Partie quinze ~ Fin du calvaire (2)

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Anna fut conduite au milieu des feuillages printaniers. En autre temps, elle se serait permise d'admirer cette palette de couleurs mais la pression faite sur sa nuque ne lui en laissait pas l'occasion. La pointe du couteau contre son dos menaçait de la transpercer à tout moment.

Ils s'arrêtèrent et Franck la pivota face à lui. Il lui mis l'arme presque sous le nez en la fusillant d'un regard à faire peur.

– Qu'est-ce que tu as l'intention de faire ? réussit-elle à articuler d'une voix tremblante.

– Je t'avais dit ce qui allait se passer si tu parlais aux flics mais encore une fois, tu n'en as fait qu'à ta tête ! souffla son mari, la mâchoire serrée.

– Tu n'es pas obligé de faire ça. Pense à Suzy, si tu me tues, tu ne la reverra jamais.

– Parce que tu crois que je vais laisser ma fille avec cet imposteur. C'est moi son père et jamais je ne laisserai quelqu'un d'autre prendre ma place, tu entends, jamais ! cracha-t-il au visage de sa femme.

La lame se rapprocha de la gorge d'Anna qui déglutit. Elle ferma les yeux alors qu'une larme glissait le long de sa joue. Ce qu'elle s'apprêtait à dire lui serait sans doute fatal mais elle ne pouvait garder les mots pour elle. Ce serait peut-être les derniers.

– Son père… murmura-t-elle, ouvrant doucement les paupières. Tu n'as jamais agis comme tel. Quel père frappe sa fille parce qu'elle écoute aux portes ? Tu n'as aucune affection ni pour elle ni pour moi. Tu ne connais que la violence et à cause de toi, Suzy ne connait que la souffrance !

L'homme resta muet un instant, éloignant lentement le couteau. Sûrement dans l'intention de lui trancher la gorge.

Quand un cris se fit entendre au loin. Une main se plaqua automatiquement sur la bouche de la jeune femme, l'empêchant de répondre à la voix qui l'appelait.

Franck plissa les yeux en scrutant l'horizon, à l'affût du moindre bruit suspect. La voix se rapprochait, les échos à travers la végétation résonnaient beaucoup plus clairement. L'individu serait là d'un instant à l'autre.

Une idée lui traversa l'esprit. Saisissant les épaules de sa femme, Franck la poussa sur le côté. Elle en perdit l'équilibre et tomba au sol. Quand elle leva la tête, son mari avait disparu. Anna regarda autour d'elle tout en se relevant. Désorientée quelques secondes, elle ne comprit pas ce qu'il venait de se passer. Et là, l'évidence la frappa !

Sa fille se trouvait toujours dans la voiture et Franck devait probablement être remonté vers la route pour la retrouver. Il ne décolèrait pas du fait qu'Anna lui ait enlevé Suzy et, à l'entendre, il ne renoncerait pas à la récupérer. Prise de spasmes, la jeune femme avait du mal à respirer. Le choc de l'accident combiné à la panique qu'elle tentait de contrôler, commençait à se faire sentir dans tout son corps.

– Dieu merci, te voilà ! fit une voix soulagée.

Remarquant que quelque chose n'allait pas, Taylor fronça les sourcils et voulut s'approcher d'Anna. Cette dernière secoua la tête en le mettant au parfum.

– Je… je ne sais pas où est Franck, prononça-t-elle difficilement. Je crois qu'il… qu'il est parti chercher Suzy.

– Ne t'inquiète pas, Suzy ne risque rien, la rassura le policier. Ma coéquipière est avec elle et je lui ai dit de ne pas hésiter s'il s'approchait trop.

À cet instant, un râle bruyant jaillit de derrière les arbres. Anna jeta un œil inquiet dans leur direction et ce qu'elle vit la figea littéralement.

– Taylor, attention ! L'avertit-elle alors que Franck fonçait sur lui.

