Chapitre II. L’Hermine.

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Pour la première fois de sa vie à la surface, la lumière blesse maintenant les yeux de la gamine, mais Namuelle ne veut pas les fermer, il y a temps de chose à voir. Houarn lui tend une paire de lunettes teintées, cela lui apporte un peu de confort, mais les voilà bientôt à la surface et le soleil explose ses rayons à l’intérieur de la cabine ; pas le choix il faut détourner le regard.

-Lui, il faut le respecter. Tu ne le regardes pas dans les yeux. Lui explique le capitaine. Mais tu verras les étoiles sont des amies.

Le métropolitain se déplace maintenant à l’horizontale, une voix féminine annonce le terminus de la ligne.

« Dernière station, Amiral Souïd, correspondance pour le centre d’affaire sur le quai opposé, port spatiale sortie A, merci d’avoir choisie HMTR et nous vous souhaitons une agréable journée, faites attention à l’espace entre le quai et la porte en descendant du véhicule. »

Elle a du mal à s’habituer à la clarté du soleil descendant. C’est en contemplant ses pieds et une main levée au-dessus de la tête pour protéger ses yeux, qu’elle se laisse guider presque aveugle par les deux adultes. Cependant en arrivant à l’extérieur, elle perçoit immédiatement la tension qui enveloppe l’air. La curiosité finit de vaincre l’éblouissement et lui fait lever la tête. Elle a un hoquet de surprise lorsqu’elle découvre le tarmac immense et les centaines de vaisseaux qui y sont stationnés. Les yeux désormais grands ouverts, elle essaie d’en attraper chaque détail. Il y a d’abord les grues et véhicules qui s’activent autour des navires puis l’air qui gronde et vibre au rythme des décollages, enfin vient le vacarme qui accompagne les réacteurs lancer à pleine puissance. Elle est presque certaine de sentir l’onde de chaleur qui s’échappe des tuyères lui traverser le corps.

Elle aime ça !

Houarn l’observe à distance. De nouveau enfouie très profond dans sa mémoire des images s’animent péniblement, comme le mécanisme cassé d’un vieil automate qui veut se remettre en route. Les pignons rouillés, grippés, presque soudés les uns aux autres, forcent douloureusement sur leurs axes avec la volonté de donner à l’ensemble l’illusion de vie pour laquelle il a été créé. Mais là encore dans un vieux réflexe de préservation, l’homme referme la boite de l’automate.

« Eh tu te fais désirer ! L’interpelle t’il.

Elle n’aperçoit que le capitaine, Faye Lin semble avoir continuée son chemin. Elle s’empresse de réduire la distance qui la sépare de son nouveau patron. Ce dernier accoudé à une balustrade, d’un signe de tête lui indique une direction en contrebas.

« Je te présente l’Hermine. Bienvenue à bord. »

Elle s’attendait à un cargo aux formes ventrues et à l’allure poussive similaire aux autres navires stationnés à proximité. Pourtant à l’endroit indiqué prend place un navire aux lignes tendues et affûtées, dont l’allure féline ne laisse planer aucun doute sur sa vocation de prédateur. Loin d’être effrayer par l’agressivité animale qui émane de l’engin, la jeune fille sent une nouvelle confiance grandir en elle, dans les reflets anthracite et satiné de la coque elle peut lire l’histoire d’une nouvelle vie ou la peur ne guidera plus ses pas.

-Mon navire, murmure-t-elle avec admiration.

Sur la même zone de stationnement elle peut remarquer plusieurs navires identiques à l’Hermine. Sur chacun d’eux est peint un élégant motif de spirale à trois branches. Elle jette un regard interrogateur à Houarn en espérant en apprendre plus

« -Il s’agit d’une frégate de type « suprématie », même la flotte lègiriale n’en possède que quelques exemplaires, j’en ai fait construire cinq.

-Les autres sont aussi à vous ?

-Ouais, je possède aussi une dizaine de gros porteurs pour mes routes de commerces régulières. Mais ces bébés-là, c’est pour l’exploration longue distance, pour ouvrir de nouvelles routes, Elles sont rapides, solides et bien armées.

-Le marquage sur la coque qu’est-ce qu’il signifie.

-Hum ! C’est un vieux truc, là d’où je viens on appelle cela un « Triskèle », il représente les trois éléments, l’eau, la terre, le feu.

-D’où est ce que vous venez ?

-Première règle compagnon… ne pose pas de questions personnelles.

- Excusez-moi

-Allez on embarque !

Ils s’engagent dans un élévateur qui les descend au niveau des passerelles d’embarquement. Ici règne une activité de fourmilière et le brouhaha est infernal. Des chariots élévateurs foncent à travers la foule en prenant à peine le temps de prévenir de leur arrivée par de furieux coups de klaxon. Elle suit au plus près Houarn qui semble savoir s’y prendre pour se frayer un chemin à travers cette foule de dockers et de passagers bigarrés. Voilà tout un monde excité, peu soucieux de sa petite taille qui la bouscule sans plus de considération. Elle manque de buter dans un Extermondain d’une espèce qu’elle n’a jamais vue, perché sur ses trois paires de jambes celui-ci la fustige d’un sifflement guttural. Houarn l’attrape par l’épaule et l’éloigne du colérique extraterrestre. Ils arrivent bientôt sur une passerelle où l’inverse se produit, les hommes et femmes qui se trouvent là s’écartent respectueusement devant Houarn. Namuelle en déduit qu’il s’agit de l’équipage de l’Hermine montrant son respect envers son skipper. Ils pénètrent dans cette dernière par un sas ouvert sur son flanc et qui donne directement sur le pont d’envol ou s’aligne une vingtaine de chasseurs et quelques navettes. Ici aussi l’ambiance est survoltée, mais au milieu des cris se perçoit une étrange bonne humeur. Un type immense à la musculature de mastodonte s’approche d’eux tout sourire.

