3.19 – Des larmes

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Hagarde au milieu de ce désastre humain, la comtesse Opale de Montbrumeux avait lâché ses armes. Terrassée par le désespoir, elle se sentait totalement impuissante face à cette charpie inutile et d’une horreur sans nom. Combien de jeunes femmes et de jeunes hommes, promis à un avenir heureux, avaient reçu des blessures graves ? Combien encore avaient perdu la vie ?

Ellanore et Adélaïde l’encadrèrent pour la soutenir. Malgré, ou peut-être grâce à leurs incessantes chamailleries, elles partageaient une amitié indéfectible.

— Où est Marie-Sophie ? Je ne l’ai pas vue.

— Elle a pris un coup à la tête, mais ça va, Gersande l’a fait rentrer, elle est entre de bonnes mains.

Un sourire léger plana un instant sur les lèvres de la comtesse, mais regardant autour d’elle, son visage reprit un air grave.

— Quel malheur…

— On devait mener cette bataille. Sinon, que serait-il advenu de nos amies ?

Ellanore fixa son regard dans celui de la comtesse.

— Tu vas pas flancher hein, c’est toi notre repère, le roc sur lequel on s’appuie toutes.

La commandeuse désigna le champ de bataille où gisaient des blessés souffrants, où erraient des âmes perdues à la recherche d’une connaissance, où d’autres encore, immobiles pour l’éternité, ne reverraient jamais le soleil.

— Pour amener à cette désolation.

Ellanore bien décidée à sortir son amie du marasme, insista d’un air décidé.

— Pour la défense celles qui ont mis leur confiance en nous, Opale, et de toutes les opprimées !

Le regard de la Dame se perdait dans les brumes.

— Leur confiance… La mérite-t-on ?

— Nous sommes intervenues, nous les avons sauvées.

La comtesse prit une grande inspiration, et s’appuya sur les épaules amicales.

— Vous avez raison, c’était nécessaire. Imaginez, on aurait perdu Pétronille et toutes les filles d’ici.

— Allez, t’as besoin de te poser un moment, viens.

La comtesse se laissa emmener en direction de l’auberge, elle aurait besoin d’un peu de repos avant de se lancer dans les secours.

§

Au milieu du carnage, une voix s’écria :

— Théo !

Celle-ci chercha qui l’appelait. Au bord du champ de bataille, Fabiola lui faisait des signes désespérés. Évitant avec horreur d’écraser des blessés gémissants ou des cadavres dont les os auraient craqués sous son talon et, se forçant à penser uniquement à celle qu’elle voulait rejoindre, Théodora parvint jusqu’à la jeune fille dont le visage décomposé semblait fondre.

— C’est Arsi… elle n’en a plus pour longtemps… elle veut te parler, dit-elle totalement essoufflée.

Fabiola prit fermement la main de Théodora dans la sienne et l’entraîna auprès d’Arsinoé, allongée dans la neige, l’épée de son ennemi plantée dans le ventre. Théodora s’agenouilla au plus près d’elle et dut approcher son oreille des lèvres de la mourante, tant le mince filet de voix peinait à sortir de sa bouche.

— Théo… Pardonne-moi, pour tout ce que j’ai fait… Je suis pas digne… de toi. Mais…Vivi, j’ai essayé de la protéger… C’est elle que tu préfères… Faut que tu ailles la retrouver…

Théodora prenait sur elle, sachant parfaitement que rien ni personne ne pourrait sauver Arsinoé. Son devoir était de recueillir ses dernières paroles et de la rassurer. Elle ferma les yeux un instant et prit une grande inspiration. Elle ne devait pas flancher.

— Merci… Ton cœur est donc si grand ! Ton repentir est le plus sincère qui soit, je te pardonne. Tu es une héroïne désormais.

Dans les yeux d’Arsinoé, un apaisement sans pareil vit le jour. Son absolution obtenue, elle pouvait mourir sereinement.

Théodora ne pouvait cependant pas la laisser partir sans lui avoir tout dit. Prenant son courage à deux mains, elle se pencha davantage jusqu’à atteindre son oreille.

— Mon admiratrice mystère…

— C… comment ?… Tu savais ?

Doucement, Théodora, laissant ses larmes couler librement sur ses joues, caressa le visage de la mourante, un léger sourire parvint jusqu’à ses lèvres.

— L’odeur de lilas. Tu es la seule à porter ce parfum.

Saisissant doucement le visage d’Arsinoé à deux mains, elle entreprit d’explorer le fond de ses yeux pour apercevoir son âme.

