Chp 3 - Rika : l'examen

14 minutes de lecture

Le son du vent dans les branches était doux et entêtant. Une pâle lumière grise filtrait entre mes paupières, alors qu’une odeur sèche et parfumée envahissait mes narines. J’ouvris les yeux complètement, pour ne trouver entre mes doigts que les longues mèches vif-argent de Ren, qui dormait paisiblement à mes côtés. Je faisais souvent ce genre de rêve ces derniers temps… La Terre. De la verdure et des arbres. Quelque chose que je n’avais jamais connu, mais qui était inscrit dans ma mémoire génétique, et qui me manquait.

La douloureuse sensation de serrement au fond de mon abdomen me ramena vite à la réalité. Surtout, j’avais horriblement mal au dos. Je me tournai sur le côté tant bien que mal, faisait face à Ren qui dormait toujours. Mais il avait un sommeil de félin, et ne se reposait toujours que d’un œil. Surtout ces derniers temps... Dès qu’il me sentit bouger, il ouvrit ses grands yeux miroitants et les posa sur moi.

— Tu as mal, remarqua-t-il posément.

— Bonjour, Ren, répliquai-je en esquissant un sourire qui devait plus tenir du rictus.

Ren, lui, ne riait pas. Il posa sa grande main sur mon ventre, avec autant de précautions que s’il manipulait un œuf géant.

— Je vais appeler Dea, décida-t-il en se levant.

— Non, pas la peine... Reviens plutôt te coucher.

Mais c’était trop tard. Ren déplia son immense silhouette — j’étais toujours surprise par les dimensions de son corps et l’impression de puissance qu’il dégageait — et se dirigea vers l’holocom que j’avais laissé la veille sur un pouf géant, avant d’aller me coucher. Je me servais de cette machine troquée juste avant de quitter le monde civilisé pour échanger des blagues avec Dea. Mais pour Ren, c’était un outil de commandement.

— Je te prie d’examiner Rika tout de suite, ordonna-t-il d’une voix sombre.

Comme d’habitude, il s’inquiétait.

— Ren, je t’assure, ça va bien ! tentai-je, émergeant à peine des coussins.

Il reposa le holocom.

— Je sais que tu souffres, lâcha-t-il sans me regarder. C’est normal. Le corps humain n’est pas fait pour porter des embryons ældiens. Et tu es...

— ... une faible femelle de petit gabarit, récitai-je en grognant.

Ren m’octroya enfin un regard.

— Je n’allais pas dire faible, tempéra-t-il. Mais oui, tu es en effet une femelle de petit gabarit.

Je le regardai enfiler sa tunique. Ren s’était récemment décidé à remettre ses vêtements ældiens : cela lui allait merveilleusement bien, et le voir revêtir ces tenues de séduisant prince de l’espace me faisait toujours de l’effet. Mais pas autant que de le voir nu. Et j’avais un besoin viscéral de sentir sa peau contre la mienne.

— Tu viens me faire un câlin ? tentai-je timidement.

Ren se tourna vers moi, offrant à mon regard son magnifique torse sculpté. Mais il ne s’approcha pas du lit.

— Dea doit t’examiner.

Il boutonna sa tunique, soustrayant ses muscles noirs à mon regard concupiscent.

— Sois patiente, me rassura-t-il en passant une main caressante sur mes cheveux. On aura tout notre temps pour ça ce soir.

Je me laissai tomber dans les coussins en soupirant. « Ça ». Avec ce démonstratif peu inventif — l’une des nombreuses lacunes de son vocabulaire en Commun —, Ren faisait allusion à ce qu’il nommait également son « devoir de mâle ». Autrement dit, les galipettes.

Depuis le jour où j’étais tombée enceinte, j’étais tout le temps excitée. Cet étrange état d’esclavage des sens tempérait l’angoisse terrible qui me rongeait, d’autant plus que Ren était particulièrement avare en explications. Mis à part de laconiques « il faut que je t’insémine » et autres « je dois te féconder ce soir » hauts en romantisme, Ren pratiquait la détention d’informations. Il n’avait jamais été très bavard, certes. Mais parler de « ça » lui était particulièrement difficile.