Les deux hommes tombèrent à la renverse. L'arme à feu que l'agent tenait en main lui échappa lorsque son corps toucha le sol. Franck brandit le couteau au-dessus de lui mais fut retenu par les poignes de son adversaire. Ce dernier résistait tant bien que mal à la force de l'agresseur. Celui-ci y mettait toute la rage qu'il pouvait et semblait déterminé à en finir avec ce flic.

– Je ne vous laisserai pas me prendre ma fille ! s'insurgea-t-il en essayant d'atteindre sa poitrine.

Le coude de Taylor se plia sous son poids et la lame entailla son avant-bras. Le jeune homme poussa un gémissement de douleur avant d'éloigner l'arme blanche de son torse. Cependant, il sentait ses forces l'abandonner. D'un coup de genou, le policier voulut déstabiliser Franck mais rien n'y fit. L'homme le bloquait de tout son poids et Taylor savait bien qu'il ne tiendrait plus longtemps.

Anna qui se tenait en retrait, les regardait se débattre. Sa respiration ne s'améliorait pas et c'est d'une main fébrile qu'elle dû se retenir au tronc à côté d'elle. Malgré tout, elle put distinguer la difficulté dans laquelle son amant blessé se trouvait. Certes, la scène l'angoissait mais l'idée de le perdre la terrifiait davantage.

Lentement, la jeune femme s'avança pour ramasser l'arme. Ses doigts autour du calibre tremblaient, lui donnant l'impression de peser une tonne. Elle n'arrivait pas à le stabiliser correctement face à son mari qui ne cessait de gesticuler. Son visage se crispa. Les yeux clos, Anna pressa l'index sur la détente et tira à l'aveugle.

Une déflagration assourdissante retentit. Suivie d'une deuxième. Sans savoir si elle l'avait atteint ou non, Anna éjecta une seconde balle du canon. La lutte stoppa. Le corps de Franck retomba lourdement au sol, permettant ainsi à l'agent de se dégager de son emprise.

Le flingue chuta des mains de la jeune femme qui observait son mari allongé. Touché au flanc, son tee-shirt se maculait de sang. Un souffle rauque s'échappa de ses lèvres entrouvertes tandis qu'il regardait vers le ciel.

Les jambes d'Anna se dérobèrent sous son poids. Elle s'écroula à genoux, les bras repliés sur sa poitrine qui lui faisait mal. Mal car l'émotion était trop forte. Mal car le contrôle qu'elle avait sur elle-même jusque là céda. Son corps lâchait prise. Il le manifestait par de gros sanglots enfuis au plus profond de son être. Anna connaissait enfin ce sentiment de liberté. La joie remplaça la douleur et lui offrit la plus douce des sensations.

Taylor qui s'était approché de sa bien aimée, s'accroupit et l'accueillit dans ses bras. Elle y enfouit son visage dans son cou en pleurant. Toute la souffrance accumulée ces dernières années s'évacua. Des mots rassurants réchauffaient son âme, des mains protectrices caressaient doucement son dos. Anna redressa le menton afin de plonger son regard dans celui de son compagnon. Leurs lèvres s'accrochèrent dans un dernier échange avant de rejoindre la civilisation.

Se soutenant mutuellement, les jeunes gens revinrent auprès de Maya et Suzy. Heureuse de retrouver sa maman, la petite fille l'exprima en se jetant dans ses bras. La flic, elle, lança un œil interrogateur à son équipier en le voyant se tenir l'avant-bras.

– Ce n'est rien, juste une égratignure, dit-il, regardant furtivement sa blessure. Tout va bien maintenant.

Oui, tout allait bien. Anna avait réussi. Elle qui pensait mourir sous la violence conjugale, avait réussi à y échapper. Elle aspirait à une vie meilleure et c'est ce qui l'attendait. Serrant sa fille contre son cœur, Anna prit une longue inspiration. Une main effleura ses omoplates et tous regagnèrent le véhicule de police.

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