Chapitre 1

2 minutes de lecture

- Ce dont je me soucie, Madame, ce sont les fantômes.

Le plus extraordinaire ne fut pas notre silence unanime et subit, mais le sérieux avec lequel notre interlocuteur le soutint.

- Les fantômes, les golems, et toutes ces sortes de choses.

Le docteur présentait l’attitude et la mise irréprochables du praticien le plus fiable. De la barbe en pointe à la montre à gousset, des souliers vernis au costume crème, il ne dénotait ni avec notre compagnie endimanchée, ni avec le cadre luxueux du restaurant. Et pourtant, il venait d'évoquer les fantômes, et ce avec le plus grand sérieux. Madame Sternbrug fut la première à trouver une issue :

- Vous vous en souciez, Docteur ? Vous voulez dire qu'ils vous effrayent ? Je dois dire que moi-même, je ne suis pas très à l'aise quand…

- Non, je veux dire que je m'en soucie. Leur misérable sort ne préoccupe plus grand-monde, de nos jours. Je trouve cette négligence impardonnable et j’ai donc décidé de les étudier. J'espère pouvoir leur être d'un quelconque secours.

Je ne sais plus comment cette conversation trouva une issue décente, mais il ne fut bien vite plus question de fantômes ni de golems. Ce qui fut évoqué à la place, par contre, je n'en ai aucune idée, tant l'extraordinaire aveu du docteur me trottait encore dans la tête. Lui ne dit plus rien jusqu'à la fin du dîner.

Quand nous nous quittâmes, je me retrouvai comme à mon arrivée, tout nu sur le pavé ou presque : je n’avais nulle part où dormir, et j'allais bientôt devoir rendre veste et cravate à Ludwig qui me les avait prêtées, et peut-être notre amitié en même temps, tant il avait été mécontent de ne pas m'avoir vu davantage profiter de l'occasion qu'il m'avait offerte de m'introduire dans son beau monde.

J'en étais là à profiter encore de la délicieuse chaleur qui mourait peu à peu dans mon estomac, sans plus d'autre espoir pour la soirée, quand je revis soudain le docteur. Il s’était arrêté, seul sur le trottoir d'en face. Il avait allumé une cigarette dont il semblait contempler le minuscule grésillement sous son nez. Soudain, il releva la tête dans ma direction puis, sans plus me remarquer que si j'avais été l'un de ses fantômes – ou peut-être moins, en réalité – il se lança d'une démarche nerveuse vers le haut de la rue.

Je le suivis. Je n'avais aucune bonne raison de le faire, mais aucune non plus de m'en abstenir, et le personnage me semblait digne d'une bonne histoire, dont je voulais connaître la suite.

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