Heureusement, Dea avait profité de nos dernières escales pour télécharger les dernières mises à jour médicales, et j’avais pour ma part enregistré toutes les infos sur les ældiens rendues récemment accessibles sur le réseau. Pourquoi le SVGARD avait-il soudain décidé de les débloquer ? Mystère. Toujours est-il que j’avais sauté sur l’occasion, et complétais ma connaissance de cette espèce aux mœurs mystérieuses entre deux quarts et cours de langue ældienne. C’est ainsi que j’avais eu confirmation que la reproduction ældienne nécessitait plusieurs inséminations continues. Je devais donc « subir » ces fécondations régulières. J’avais l’impression d’en avoir besoin, et si je m’étais écoutée, je l’aurais fait continuellement. Mais Ren insistait pour espacer ces séances, sans que je ne sache trop pourquoi.

— Et toi, tu vas faire quoi aujourd’hui ? lui demandai-je en calant ma tête sur ma paume.

— Je vais passer voir Bereth dans la salle de commandement, puis je vais aller méditer et m’entrainer au temple.

— Encore ? Mais tu l’as déjà fait hier...

Ren me fit face.

— J’ai été battu par deux humains, je te rappelle, répondit-il d’un ton métallique. Je ne dois pas rester sur cet échec : il me faut comprendre pourquoi j’ai perdu. De toute façon, méditer et s’entrainer, c’est le travail d’un sidhe. C’est ainsi que j’ai occupé mes journées pendant plus de sept mille ans.

Réfrénant un soupir qu’il aurait sûrement mal interprété, je le regardai des pieds à la tête. Je savais que Ren vivait mal ses « échecs » contre l’Holos et les mutilations qu’il avait subies à cause des humains. Il avait peut-être perdu ses griffes et le panache qui faisait sa fierté de mâle, mais à mes yeux, rien n’avait changé. Il avait toujours le même corps souple, tonique et musclé, sans un gramme de gras : je le savais pour l’avoir entre les mains tous les soirs ou presque. Ses réflexes me paraissaient toujours aussi rapides et ses instincts aussi affûtés. Et surtout, quel besoin avait-il de s’inquiéter d’être le plus fort, maintenant ? La guerre et les affrontements étaient derrière lui. Lorsque je lui fis part de ces réflexions, il se pencha pour embrasser mon front.

— Tu as raison. C’est fini, tout ça. Désormais, tout ce qui m’importe, c’est qu’on soit ensemble, Rika.

Mais il avait dit cela sans se départir de son masque froid, et je savais qu’il continuait à s’entraîner dans cette salle, ou du moins, qu’il y passait du temps. Quelques années solariennes auprès d’une petite humaine n’étaient sans doute pas suffisantes pour effacer des millénaires de conditionnement ældien.

Ren posa doucement sur mes épaules le tissu chatoyant d’une robe-kimono — l’un de ses nombreux cadeaux —, puis, sans que je ne puisse dire quoi que ce soit, me saisit dans ses bras. C’était toujours lui qui m’emmenait aux examens, comme si je risquais ma vie en marchant sur mes jambes jusqu’à la salle médicale. C’était à la fois humiliant — je n’avais jamais eu besoin qu’on me porte dans ma vie d’avant — et réconfortant. Je devais reconnaître que Ren me traitait comme une princesse... même si ses attentions pouvaient se révéler pesantes.

Je profitai du trajet pour me lover contre lui. Ren traversa le pont vertigineux qui reliait les quartiers d’habitation à la salle médicale d’un pas martial, sans se laisser distraire par mes soupirs et mes caresses. Son odeur me rendait folle. C’était pire à mesure que mon ventre s’arrondissait.

— Ren... si on retournait dans la chambre ?

— Ne me tente pas, murmura-t-il en gardant le regard fixé droit devant lui. J’ai déjà beaucoup de mal à me retenir de te saillir tout le temps.

Ce murmure rauque me rendit toute chose. Ren qui perdait le contrôle... qu’est-ce que ça devait être ? Je me coulai un peu plus dans ses bras. C’était instinctif. La faute aux hormones, sûrement... En même temps, je me sentais un peu cruche de me transformer en chamallow à la seule voix virile d’un mâle autoritaire, qui parlait de me « saillir » comme si je n’étais qu’une vulgaire zubronne. Au fond de moi, je détestais que Ren me donne des ordres, ou qu’il me tienne la dragée haute. Un petit côté rebelle que j’avais toujours eu du mal à réprimer, et qui, je le sais, m’aurait fait du tort si j’avais continué ma carrière dans la marine marchande.