— Arsinoé…

— Théodora ?…

Celle-ci lui prit la main, se pencha en avant, et appliqua ses lèvres sur les siennes. Un baiser. Elle lui fit don d’un moment d’éternité. Lorsqu’il prit fin, elle frôla une dernière fois du bout de ses doigts, la joue d’Arsinoé.

— Merci… merci de… m’avoir pardonnée, merci d’avoir gardé une petite place dans ton cœur… Tu as su en trouver le chemin. Prends soin d’elle maintenant.

Alors que l’air quittait à jamais ses poumons, sa tête retomba mollement en arrière dans la neige glacée. Théodora, pleurant à chaudes larmes, serra une dernière fois sa main dans la sienne puis ferma pour toujours les yeux désormais vides de son amie. Si l’écuyère n’avait pas senti ce petit plus chez Arsinoé qui aurait fait d’elle sa compagne, elle avait développé pour elle, une réelle affection. La voir partir la déchira.

— Viviane est ici ! cria Fabiola.

Théodora leva son regard toujours en pleurs vers la princesse repentie.

— Je… Oui. Fabiola, merci. Je… Arsinoé… Elle est partie.

Fabiola approcha pour contempler le corps de son amie, Théodora, sans réfléchir la serra dans ses bras un instant, et parti, les yeux toujours embués de larmes auprès de Viviane, qui gisait dans la blanche neige, les yeux fermés.

— Noooon !!! Vivi ! Pas toi !

Hurla-t-elle, serrant ses cheveux dans ses poings, comme pour se les arracher. S’agenouillant, elle constata que la poitrine de la jeune fille montait et descendait régulièrement. Viviane était vivante. Elle la souleva un peu pour l’envelopper de sa propre cape. Sa petite étoile ouvrit les yeux. Son visage était livide.

— Tu as mal où ?

— J’ai pas beaucoup mal… mais… c’est ma jambe… elle saigne… et… je me sens… si faible.

— Quoi ? Montre-moi !

Sur les braies, une tache rouge grandissait à vue d’œil. Théodora sortit sa dague et entreprit de découper l’étoffe, dégageant ainsi la blessure. Fabiola arrivait juste à ce moment-là.

— Va chercher du monde qu’on la sorte de là ! lança-t-elle à Fabiola toujours aux pieds d’Arsinoé.

La princesse fit aussitôt demi-tour à la recherche d’une soigneuse.

Quelques minutes plus tard, Gersande arrivait sur place. Et s’accroupit pour contempler l’étendue des dégâts.

— Qu’est-ce qu’on a ici ? Je vois… L’artère est touchée. Si on ne fait rien elle va se vider de son sang. Il faut faire un point de compression, pas de bandage. Ici, tu appuies avec ton poing, et tu maintiens bien. Si tu tiens à elle, appuies très fort… Oui, comme ça ! Si tu faisais un garrot, elle pourrait en mourir plus tard ou risquer l’amputation. Tiens bien, on va l’amener à l’intérieur, je vais chercher de l’aide pour le transport.

Gersande ne perdait pas une occasion de transmettre une bribe de savoir.

Elle s’interrompit et jeta un regard attendri à la jeune femme. On ne va pas laisser ce petit chou comme ça. Elle revint quelques instants plus tard, accompagnée d’Isabelle et Manon.

— On l’amène à l’intérieur, je vais la recoudre, il lui faut du chaud. Surtout, maintenez la tête plus bas que les jambes, que le sang qui reste monte plutôt de ce côté-là.

§

Marie-Sophie ouvrit les yeux dans la chambre qu’elle occupait souvent, du côté secret de l’Auberge. En face d’elle, deux visages adorés. Gersande et Berthilde lui souriaient.

— Je crois que tu as pris un gros coup sur la tête ! s’exclama la soigneuse.

— Ah ! En vous voyant, je croyais être au Paradis ! plaisanta sa patiente.

Elle se frotta la tête.

— Mais oui, je dois avoir une grosse bosse, et j’ai un mal de crâne !

— Ne t’en fais pas, ça va aller, sœurette, reprit Gersande avec un clin d’œil.

Elle lui serra la main très fort.

— C’est pas bien grave continua-t-elle, dans quelques heures tu seras debout, mais… Je crois que la demoiselle éplorée que voilà a des choses à te dire. Je vous laisse.

Après avoir déposé un baiser sur la joue de la malade, elle s’éclipsa, leur laissant l’intimité dont elles avaient besoin.

Marie-Sophie tendit la main vers Berthilde, qui la saisit tendrement.

