Chapitre 17 : Le même jour du côté de Rodric (2e partie)

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 Saisissant nos derniers bagages, je m'empressai de prendre la route avec ma fille malgré la nuit tombante. La mettre en sécurité était devenu ma priorité absolue. Je ne pouvais rien de plus pour Gaëlliane. Je ne pouvais que compter sur ses ressources et sa bonne étoile pour qu'elle me revienne. Dieux que c'était insuportable de ne pas savoir où elle était ni si elle allait bien. Peut-être était-elle avec ce Sorceleur, certainement même, et cette idée ne me plaisait pas du tout. "Allez Rodric recentre-toi, la priorité c'est la sécurité de Mélusine, Gaëlliane est adulte, elle saura prendre soin d'elle", essayai-je de me raisonner.

 J'avais attelé mon cheval à ma dernière invention en date : un chariot amphibie, enfin je l'espérais étant donné qu'il nous faudrait certainement traverser des gués pour arriver à destination. Je l'avais conçu avec un fond plat enduit de résine de pin pour le rendre aussi étanche que la coque d'un bateau. Le but était de l'utiliser pour me rendre aux marchés des villes importantes pour y vendre mes inventions. Ça allait être l'occasion de l'essayer. J'y avais entreposé beaucoup de mes inventions qui pourraient nous servir dans la vie sauvage, des lampes à huile à friction, qui auraient l'avantage de me donner de la lumière dès cette nuit, des tuyaux de différentes longueurs et diamètres et tout un tas d'autres choses qui me tombèrent sous la main : il serait toujours temps de trier plus tard. J'avais là un puzzle géant que je serai en mesure d'assembler dans notre nouvel espace de vie et rien que l'idée de ce défi me réjouissait. Pour ce que Gaëlliane m'avait dit des Dryades, il ne me serait plus possible de travailler le bois et le feu était interdit. J'avais donc anticipé autrement.

 Comme j'avais conçu mon chariot en prévision des foires et des marchés importants, j'avais prévu de quoi pouvoir y dormir confortablement et y cuisiner. C'est ce qui nous permis d'avancer vite vers notre objectif : pas de perte de temps pour chercher où dormir. Éclair, mon cheval, était un destrier solide et endurant. Il tirait l'attelage avec facilité. C'était sa couleur blanche qui avait incité Mélusine à l'appeler comme ça, elle avait toujours été fascinée par le spectacle du ciel en colère, elle avait baptisé notre jument Orage pour les mêmes raisons.

 Je conduisis toute la première nuit pendant que Mélusine dormait, bercée par le roulis. La fatigue était présente mais la douleur qui pulsait dans mes côtes à chaque respiration me tenait en éveil. J'avais hâte de mettre de la distance avec le village où nous avions vécu si heureux. C'était vraiment étrange de me dire que nous n'y reviendrions peut-être jamais. Abandonner ainsi la maison que j'avais construite et entièrement équipée de mes mains était un véritable crève-coeur. Je me raccrochais au fait que notre sécurité était prioritaire et que cela m'offrirait l'occasion de construire autre chose.

 Mis à part une nuit d'orages épouvantable mais qui ravit Mélusine, nous ne fûmes inquiétés que deux fois sur notre route vers Brokilone. La première fois un homme en haillons, hirsute et puant surgit des fourrés en criant comme un forcené et attrapa Éclair par la bride pour nous arrêter. En un mot j'envoyai Mélusine se cacher dans la trappe que j'avais prévu pour elle. L'adrénaline devait me faire paraître plus impressionnant vu que l'homme fila sans demander son reste quand je lui tonnai de lâcher mon cheval tout en posant la main sur l'arbalète cachée sous mon siège. Je restai néanmoins sur le qui-vive un long moment par précaution.

 La deuxième fois ils étaient quatre, armés de lames nilfgaardiennes, apparemment des bandits qui espéraient me détrousser. Rien n'est plus dangereux qu'un père qui protège sa progéniture. Je vis rouge : Mélusine était en sécurité dans sa cachette, je sortis, sans attendre, mon arbalète et envoyais un premier trait dans le genou de celui qui semblait mener la bande. Ma voix claqua menaçante en réponse à son glapissement de douleur et aux jurons de ses amis :

– Déguerpissez vite sinon la prochaine fois je vise la tête.

 Celui qui fit mine d'avancer vers moi mordit la poussière, les autres mesurèrent enfin le danger que je représentais et filèrent, soutenant leur chef. L'envie me traversa de les achever pendant qu'ils s'enfuyaient. Je tremblais de rage. J'avais envie de les voir tous morts comme le pauvre bougre qui baignait dans son sang. C'est la voix de Mélusine me demandant si elle pouvait sortir qui me ramena à la raison. Je ne voulus pas qu'elle vît ça, j'avais son innocence d'enfant à préserver encore un peu de la violence de la vie. Je la laissai sortir uniquement quand nous nous fûmes suffisamment éloignés du lieu de l'escarmouche.

 La douleur de mes blessures secouées par les cahots du trajet m'accompagnait au quotidien mais je ne m'en plaignais pas : l'inquiétude était une compagne bien moins facile à gérer. Heureusement Mélusine m'en détournait régulièrement par sa fraîcheur, son enthousiasme et ses questionnements. C'était la première fois que je passais autant de temps avec elle et je réalisais avec regrets que j'avais dû louper beaucoup d'étapes importantes de sa jeune vie.

 Bien-sûr sa mère lui manquait mais elle se montrait très adaptable comme tous les enfants de cinq ans. Elle était aussi très excitée à l'idée de rencontrer les Dryades, dont elle entendait parler depuis toujours, et vivait ce voyage comme une agréable aventure. Je fis de mon mieux pour la maintenir dans cette croyance, transformant en jeu les situations périlleuses.

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