Chapitre 13 : Excursion en ville (3e partie)

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 La taverne était bondée. Je me réjouissais de boire autre chose que de l'eau. Il fallut jouer des coudes pour trouver deux places au comptoir, toutes les tables étant complètes. Le barman posa la bière devant moi. La chope débordante de mousse fit résonner le comptoir de bois. La chope était lourde, je la portai avec délice à mes lèvres pour déguster une première gorgée de la boisson fraîche et pétillante qui me laissa une agréable sensation d'amertume en arrière-bouche. Geralt commanda de quoi manger : il savait comme moi que je ne tenais pas l'alcool donc mieux valait éponger un minimum.

 J'étais en train de me régaler de petits soufflés au fromage quand l'atmosphère changea brusquement. Un bruit de bagarre résonna, le silence se fit. On entendit le bruit d'un instrument à cordes jeté au sol suivi d'une protestation outrée.

– Mon luth! N'avez-vous donc aucun savoir-vivre?!

– Crois-moi, dans un instant ton luth sera le dernier de tes soucis ! Je t'ai vu poser la main sur ma fille ! Je vais te briser chacun de tes doigts le ménestrieux!

 Geralt s'était levé en entendant la voix du musicien, il secouait la tête d'un air désespéré, grommelant entre ses dents :

– Jaskier! Dans quoi tu t'es encore fourré?!

 Je le suivis dehors. Les badauds s'étaient attroupés autour de deux hommes. Le plus ventru des deux tenait le plus jeune, coiffé d'un petit chapeau orné d'une plume, par le col. Ce dernier, qui n'en menait pas large, répondit d'une voix blanche mais sonore :

– Vous n'oseriez pas, Monsieur, mutiler ainsi en public un humble musicien?! Comment gagnerai-je alors ma vie ?

– Il fallait y réfléchir avant de poser tes sales pattes sur ma fille !

– Qu'y puis-je si je suis tombé sous le charme d'un si joli bouton de rose? J'ai envers votre fille les plus délicates et chastes intentions, clama le barde.

 La fille en question, très jolie au demeurant, était légèrement en retrait et passablement rosissante sous les compliments de l'homme. Quelque soit le geste qu'il avait eut à son égard, elle en semblait plutôt flattée. Le père néanmoins apparaissait difficilement raisonnable. Il venait de saisir une des mains du musicien, qui se débattait comme il pouvait, dans le but affiché de mettre sa menace à exécution. C'est là que Geralt intervint. Sa voix grave et rauque trancha le silence de la scène.

– Lâchez cet homme ou c'est à moi que vous aurez affaires.

 L'homme jeta un rapide coup d'œil à Geralt tandis que le barde se mit à sourire niaisement :

– Content de te voir Geralt ! Toujours au bon endroit au bon moment !

-Jaskier, ferme-la. Monsieur, je vous invite une nouvelle fois à lâcher cet homme. Il doit bien être possible de résoudre le problème de manière civilisée, non?

 L'homme jeta un nouveau coup d'œil à Geralt et cracha par terre.

– Je négocie pas avec les mutants.

 De mon côté j'avais pris un peu de hauteur pour mieux voir la scène. J'avais pour cela escaladé une charrette pleine de foin et campée là-haut il me vint l'inspiration probablement stupide de sortir mon arc. Voir le célèbre Jaskier, dont j'adorais les ballades, risquer d'être estropié m'était assez insuportable et voir le mépris de cet homme envers Geralt me fit monter de l'agacement. Je laissai donc entendre ma voix :

– Allons, allons, soyons raisonnables, vous êtes entourés d'un tas de témoins, vous n'allez quand-même pas maltraiter un barde aussi célèbre devant tout ce monde, si? Vous ne négociez pas avec les mutants, soit, peut-être négociez vous avec les femmes? Relâchez cet homme.

 L'homme eut un rire à la fois moqueur et sadique, ne semblant pas le moins du monde prendre la menace de mon arc en considération. Il se tourna à nouveau menaçant vers Jaskier mais je ne lui laissai pas le loisir de passer à l'acte : bandant mon arc je visai le sol entre les pieds de l'homme. Le son que fit la flèche en se fichant dans la terre battue le saisit. L'homme sembla enfin prend conscience des enjeux. Il rajusta les vêtements de Jaskier et partit d'un coup, entraînant brutalement sa fille par le bras après nous avoir gratifié Jaskier, Geralt et moi d'un regard de haine pure. Nous allions devoir nous méfier, j'étais certaine qu'il essaierait de se venger.

 Jaskier ramassa son luth, en examina rapidement l'état avant de se réfugier du côté de Geralt. La foule, déçue qu'il n'y ait pas plus d'action, se dispersa. Je descendis de mon perchoir pour les rejoindre. Geralt n'eut pas le temps de faire les présentations : dès qu'il me vit, Jaskier se confondit en courbettes, remerciements et louanges tout en me baisant les mains. Rougissante, je gloussai à la fois embarrassée et séduite par son attitude. Geralt intervint alors que la situation perdurait sans que je sache quoi faire :

– Jaskier! Tu as finis oui? Allons boire une bière, c'est toi qui nous invite.

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