7 décembre 2016

Une minute de lecture

Hier, j’ai perdu mon cahier. J’ai cru qu’Alzeimer m’avait rattrapé ! L’un de ces excités m’avait peut-être contaminé ? J’avais fouillé partout dans ma chambre. Dans quinze mètres carrés, comment perdre un objet ? Surtout que je n’en avais pas beaucoup d’objets ici ! J’étais au bord de la panique, quand Jeanne, l’une des aides-soignantes, me l’avait rendu sans un mot. Elle m’avait dit l’avoir trouvé sur mon bureau, ouvert, et qu’elle y avait jeté un coup d’œil par curiosité. Elle n’avait pas pu s’arrêter, prise par sa lecture. Elle s’était excusée, avait reposé le livre sur la table et était partie sans rien dire d’autre.

Je devrais être outré, faire un scandale, en appeler aux plus hautes instances de la maison de retraite, mais je me sens fébrile. Je sais ce que j’y ai écrit… Le fait que ce soit Jeanne qui ait pris mon carnet explique mon absence de réaction. J’aime bien Jeanne, elle ne m’infantilise pas. Elle me traite comme un être humain, pas comme les autres aides-soignantes qui nous parle de façon impersonnelle. « Alors ? On a bien dormi cette nuit ? » Et avec toutes les casseroles que je me traîne, c’est l’une des seules à ne pas me faire la gueule.

Dois-je m’attendre à des représailles ? Aucune remarque, aucun regard inquisiteur – enfin, pas plus que d’habitude. Je pensais qu’ils me foudroieraient, mais rien ne vient. Est-ce là ma peine ? Me tourmenter en me faisant mariner ? Et plus tard, la sanction tombera comme un couperet ! Les infirmières me réservent-elles un traitement spécial ? Je les vois déjà y réfléchir dans leur salle de repos autour de leur café. « Comment pourrait-on faire clamser le vieux pervers ? » Oh ! Je les entends presque persifler sur ma personne ! J’imagine des lavements et d’autres humiliations médicalisées. Et si elles m’empoisonnaient ? Ma fille serait débarrassée de son fardeau financier et affectif. Peut-être vont-elles seulement me droguer, suffisamment pour me transformer en légume. Elles ont bien essayé déjà ! Je baverai autant qu’aujourd’hui, mais pour d’autres raisons !

Je crains le pire, et c’est ce qui m’est arrivé de mieux depuis longtemps. Je me sens si vivant !

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