— Ma Berthe, tu as toujours été là, et moi, je n’ai pas voulu voir ce que nous étions l’une pour l’autre. Il a fallu que tu sois en danger pour que je comprenne ce que tu représentais pour moi.

Marie-Sophie n’avait pas l’air de se porter trop mal, aussi Berthilde se permit une petite pique.

— Je croyais que tu ne t’attachais pas.

La blessée se redressa et attrapa son amante.

— Je crois que je peux faire une exception. Dis-moi, est-ce qu’une fille d’un soir retourne une trentaine de fois dans les mêmes bras ?

Berthilde, le souffle coupé par l’étreinte parvint à rire, puis elle rectifia.

— Trente-deux, ma lionne, pour être précise. Eh puis, les filles faciles changent toujours d’amante, non ? Toi, tu as été la seule.

— Je vais te faire une confidence : toi aussi. Du moins… depuis que j’ai rejoint les chevaleresses ! Mais je ne voulais pas prendre le risque de devoir à nouveau souffrir autant. Alors, je me suis menti à moi-même, je me suis convaincue que je ne t’aimais pas, que c’était seulement physique. Quand on a annoncé que tu étais en danger, j’ai compris. Il m’aurait été insupportable de ne plus te revoir.

Elles échangèrent un long baiser, chacune sourit du bonheur de savoir que l’autre l’aimait en retour. Quelques baisers complétèrent le premier, mais Berthilde dut vite repartir, les soins qu’elle devait porter à d’autres blessés n’attendraient pas.

— À tout à l’heure ma lionne !

§

Peu après la bataille, une petite troupe formée des mercenaires en bonne santé prit le chemin du départ, ne se souciant pas de leurs camarades tombés ou meurtris. Dans leur nombre, se trouvaient la plupart de ceux que Conrad avaient choisis comme sergents.

Opale de Montbrumeux avait donné des ordres pour que l’on s’occupe des membres de l’armée ennemie, lorsqu’on aurait fait ce que l’on pouvait pour ceux de l’Ordre, en commençant par les plus jeunes. Les chevaleresses blessées furent allongées en priorité dans la partie cachée de l’auberge, à laquelle les hommes n’avaient pas accès.

La salle commune fut bientôt investie par un nombre alarmant de blessés. La Dame de Montbrumeux y circulait, s’enquérant de la santé de chacune et chacun. Elle en profitait pour avoir un peu de détails sur les soldats de l’armée de Conrad.

— Alors soldat, qu’est-ce qui vous a poussé à vous joindre à l’armée du baron ?

L’homme, un bras tenu par une écharpe, hochait de la tête pensivement.

— Eh bien, j’étais garde pour Henri de Laval – Dieu ait son âme – depuis quelques années. À la mort de son père, le jeune Conrad a pris les rennes de la baronnie. Avec l’ancien, nous n’avions qu’à garder des portes. C’était tranquille. Mais lui, le nouveau, ce n’est pas pareil, il a voulu nous entraîner à n’en plus pouvoir, faire de nous de véritables guerriers, puis il nous a conduits à cette folie. C’est pas pour ça que j’ai signé moi !

Les témoignages allaient dans le même sens. Les anciens gardes du vieux baron s’étaient vus imposer la participation à la vengeance du jeune contre Isabelle de Sautdebiche. Les jeunes fils de paysans avaient été enrôlés avec une rémunération suffisante qui laisseraient leurs parents vivre sans soucis pendant au moins une année. Les mercenaires, eux ne donnaient que peu d’informations. Ils venaient d’une compagnie professionnelle engagée par Conrad. Ils ne regrettaient rien, ils faisaient la guerre pour l’argent, aux ordres de ceux qui les payaient.

La Commandeuse de l’ordre nota également la cruauté de Conrad envers ceux qui contestaient ses ordres, ou dont il n’était pas satisfait.

La plupart des soldats remerciaient les chevaleresses pour leur hospitalité, étonnés par la bienveillance de leurs ennemies d’une bataille.

Après quelques heures, les derniers mercenaires étaient repartis, pour certains, clopin-clopant.

§

On recensait, du côté de Montbrumeux, douze décès et une petite vingtaine de blessées graves, désormais hors de danger. Du côté des soldats, c’était l’hécatombe, il y avait plus d’une centaine de morts, du fait des protections insuffisantes, et des carreaux d’arbalète qui transperçaient les cottes de mailles.

Au soir, Opale de Montbrumeux invita ceux qui le souhaitaient à décider comment on enterrerait les morts. La réunion eut lieu à l’extérieur afin d’éviter de gêner les blessés graves, entassés dans la salle principale de l’auberge.