— Ça va, tu peux bien faire un écart à ton programme d’insémination une seule fois... et je veux bien être saillie, moi, soufflai-je dans ses oreilles, les veines échauffées par cette seule idée.

Mais Ren ignora mes propositions, ainsi que les caresses suggestives que j’administrai à ses adorables oreilles pointues. Une zone érogène, selon les archives du SVGARD... qui n’avait jamais fait grimper Ren aux rideaux.

— Je te féconderai ce soir. Mais d’abord, tu dois voir Dea. On ne sait pas ce qui peut arriver.

Cette histoire de fécondation — qui m’énervait et m’excitait tout à la fois — me fit crisper les doigts sur les biceps de Ren. En vain, vu leur dureté d’acier.

— Et qu’est-ce qui pourrait arriver, selon toi ?

— Tu es une humaine au corps fragile, rappela-t-il pour la millième fois. Tes hanches et ton utérus sont très étroits... trop étroits pour accueillir une portée de hënnil.

Ces mots m’électrifièrent autant qu’ils m’enragèrent, un peu comme une tige à zubron. Pourtant, mes sens prisonniers de ces maudites phéromones me firent l’agripper encore plus.

— Trop pour accueillir ton gros mem... commençai-je à chuchoter à son oreille.

Ren interrompit ma piètre tentative de dirty talk par un grognement indistinct. Je savais qu’il avait horreur de ça. Et normalement, moi aussi.

— Pardon, Ren, gémis-je en me recroquevillant dans ses bras. Je ne sais pas ce qui m’a pris.

Je le savais très bien.

— Ne t’excuse pas. Ce sont les chaleurs femelles. Tu n’y est pour rien.

Les « chaleurs femelles »... Je renonçai à expliquer à Ren que les humaines s’étaient lestées de cet esclavage de la biologie il y a plusieurs centaines de milliers d’années. Cela ne servait à rien. Si je le lui disais, il allait prétendre que j’étais victime de son luith, ce qui était encore pire. Ma peur la plus profonde, c’était que Ren soit incapable de comprendre que je l’aimais pour lui-même, et non pas à cause d’un obscur processus chimique. Et, plus encore, de découvrir que lui m’aimait pour les mauvaises raisons.

— Nous y sommes, statua-t-il après un longue progression en silence dans les couloirs labyrinthiques et cyclopéens de l’Elbereth. Tu n’auras qu’à parler de tout ça à Dea : elle t’expliquera.

Elle t’expliquera. Dès que Ren échouait à me faire comprendre quelque chose, il concluait par cette phrase. Dea était devenue sa ressource numéro un, et, après Elbereth, l’être auquel il faisait le plus confiance sur ce navire.

Moi, je n’étais que sa femelle, fragile, humaine et enceinte, de surcroit.


*


La salle de soins était le nouveau terrain de jeu de Dea. C’était elle qui avait aménagé cette pièce. Elle y avait installé un laboratoire, et un module médical, qui devait, notamment, servir à mon accouchement. Elle avait calculé les probabilités d’une césarienne à plus de 75%. Normal, s’il y avait plusieurs petits...

Ren échangea un signe de tête avec elle, puis il me déposa sur la table avec précaution. Pendant ce temps-là, Dea enfilait des gants, qui remontaient jusqu’à son coude, désormais de la même couleur que la peau de Ren.

Elle m’accueillit avec un sourire radieux.

— Bonjour, capitaine. Des douleurs particulières ?

D’un coup d’œil entendu, elle congédia Ren de la salle. Ce dernier obéit sans moufter : après un dernier regard sur ma silhouette en nuisette, il vida les lieux. La première fois, Dea avait proposé qu’il reste pour me « calmer », comme elle disait. Mais en voyant ma tête furieuse, Ren avait refusé. « Non, il vaut mieux que je parte », avait-il dit avant de battre en retraite. Je dois dire que cela m’arrangeait.

— Tu sais, ce serait plus facile pour toi s’il restait, soupira Dea. Il suffirait qu’il te tienne contre lui et ronronne pour que tu te détendes complètement. Les mâles ældiens font cela pour apaiser leurs femelles enceintes, normalement. Je l’ai lu dans les nouveaux traités d’exobiologie.