« -Aye ! Capitaine. Tout est fin prêt pour le départ, les réserves sont pleines, l’équipage est à bord et au complet. »

-Parfait. Tu tombes bien je t’emmène une nouvelle recrue.

Il lui présente Namuelle.

-Tu t’occupes de lui trouver une cabine, des fringues, du taf et tu lui apprends le métier dans les règles.

Il s’adresse à la petite.

-Voilà le Lieutenant Bremaïthos Druëlanthemous, dit lieutenant « Brem » pour faire court. C’est le bosco du bord et maintenant ton supérieur. Tu écoutes ce qu’il te dit, tu fais ce qu’il te dit et ton fondement ne devrait jamais rencontrer la semelle de ses pompes ; Se penchant vers elle il lui chuchote ; et crois-moi il a de grands pieds, tu ne tiens vraiment pas à faire leurs connaissances.

-De sacrées paluches aussi, souffle-t-elle en avisant les pelles qui servent d’organe préhenseur au bosco.

Le lieutenant Brem éclate d’un rire sonore.

-Toi tu me plais déjà ! Viens par-là que je te montre tes quartiers.

Il salue le capitaine en portant désinvolte un doigt à sa tempe, puis entraîne Namuelle derrière lui. Houarn lui rend son salut et tourne les talons dans la direction opposée.

-Tu t’appelles comment ?

-Namuelle.

-Namuelle comment ?

-Euh ! Ben … Namuelle tout court.

-Ah ! Dit-il en haussant un sourcil. Un petit rat.

-Non ! fit-elle agacée, maintenant je suis un Compagnon !

-Oh oh, On n’en est pas encore là ma petite. Mais si tu écoutes alors on fera peut-être de toi quelque chose.

- Qu’est-ce que vous allez me donner comme travail ?

-Tu vas commencer là où tout le monde commence, au mess.

-Serveuse ! fit-elle déçue.

-Pourquoi tu as une autre idée ?

-J’aimerais bien apprendre comment ça marche.

Il s’arrête au milieu de la coursive, surpris.

-Comment ça marche quoi ?

-Ben le vaisseau. Répond-elle avec innocence, Comment est-ce qu’on le pilote ou qu’on le répare, Des trucs comme ça.

Il éclate d’un rire énorme qui se répand en écho dans toute la coursive.

-T’inquiète pas, tu vas apprendre. D’ailleurs les mousses suivent les cours du bord ça fait partie de mon job. Mais pour ce qui est du pilotage de notre Hermine, il va te falloir attendre encore quelques années.

-Ah bon, pourquoi, c’est compliqué ?

Il fit une moue amusée.

-On va dire ça, J’te montrerais plus tard avec les autres.

Il s’arrête devant une écoutille coulissante qu’il ouvre à l’aide d’un fin bracelet argenté et finement ciselé de motifs en spirale.

-Voilà ta piaule. Alors premières règles sur un navire comme celui-ci, l’hygiène. Tu prends une douche et tu te décrasses.

-Maintenant ?

-Ouais et « minimum » une fois par jour. Je vais te faire apporter des vêtements et là tu enregistres la deuxième règle, dès que ce vaisseau quitte le sol tu portes l’uniforme du bord, Si on est en escale quelque part tu portes toujours l’uniforme du bord. La raison ? La sécurité. Personne ne cherche d’ennuis aux Compagnons si on les reconnaît comme tel.

-Alors je suis un Compagnon finalement.

-Pas avant que tu aies pris mon pied au cul. T’as une heure pour te préparer, dès que tu es propre et habillée, tu suis le cadet qui t’apporte les fringues et c’est à ce moment que tu commenceras à faire partie de l’équipage.

Il lui prend le bras et lui glisse autour du poignet le bracelet couleur argent et lui fourre un minuscule écouteur dans la main.

-Troisième règle, quand tu te déplaces tu te mets ce bidule dans l’oreille pour qu’on puisse te joindre où que tu sois, quant au bracelet tu le portes en permanence et à partir de maintenant c’est ton meilleur ami. Ce navire n’est pas un terrain de jeux et les accidents sont courants. Si cela devait arriver alors que tu es dans une zone isolée du vaisseau, ce bracelet qui mesure ta physiologie, enverra immédiatement un signal au service de secours. Ou encore si tu as des ennuis pendant une escale, tu passes un doigt sur le dessus et t’as tout l’équipage qui rapplique fissa.

-Tout l’équipage ?

Il plante son regard dans celui de la gamine, le ton sérieux.

-Tu es des nôtres maintenant. Pour ça il n’y a aucune règle, le grand sombre ne fait pas de cadeau on ne peut compter que sur ses camarades de galère. Tu peux compter sur nous, j’espère qu’on pourra compter sur toi.

-À vos ordres.

-Ce n’est pas une question d’ordre, c’est une question de survie. Maintenant prépare-toi, t’as une heure.

Il la pousse à l’intérieur de ses nouveaux appartements. Elle remarque soudain :

-Il n’y a que moi dans cette cabine.

-Ouais, tout à toi et quatrième règle, elle doit être rangée et en ordre, inspection toutes les semaines. »

Il referme la porte la laissant seule dans son nouveau monde.

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