Les intéressés formaient un cercle.

— Eh bien, qui veut commencer ? s’enquit la comtesse.

Les participants se regardaient en chiens de faïence pour savoir qui aurait le courage de parler.

— Si c’était possible j’aimerais ramener mon frère à mes parents, déclara un jeune homme Mais tout seul je ne vois pas comment faire.

— Je veux bien t’aider, dit un autre.

— Moi, j’ai un ami très cher que j’aurais aimé voir près de chez nous. Ses parents seraient certainement soulagés qu’on le leur ramène.

Ainsi une trentaine de personnes se manifestèrent pour récupérer le corps d’un être cher. Certains pourraient s’arranger pour le transport, car ils habitaient dans le même village ou une commune voisine. Mais il restait plusieurs dizaines de corps sans nom.

— Je propose que nos sœurs chevaleresses soient inhumées ici même, près de nos amies, nous pourrons leur rendre visite de temps à autre, les ramener chez nous serait trop long, leurs corps se dégraderaient malgré le froid, d’ici notre arrivée.

Les femmes présentes acquiescèrent d’un air grave.

— Que ferons-nous de vos autres camarades, messieurs ?

La commandeuse souhaitait que la solution vienne d’eux-mêmes.

— Nous ne pouvons que creuser une fosse commune, dit l’un d’entre eux. Nous n’avons personne à qui les rendre. Nous ne nous connaissons pas tous.

Il avait dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, Opale reprit la parole :

— Eh bien, je propose que nous creusions les tombes dès demain matin. Tous les valides devront s’y mettre, sinon nous n’y arriverons pas.

— Oui mais si je ramène mon ami, je peux être dispensé ? Le chemin sera long et difficile.

La Dame transperça l’homme d’un regard autoritaire :

— J’ai dit tout le monde ! Si vous le souhaitez, nous pourrons dépêcher des chevaleresses avec des chevaux pour rapatrier vos proches.

— Je vous remercie humblement. Vous êtes une grande dame.

Personne n’osa plus la contredire et tout le monde se tut.

— Bien, la question est réglée. En tant que commandeuse, je présiderai la cérémonie. J’aimerais que l’un d’entre vous, messieurs, puisse dire quelque chose pour ses camarades.

Une main se dressa timidement. La comtesse invita son possesseur à la suivre pour composer ensemble l’éloge funèbre.

La Dame de Montbrumeux envoya une chevaleresse avec son écuyère, accompagnées de Pétronille et de quelques servantes, chercher des vivres et des outils au village le plus proche. Elles dormiraient chez l’habitant et rentreraient au matin.

§

Dès l’aube, les travaux d’excavation commencèrent. Tous les valides restés à l’auberge, amis ou ennemis, creusèrent. Une trentaine d’hommes et environs soixante-dix femmes œuvraient, pelle ou pioche à la main.

Celles qui ne pouvaient marcher préparèrent des croix en bois, sur lesquelles elles gravèrent les noms de chaque chevaleresse, les hommes dans le même état en préparèrent une grande pour la fosse commune.

En fin de journée, quand les trous furent préparés, la cérémonie d’enterrement put enfin se tenir. La comtesse évoqua, les larmes aux yeux, les douze femmes qui furent un jour sauvées d’une existence dont elles ne voulaient pas, puis avaient trouvé une famille à Montbrumeux, s’étaient entraînées, étaient devenues chevaleresses et avaient péri en héroïnes pour sauver leurs amies des Quatre Chemins. Elle salua ensuite la mémoire de ceux qu’elle ne connaissait pas, ennemis d’une bataille mais victimes de la folie de celui qui les avait enrôlés. Elle laissa alors la parole à celui qui avait accepté de témoigner pour ses camarades.

À aucun moment quelqu’un n’évoqua le nom de Conrad de Laval. À défaut d’être maudit, il fut non dit.

Quand le discours fut terminé, les corps privés prématurément de vie furent enroulés dans des couvertures avant d’être descendus vers leur dernier repos. Nombreux furent ceux et celles qui restèrent encore un instant près des trous béants qui engloutiraient pour toujours les cadavres des victimes tombées lors de ce combat.

Le jeune homme qui avait pris la parole précédemment, la reprit au nom de tous les soldats présents, il remercia les chevaleresses d’avoir soigné tous ceux qui pouvaient l’être.

Il se tourna ensuite vers Opale :

— Madame nous avons été ennemis d’un jour, finalement par la décision d’un homme dont nous, pauvres soldats, ne connaissions rien. Je souhaite vous assurer que nous – je parle pour ceux qui ne se sont pas enfuis – ne vous gardons aucun grief. La faute ne vous revient pas.