— Hé, je sais que t’es au courant de tout, mais laisse-moi au moins l’illusion d’avoir encore un peu d’intimité, hein ! protestai-je sur un ton faussement jovial. Les ronrons, c’est entre lui et moi.

Intérieurement, je bouillonnai. Mais Dea ne pouvait pas comprendre.

— Comme tu veux... il a dit que c’était toi qui décidais.

— Encore heureux, murmurai-je entre mes dents. De toute façon, c’est une fausse alerte. Ren s’inquiète tellement pour rien...

— Vraiment ? Aucune gêne ? Mets tes pieds dans les étriers, s’il te plait.

Je m’exécutai de mauvaise grâce.

— J’en ai ras le bol de ces examens... J’ai l’impression d’être une zubronne à lait, une poule de luxe !

Dea farfouilla sur un plateau en acier chirurgical, que je préférai ne pas regarder.

— Ils sont pourtant nécessaires. Tu attends une portée de trois petits semi-ældiens, Rika. Ce n’est pas anodin : il faut surveiller. D’autant plus que cela fait plusieurs milliers d’années que l’hybridation n’a pas été tentée.

L’hybridation. Dea parlait de moi comme d’un sujet de labo !

— Qu’est-ce que je risque, à part un gros ventre, des fuites urinaires que tu peux traiter et un accouchement traumatique que le module médical m’évitera le jour J ?

Mon ton ironique n’eut pas l’air de plaire à Dea.

— Ton corps peut rejeter les embryons, et leur ADN altérer ton génome. Celui des ældiens est très plastique, et a une tendance notable à contaminer celui des autres organismes, expliqua-t-elle en me jetant un regard sévère.

— Je sais déjà tout ça. Mais ça va me donner quelques décennies de vie supplémentaire et des rides en moins : c’est plutôt chouette, non ?

Dea garda le silence. Elle brandit un instrument à l’aspect déplaisant, qui me fit tourner la tête et grimacer. Que Ren enfonce son gros machin dans mes parties les plus secrètes, passe encore. Mais un objet contondant entre les mains de mon ancienne navigatrice...

— J’ai toujours évité d’aller consulter ce genre de toubib quand on faisait escale en station, grinçai-je pour me donner une contenance. Et maintenant, mon conjoint insiste pour que je me fasse tripatouiller tous les jours par ma seule et unique amie !

— Tu peux avoir confiance, Rika, fit Dea en se penchant sur moi. Attention, j’insère la sonde.

Je pris une grande inspiration, les yeux fixés sur le plafond. Dea était particulièrement douce, mais j’avais horreur de ça. Savoir qu’en plus, Ren attendait derrière la porte, au courant des moindres détails de cette humiliante opération... Et je le connaissais assez pour savoir qu’il n’allait pas bouger de là avant d’être sûr que je ne risquais pas une hémorragie létale.

— Tout me semble aller bien, finit par conclure Dea. Tu entames un bon troisième trimestre.

— J’avais juste mal au dos, précisai-je avec humeur. C’est Ren qui s’en fait toute une montagne ! C’est incroyable, quand je songe au peu de considération qu’il avait pour moi avant.

Comme cette période me semblait lointaine ! Le Ren froid et indifférent qui m’avait abandonnée dans un vaisseau en perdition au milieu d’une mare de bidoche, débarquée sur une colonie, ou suspendue par les bretelles au-dessus de la lave, n’était plus qu’un cauchemar oublié. Le problème, c’est que comme avec Dea, les précautions excessives dont il entourait ma petite personne commençaient à me peser.

Dea croisa les bras sur sa blouse.

— Tu portes ses enfants. C’est normal qu’il cherche à te protéger. Aucun autre problème à signaler ?

— Non... enfin, si. Puisqu’on y est, autant te le dire ! Je suis tout le temps excitée, avouai-je en baissant la tête. Je me mets même à le provoquer, à lui dire des obscénités... Est-ce que c’est normal ?

Dea se mit à rire. Elle avait fait beaucoup de progrès dans l’empathie.

— Parfaitement normal. Je le serais, moi aussi, si j’avais un corps biologique et sexué !

