Chapitre 2

2 minutes de lecture

Je le suivis un bon moment, et chaque direction qu'il choisissait me le rendait encore plus intéressant. Très vite, nous avions quitté le quartier des grands boulevards pour nous enfoncer dans les faubourgs. Je connaissais ces ruelles sales et mal éclairées. Elles étaient devenues, en quelque sorte, mon environnement naturel, un vivier où je trouvais, avec un peu de chance et de ténacité, les ressources nécessaires à ma survie. J'étais à la rue mais, ici du moins, la rue était à moi. Je ne m'expliquais pas, par contre, l’aisance avec laquelle le docteur s’y déplaçait : dans ce coin, le bourgeois était rare, il se reconnaissait tout de suite, plus à sa démarche hésitante qu’à ses riches atours, et trouvait tout aussi vite de la compagnie. De ce point de vue, le docteur n'avait rien d'un bourgeois. Il avançait d'un pas ferme et suivait un itinéraire précis. Surtout, il était évident qu'on l'évitait, comme si ce quartier le connaissait aussi bien que moi, et qu'il ne voulait surtout pas avoir à faire avec lui. Cela me troublait, car il me semblait évident que quiconque était familier de ce quartier devait, par la force des choses, m'être familier, à moi. Nous franchîmes encore quelques carrefours que je situais mal, dépassâmes des impasses par des portes dérobées qui me surprirent, et il apparut bientôt que c'était moi qui connaissait cette partie de la ville moins bien que je ne m'en flattais. Pour tout dire, j'étais franchement mal à l’aise. Puis nous arrivâmes à destination, et j'en vins à me demander dans quelle aventure j'avais bien pu me laisser embarquer.

La première impression que me laissa le bâtiment, c'était qu'il n'avait pas sa place dans cet environnement de toits bas et de fenêtres aveugles. Puis je compris que c'était l'inverse, et que c'était le quartier qui jurait de façon sinistre avec ce manoir conçu il y a longtemps, pour des paysages plus ouverts. Il y a, à Vienne, des faubourgs qui furent des campagnes, et qui en gardent la nostalgie. Et moi, face à ce souvenir décrépi d'un passé plus doux, j’eus du mal à réprimer un frisson.

Le docteur était entré par la porte principale, qui tenait à peine sur ses gonds au sommet d'un petit escalier à moitié désagrégé. Il me fallait décider. Entrer discrètement ne semblait pas difficile, et je ne voulais pas avoir fait tout ce chemin pour rien.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Jean-François Chaussier ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0