— Merci soldat pour votre compassion, recevez la nôtre, vos pertes sont plus lourdes. Mes chevaleresses et moi-même sommes conscientes que vous n’avez pas agi de votre propre chef ; nous ne vous en voulons pas non plus. Pourtant, chacune des absentes laissera un vide à notre table.

§

Quelques jours plus tard, Viviane et Théodora rendaient un dernier hommage à Arsinoé avant de quitter les lieux.

— Elle a tout donné pour me sauver… soupira Viviane. Sans elle… Oh ! Théo !

La jeune fille sentait déjà les larmes monter à ses yeux. Théodora posa un genou au sol devant la tombe et se saisit d’une motte de terre qu’elle pulvérisa entre ses doigts. Puis son regard se tourna vers Viviane.

— Comme quoi, elle avait bien changé. Sans elle, déjà, nous ne nous serions pas rapprochées. Elle a été héroïque. Jusqu’au bout.

Viviane posa la main sur l’épaule de Théodora, lui assurant son soutient et cherchant de son côté un appui. Elle aussi ressentait une vive émotion.

— Je ne l’oublierai jamais, tu sais… Elle était devenue une véritable amie. Son sacrifice…

Viviane avait compris qu’Arsinoé avait donné sa vie pour elle et elle culpabilisait.

— Elle vivra dans nos souvenirs.

La voix de Théodora se voulait rassurante, elle se saisit de la petite main et se redressa avant d’ajouter d’une toute petite voix :

— Au revoir Arsi… On reviendra te voir.

Elle ajouta un signe discret vers le monticule de terre où reposait désormais leur amie et héroïne.

— Au revoir. Puisse ton tertre verdir toujours, les fleurs qui le recouvreront seront bénies.

Elles jetèrent toutes deux un dernier regard embué de larmes à la tombe.

— Théo, on va se balader un peu, toutes les deux ? J’en ai besoin.

Elles se dirigèrent dans la forêt où elles marchèrent pendant une petite demi-heure sans rien dire. Puis Théodora s’arrêta, imitée par Viviane, elle lui fit face.

— Faut que je te dise un truc ma petite Vivi.

L’intéressée souleva un sourcil et une douce chaleur monta à son visage, faisant rougir ses larges pomettes parsemées de taches de rousseur.

— Me dire quelque chose ? demanda-t-elle en faisant papillonner ses yeux.

Un léger sourire parcourut les lèvres de son interlocutrice.

— Tu es être une belle enquiquineuse.

Théodora mesurait ses mots, ménageait son effet. Elle observa un instant les traits de sa mignonne se décomposer avant de continuer.

— Mais… tu es ma petite étoile ! Celle qui ne s’éteint jamais, tu brilles dans la nuit, lui confia Théodora. Je ne te laisserai plus jamais seule.

Elle ouvrit ses bras où Vivianne vint se blottir.

— Merci Théo. Tu es adorable toi aussi.

Théodora admira les jolis yeux vert tendus vers elle, caressa les cheveux roux, un peu filasses et tout bouclés.

— Je t’aime.

Elle embrassa pleinement ces bonnes joues qui la tentait tant, prit un peu de distance et plongea vers la bouche offerte de bonne grâce.

§

Un peu plus loin, Ellanore, penchée sur son luth, jouait des accords pleins de mélancolie. Elle écrivait dans sa musique les notes du souvenir. Assise sur la souche d’un arbre mort, la comtesse de Montbrumeux l’écoutait, se laissant porter par la vague de pensées que son amie évoquait par sa mélodie. Isabelle, bien décidée à soulager sa conscience vint auprès d’Opale.

— Puis-je m’asseoir ?

Lentement, la commandeuse leva la tête et désigna une pierre en face d’elle. Isabelle prit place. Au bout d’un moment à écouter la musique de la chevaleresse, elle rassembla suffisamment de courage pour s’exprimer :

— Je connais l’homme qui a provoqué cette folie. C’était celui avec lequel on voulait me marier. Après l’avoir tué, j’ai ouvert sa visière et je l’ai reconnu. Si je l’avais épousé, ce carnage n’aurait pas eu lieu.

— Et tu aurais vécu malheureuse toute ta vie, à côté de ce fou sanguinaire. Ne te reproche pas ses fautes, tu n’y es pour rien ma petite.

Isabelle s’assit à côté de la comtesse. Elles restèrent là un long moment, sans rien dire.

— Tout ça à cause de la folie d’un ego trop grand et blessé ! conclut Opale.

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