La forêt

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Les ténèbres. La solitude. Cela avait toujours été mon monde.

La peur. La tristesse. Mes vieilles compagnes.

Marcher.

Encore.

Encore.

Continuer d’avancer.

Les arbres nus, sans feuilles ni fleurs. Prisonniers comme moi de l’éternité de ce lieu étrange.

Qui es-tu ?

Je ne m’en rappelais plus. J’errais depuis trop longtemps dans cette forêt obscure pour m’en souvenir.

Quand es-tu arrivée ici ?

Je ne savais pas. Peut-être y étais-je née. Peut-être qu’à part cet endroit rien n’existait. Mon univers était un bois noir infini, plongé dans un silence immortel.

Pourquoi es-tu là ? Avais-je fais quelque chose de mal pour me retrouver ici ? Ma mémoire était vide, juste une brume blanche où s’agitaient des fantômes de réminiscences.

Est-ce un rêve ? Pour moi c’était la réalité. Et quand bien même ce serait un rêve, qu’est-ce que cela changeait ? Je ne pouvais pas me réveiller. Mon corps était maigre, tremblant. Mes vêtements, déchirés. Ma peau, égratignée, recouverte de croûtes et d’hématomes pourpres. Le sang dessinait des motifs écarlates sur mes jambes, sur mes bras, sur mon cadavre vivant.

La fatigue.

Je m’écroulai.

L’obscurité.

J’ouvris les yeux.

L’obscurité.

Les branches tordues implorant ce ciel illusoire.

Je me relevai. Ne pas s’arrêter.

Ne surtout pas s’arrêter. Un pas après l’autre. Un battement de cœur après l’autre. Ne pas le laisser mourir.

Qu’est-ce que mourir ?

Mourir c’est la fin. Je ne voulais pas que ça finisse. Pas avant de savoir où j’étais.

Je trébuchai, me rattrapai à un tronc noueux. Ma paume droite me fit mal. L’écorce m’avait entaillé profondément la chair. Le rouge coula. Unique couleur dans mon monde.

Noir, rouge, blanc, dans tes songes perds-toi ! Blanc, rouge, noir, si tu meurs tu ne reviendras pas !

Une comptine résonnait. Toujours les deux mêmes phrases. Était-elle dans ma tête ou l’entendais-je vraiment ? Une voix enfantine. Moqueuse. Était-ce quelqu’un ?

Je courus à perdre haleine. J’avais une forte nausée et une intense migraine couvait sous mon crâne ; mes os craquèrent et protestèrent, mais je n’abandonnerai pas.

- Qui es-tu ? criais-je alors que mes genoux se dérobaient sous moi, me jetant à terre.

Un écho me parvient. Qui es-tu ?

- Quand es-tu arrivée ici ? demandai-je, pleine d’espoir.

- Quand es-tu arrivée ici ? Pourquoi es-tu là ? Est-ce un rêve ? Qu’est-ce que mourir ?

Je pleurai. Ce n’était personne. Juste mes pensées qui, elles aussi, s’étaient égarées dans les méandres de la forêt.

Un rire.

Mes pensées se riaient de moi.

Je me bouchai les oreilles. J’avais peur. La boue grisâtre était glacée contre mon corps. Mes sanglots m’arrachaient des gémissements de douleurs. Mes larmes tombaient, j’avais le souffle rauque. Le froid me paralysait.

Je voulais que tout s’arrête. Je voulais arrêter.

Alors j’attendis le lierre.

Le lierre qui ne vient jamais abréger mes souffrances.

À la place une main apparu devant moi. Pas une des miennes, non, une autre main, qui n’était pas à moi. Un garçon me faisait face. Ses cheveux aile de corbeau partaient de tous côtés, tel des piques ébène indisciplinées et rebelles ; sa frange, qui lui descendait jusque devant ses yeux d’un bleu acier, arborait une mèche turquoise qui tranchait radicalement avec la masse sombre de sa chevelure. Il était vêtu d’un pantalon de cuir marron et d’une tunique de lin ocre et chaussé de bottes de cuir brun ; une cape noire recouvrait le tout. Le garçon sourit. Je n’avais jamais rien vu d’aussi beau.

- Je t’ai trouvé…

Une vraie personne. Pas l’ombre de mon esprit. Pas un mirage spectral et sans vie.

Quelqu’un.

Je tendis une main tremblotante, pleine de tourbe et de sang. Le sourire du garçon s’élargit. Ses doigts chauds se refermèrent sur les miens et m’attirèrent à lui. Il ne devait pas avoir plus de vingt ans mais me dépassait pourtant d’une bonne tête.

- Je t’ai trouvé… Ecila.

Et tout me revint. Ecila, le royaume de Luna, ma fuite et lui.

- Cain… murmurai-je avant de me laisser aller contre son torse.

Ses yeux se firent plus sombres et ce n’est qu’alors que je réalisai qu’il tenait quelque chose dans son autre main. Une longue épée à la lame étincelante.

- Pardon… chuchota t-il.

Puis je fus à nouveau seule dans l’obscurité.

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