Oui des préparations à base de produits naturels pour soigner ceux qui n'ont pas les moyens de faire appel à un médecin. Je leur offre gratuitement mes services. Qui en a besoin, bénéficie de mes mixtures.

— Dites-moi en plus. Cela éveille ma curiosité.

— Saviez-vous que les Sumériens utilisaient des plantes telles que le chanvre, le myrte, le thym et le saule en décoctions filtrées, puis plus tard, les Égyptiens, les Grecs et les Romains ?

— Non, je ne le savais pas. Mais sur quelles maladies vos remèdes agissent-ils ?

— Il en y en beaucoup en vérité. La liste est bien trop longue pour les énumérer.

— Blanche-Prudence, vous m'impressionnez.

— Je peux aussi traiter vos problèmes de bronches et de respiration.

— J'ai essayé des quantités de traitements, mais aucun ne m'a permis de guérir.

— Votre Altesse, oserais-je vous proposer un traitement naturel qui donne de très bons résultats ?

— Eh bien, pourquoi pas ! Avec grand plaisir !

— Parfait. Alors donnez-moi une demi-heure pour préparer et vous apporter une de mes décoctions maison.

Le Prince Philibert-Armand agréa la proposition et raccompagna la demoiselle jusqu'à la porte.

— Je vous attends, lui dit-il dans l'encoignure.

Investie d'une mission princière, Blanche-Prudence courut récupérer son ballot de lin dans sa commode de chambre, puis partit en quête des cuisines du château. La demeure était immense. Elle s'égara avant de consulter les domestiques qui vaquaient çà et là et lui indiquèrent la direction.

— Bonjour, murmura-t-elle à une femme de forte corpulence, l'air bourru et tranchant des os de poulet.

Dans un coin, un adolescent maigrelet au menton en galoche et légèrement voûté, épluchait des navets. Blanche-Prudence pensa que le garçon était un apprenti. Elle lui sourit et, rougissant, il lui rendit son sourire.

— Pourrais-je utiliser une petite casserole ainsi que vos fourneaux pour chauffer de l'eau ? demanda-t-elle à la cuisinière qui sectionnait sa volaille d'une main ferme.

— Hum... grogna-t-elle en essuyant ses mains sur son tablier taché de jus de tomate. Vous êtes une des trente, n'est-ce pas ?

— C'est cela, répondit Blanche-Prudence, légèrement effrayée.

— Hum... Allez-y, mais ne me salissez rien !

— Pas d'inquiétude, tout sera en ordre et parfaitement nettoyé.

— Bien ! Enfilez cette blouse pendue juste ici ! Les lessiveuses ont bien assez à faire pour ne pas devoir encore frotter toutes vos chasubles !

— Ne te laisse pas distraire, Anophèle ! dit-elle au jeune garçon. Il y a du pain sur la planche avec ces trente-là !

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