Prologue

6 minutes de lecture

Par Diraxo et Rowani

— Je crois, que… t’es celui dont j’ai toujours rêvé.

— J’ai toujours attendu avec une certitude. Celle que t’allais arriver dans ma vie. Et que t’en repartirai pas.

***

Les rêves, les ambitions, les espoirs… Tous ces gens en étaient remplis. Ils regardaient fixement devant eux, comme si chacun de leur pas était une avancée de plus vers leur but.

Certains étaient sûrs d’eux, se croyant plus forts que tous les autres. D’autres se sentaient écrasés, oppressés par le mouvement perpétuel qui se faisait autour d’eux. Ils n’arrivaient pas à suivre le rythme et se mettaient à paniquer.

Tous ces gens, un homme était en train de les regarder. C’était le seul d’entre eux qui ne bougeait pas. Vêtu d’une large veste noire en coton et d’une chemise à carreaux rouge, il tenait sous son bras gauche des rouleaux de papier pour dessin ; de l’autre bras, il agrippait la poignée d’une petite valise renfermant ses crayons et ses pastels.

Il se baladait souvent dans les rues parisiennes, pour observer cet univers dans lequel il avait autrefois baigné. Certaines personnes le reconnaissaient grâce à son style original, et fronçaient les sourcils quand elles l’apercevaient.

Jugeant qu’il en avait assez vu, il se mit à bouger, comme les autres. Ce jour-là, il s’était rendu dans un de ses quartiers préférés, au bord de la Seine, près de la cathédrale Notre-Dame. Il se promena le long des quais, se demandant ce qui pourrait lui servir de modèle. Jetant son regard au-delà des quais, il se dit qu’il pourrait s’atteler à dessiner le fleuve, avec un bateau-mouche en premier plan, surplombé par une flopée de nuages d’un rose-orangé caractéristique des couchers de soleil de fin d’été.

Mais ce n’était pas encore le moment. Il continua alors sa route, d’un pas un peu plus hésitant, vers des ruelles plus étroites et moins peuplées. Plus il avançait dans ces ruelles, plus elles se rétrécissaient, plus le bruit de ses pas résonnait, jusqu’à un endroit très particulier où le son de ceux-ci fut plus dispersé.

Il s’arrêta enfin, posa ses mains sur les hanches et ouvrit de grands yeux devant ce qu’il avait découvert : il tenait enfin sa pépite.

Il s’était retrouvé devant un petit square, caché par de grands murs recouverts de crépi blanc, les bâtiments autour étaient des petits immeubles très parisiens, les cheminées et les toits rougeâtres, les balcons avec des barrières en fer. Ce petit coin de paradis ne faisait pas plus que la taille d’une grande pièce à vivre, on y trouvait sept bancs en bois peint en vert, un cerisier rosé par la couleur du printemps à côté duquel un chêne devait se tenir là depuis au moins 20 ans. De l’autre côté, par là d’où il arrivait, notre peintre pouvait apercevoir une façade surplombant une vieille agence immobilière peinte en bleu. Vers l’arrière de ce coin perdu se trouvait une fontaine autour de laquelle la plupart des bancs étaient installés.

C’était décidé : pendant des heures, il allait peindre cette belle façade en fond du square sous les chants des oiseaux qu’il ne manquerait pas d’ajouter. Ses croquis se détaillaient de plus en plus, ses plans et ses schémas s’esquissaient tout seul pour devenir de vrais dessins, et dans ce bal de coups de crayons il entrevoyait déjà le futur de son dessin. Celui-là même, il l’attaqua en début d’après-midi avec une unique certitude, celle que ce serait son plus beau.

C’est là qu’il vit deux garçons arriver, main dans la main, se promenant tout en discutant. Ils avaient l’air insouciants, ils n’essayaient pas de se cacher du regard des autres ni même d’être discrets ; ils parlaient aussi fort qu’ils voulaient, sans crainte. Ils étaient rayonnants, on ne voyait qu’eux et on ne pouvait que sourire devant ce bonheur qu’ils vivaient.

L’homme sentit une pointe dans sa poitrine : jamais, dans toute sa vie, il n’avait su être comme eux. Il avait dû se cacher éternellement, avoir honte d’aimer les hommes, baisser la tête, regarder le sol. Ceux-là tutoyaient le soleil et brillaient aussi fort que celui-ci. Le peintre en eut la gorge nouée.

