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Un moteur vrombit au loin. Une dernière fois, Arganthaëlle lissa sa robe bleu marine, celle réservée aux occasions. Ses longs cheveux bruns ondulaient librement dans son dos. L'appréhension l'emplissait. Jamais encore elle n'avait eu de rendez-vous avec un homme. Elle ne cessait de s’interroger sur les intentions de Serge. Se sentait-il obligé de l’inviter pour la remercier ? Ou l’avait-il apprécié ? Elle secoua la tête. Mieux valait s’imaginer qu’il n’avait guère d’intentions à son sujet. Après tout, les relations sociales, ce n’était pas son point fort.

Trois coups retentirent sur la porte. Elle se précipita pour ouvrir.

— Entrez !

Serge portait une chemise grise presque noire qui faisait ressortir ses yeux. Elle se perdit dans leur couleur, cherchant à la définir. Gris ? Bleu ? Vert ? On aurait dit la mer lorsque le ciel était chargé de nuages.

— Bonjour Arganthaëlle, vous êtes prête ?

Elle acquiesça et s'empara de son petit sac en cuir avant de le suivre.

Dans la voiture, Serge expliqua :

— J'ai réservé dans une crêperie. J'espère que vous aimez.

— Oui, oui. J'aime tout.

— C'est un endroit très sympa, vous verrez.

Arganthaëlle hocha la tête, n'osant révéler que c'était seulement la deuxième fois qu'elle se rendait dans un restaurant.

Ils arrivèrent dans la petite ville où elle venait faire ses courses lorsque son frère l’y emmenait. Serge gara sa voiture. Le restaurant portait une élégante pancarte au-dessus de sa porte.

Serge tira une chaise en arrière pour qu’Arganthaëlle s’installe. Elle tenta de dissimuler ses joues rosies dans ses cheveux. Cet homme était si élégant. Pas les habituels paysans qu’elle fréquentait. Ni les druides qui se montraient méprisants à son égard. Un serveur les salua et leur distribua chacun une carte.

La dépliant, Arganthaëlle scruta le menu. Ses yeux s'écarquillèrent. Délice iodé. Soleil couchant. Clair de lune. Qu'est-ce que c'étaient que ces noms ? Ils se croyaient dans les mots fléchés ? Elle peinait à comprendre ce qu'elle aurait dans son assiette. Elle aperçut en petits caractères les ingrédients qui composaient le plat. Elle plissa les yeux pour mieux voir.

— Cela vous plait ? Vous trouvez votre bonheur ?

— Il y a trop de choix, je sais pas quoi choisir...

— Je peux choisir pour vous, si vous souhaitez.

Elle acquiesça.

Lorsque le serveur se présenta de nouveau, Serge annonça :

— Deux Clairs de lune avec une bouteille de cidre brut, s'il vous plait.

— Que faites-vous dans la vie alors ?

— Mon métier de vates. Et puis je cultive mon potager.

— Oh oui, merci encore ! Ma cheville est comme neuve. Vous n'avez jamais voulu faire autre chose ?

Penchant sa tête, elle hésita. Se moquerait-il d'elle si elle dévoilait son rêve ? De toute façon, s'il le faisait, il ne mériterait pas de devenir son ami !

— J'aurais aimé devenir druide, souffla-t-elle.

— Druide ?

Le yeux de Serge s'arrondirent. Arganthaëlle opina de la tête.

— Exactement ! Je sais que c'est pas possible. Mais, je suis sûre que j'ai pas moins de magie que certains druides.

Serge grimaça. Elle craint un instant de l'avoir offusqué. Après tout, il avait été viré de l'Ordre et elle venait indirectement de se comparer à lui. Quel manque de tact ! Elle reprit :

— Je parlais pas de toi, hein ?

Un léger sourire naquit sur les lèvres de son compagnon.

— Je vois ce que tu veux dire. L'Ordre reste figé dans le temps. Les femmes devraient en faire partie. La magie des vates et des druides n'est pas très différente après tout.

— Tout à fait, je suis contente que tu sois d'accord. Mon père n'a jamais voulu l'entendre. Et, mon frère n'écoute pas, trop occupé avec son Isabel.

Le serveur débarqua avec leur galettes de sarrasin recouverte d'une fondue de poireaux et de lamelles de saumon fumé. C'était bien présenté, mais guère copieux. Arganthaëlle espéra qu'elle n'aurait plus faim après. A quoi ça servait de venir au restaurant si on mangeait moins que chez soi ?

Serge attaqua son plat et commenta en disant qu'il était excellent. La jeune femme en fit de même, tentant de manger avec autant d’élégance. Tous les gestes de Serge semblaient tellement précis, presque calculés. Perdue dans sa contemplation, Serge dut répéter pour qu'elle l'entende :

— Arganthaëlle, voudrais-tu venir à la célébration de l'équinoxe avec moi ?

Le passage au tutoiement fit rosir ses joues. Ou était-ce le cidre ?

— A la fête de l'équinoxe ?

— Oui.

— Avec plaisir !

Cette célébration marquait le réveil de la terre après son long sommeil hivernal. Les pratiquants des anciens cultes se réunissaient autour d'un grand-pique qui s'éternisait jusqu'à la tombée de la nuit. C'était souvent le début de nouvelles histoires de cœur parmi les jeunes gens. Mais, même parmi les celtes, Arganthaëlle avait toujours trainé une réputation d’excentrique et s'était retrouvée à l'écart des romances.

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