— Hein ? Pourquoi ?

— Le commandant produit beaucoup de luith en ce moment. N’importe quelle femelle y serait sensible... et puis, c’est un être tellement parfait !

Je fronçai le nez, choisissant d’ignorer cette remarque bizarre de Dea.

— Du luith ?

— C’est le cycle naturel, pour pouvoir achever la formation des embryons. Il doit t’inséminer très régulièrement. Le luith est là pour t’y inciter.

— Tous les huit jours minimum, je sais, récitai-je.

Je savais que Ren tenait un calendrier scrupuleux. Ces coïts programmés avaient la triste saveur du travail nécessaire, et je craignais qu’il ne se force.

— On dirait que c’est une obligation, pour lui, bougonnai-je en tripotant un plateau de seringues emballées. Il a une telle façon d’en parler... j’ai l’impression que c’est tabou, en plus. Je n’arrive pas à parler de sexe ou de procréation avec lui : il faut toujours qu’il trouve un moyen pour éluder.

— Le commandant est très réservé sur ces choses-là, crut m’apprendre Dea. Mais si ça peut te rassurer, il en a autant envie que toi. La nature est bien faite, et particulièrement la biologie ældienne. Ils sont d’une telle perfection ! Il est en rut depuis le début de ta grossesse, et le restera jusqu’à ce que les embryons soient complètement formés. Comme ça, il pourra t’accompagner pendant toute la gestation, et réaliser des inséminations nombreuses et complètes.

En rut, des inséminations nombreuses et complètes... tout un programme.

— Tu te mets à parler comme lui... ! gémis-je en grimaçant.

Dea me lança un sourire enjoué.

— C’est plutôt lui qui se met à parler comme moi !

Je haussai un sourcil, curieuse.

— Comment ça ?

— Je lui donne des cours de Commun, triompha-t-elle. Et il s’intéresse beaucoup aux sciences ! Il vient souvent me poser des questions.

— Des questions ? Sur quel sujet ?

Dea replaça le plateau chirurgical dans l’autoclave.

— Oh, sur beaucoup de choses. Sur toi, surtout. Il s’inquiète beaucoup, tu sais.

— Il s’inquiète ? Comment ça ?

— Il a peur que tu ne supportes pas la grossesse.

— Pourquoi ? C’est si dangereux que ça ? Mana m’a dit que cela arrivait couramment, avant...

Dea s’empressa de fuir mon regard.

— Oh, non ! Ce n’est pas dangereux. Mais il faut prendre certaines précautions, voilà tout. C’est pourquoi nous faisons ces examens.

Je continuai à la regarder, insistante. Mais Dea trouva une soudaine occupation dans son placard à médicaments.

J’en profitai pour quitter la table d’examen. Dea m’avait fait une prise de sang : elle était déjà en train d’examiner le résultat au microscope.

— C’est dingue, quand même, qu’une humaine puisse être fécondée par le mâle d’une espèce différente... tentai-je, espérant lui tirer les vers du nez. Je crois qu’il n’y a pas d’équivalent parmi les espèces connues !

— Les ADN ældiens et humains sont compatibles, répéta Dea sans quitter son microscope. C’est vrai que c’est surprenant, mais c’est ainsi. Je te l’ai dit, la nature est bien faite.

— Ça, c’est sûr... murmurai-je, le regard posé sur mes pieds nus.

Dans sa précipitation à m’amener à la salle médicale, Ren ne m’avait pas laissé couvrir mes pieds. J’allais devoir traverser le pont comme ça. Mais je ne voulais pas appeler Ren et l’entendre demander à Dea comment j’allais, si les embryons se portaient bien et s’il pouvait attendre encore deux ou trois journées solariennes avant de « m’inséminer ». À écouter leurs conversations lunaires, j’avais l’impression que c’était eux, les futurs parents, et que je n’étais qu’une mère porteuse sans le moindre libre arbitre. Et devoir retraverser ce pont interminable, les sens enflammés par l’odeur épicée de Ren qui me portait contre son corps dur et chaud... c’était trop.

— À plus, lui lançai-je avant d’ouvrir la porte qui menait au labo.

— Mhm, répondit Dea.

Elle ne me calculait déjà plus.

Annotations

Vous aimez lire Maxence Sardane ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0