Ils entrèrent dans le parc et se posèrent sur un banc, en face de ce dernier. L’un d’eux posa sa tête sur l’épaule de l’autre. L’image était trop belle, il en eut les larmes aux yeux. Alors il se dépêcha d’arracher une page de son carnet et de sortir un crayon : il ne savait pas combien de temps ils resteraient dans cette position, il devait l'immortaliser le plus vite possible.

Alors il traça frénétiquement une multitude de traits avec son poignet expert, jetant de multiples coups d’œil à son modèle, avec une lueur d’admiration dans son regard. En quelques minutes, un premier croquis était prêt. Le couple se leva alors, comme s'il avait attendu qu’il finisse de les dessiner, alors qu'il ne l'avait même pas remarqué. Puis ils sortirent du parc, et le peintre eut l’impression que le soleil brillait moins fort tout à coup.

Il rentra alors chez lui, son dessin à la main. Quand il arriva dans son atelier, il posa une toile vierge sur son chevalet et sortit son matériel de peinture. Il regarda encore une fois sa précieuse feuille. La toile allait être magnifique, il avait déjà des idées à propos des jeux de couleurs.

Mais cette ambiance réveillait quelque chose en lui, quelque chose qu’il fuyait depuis des années, et il se prenait tout leur bonheur en pleine face. Chaque seconde face à ce croquis devenait de plus en plus insupportable : il avait devant lui la vie qui lui avait été interdite, ce n’était que le destin qui avait envoyé ces garçons pour se moquer de lui, pour lui mettre sous les yeux son plus grand regret.

Alors, les yeux embués, il déchira la feuille, puis la roula en boule et la jeta avec rage dans sa poubelle.

***

Un drapeau arc-en-ciel, une terrasse, des gens qui trinquaient. Le bruit des verres qui s’entrechoquaient, le bruit des gens qui parlent trop fort, le bruit dont il avait besoin. Pasée sa crise de nerfs, le peintre avait besoin de noyer sa tristesse. Il rentra à l’intérieur du bar et commanda un whisky. À côté de lui, assis au comptoir, deux garçons discutaient. Il se rapprocha légèrement d’eux et tendit l’oreille afin de pouvoir entendre ce qu’ils se disaient.

— T’habites dans le coin ? lança l’un d’eux.

— Ouais et toi ?

— Nan, j’viens du Sud. J’ai fait tout l’trajet jusqu’à Paris pour voir un gars avec qui on parlait par messages depuis des mois. Et là, j’apprends qu’entre temps il s’est trouvé un autre mec. Du coup m’voilà ici.

Il poussa un long soupir, et son interlocuteur mit de longues secondes à répondre, sûrement gêné d’entendre une histoire pareille.

— Je comprends, j’suis dans une situation un peu similaire, mais l’histoire est différente.

— Vas-y, raconte-moi, comme ça on sera quitte. Deux bières s’il vous plaît !

L’homme sirota son verre pendant qu’il profitait de cette discussion. Il avait bien envie de se joindre à eux, de parler de ses problèmes, et qu’ils rigolent tous les trois parce qu’ils avaient tous vécu des expériences merdiques récemment, tout en enchaînant les verres pour rire encore plus fort.

Mais il ne pouvait pas, il n’en avait pas la force. Encore une fois, il se cachait et se contentait d’être spectateur. Sa poigne se resserra sur son verre, encore un peu et il le brisait.

— En gros, reprit un des deux gars, j’étais fou amoureux d’une meuf…

— Attends, c’est un bar gay ici, t’es au courant ?

— Ouais ouais, attends la suite, tu comprendras ! Donc je disais : j’étais gaga d’elle, à tel point que je pensais à elle jours et nuits. J’ai tout fait pour l’avoir pour moi, j’ai cédé à tous ses caprices, j’ai appris à la connaître par cœur, je savais comment la rendre heureuse…

— La chance qu’elle avait d’avoir quelqu’un comme toi ! Elle a été stupide de pas te choisir.

— Ouais… soupira-t-il. Et donc j’ai continué, encore et encore, jusqu’à aujourd’hui…

— Et il s’est passé quoi ?

Jour J

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