Partie quinze ~ Fin du calvaire (1)

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Alors qu'ils se rendaient sur les lieux où une bagarre avait été signalée, Taylor sentit son cellulaire vibrer dans sa poche. En voyant le nom de l'appelant, il y répondit sans hésiter. Au bout du fil, la voix s'emballait et l'agent éprouvait des difficultés à comprendre son interlocutrice.

– Attends, quoi ? Parle moin vite, je ne comprends pas ! dit-il en haussant le ton.

Son équipière se rapprocha de lui, comprenant que quelque chose n'allait pas. Tout en écoutant attentivement, Taylor écarquilla les yeux puis dévisagea Maya.

– Surtout, tu ne bouges pas. Tu restes où tu es, on arrive tout de suite ! ordonna-t-il sur un ton sec.

Mais la voix féminine ne l'entendait pas de cette façon et paraissait aussi têtue qu'une mule. Elle raccrocha avant que Taylor ne puisse répondre.

– Que se passe-t-il ? questionna Maya en voyant son collègue soupirer d'agacement.

– Suzy a disparu, Anna pense que son père l'a enlevée et elle est partie chez elle pour vérifier.

Les agents firent demi-tour pour rejoindre la voiture. Via l'émetteur radio, la policière demanda à une autre équipe de se charger de l'altercation pendant que Taylor propulsait le véhicule en direction du domicile de sa copine.

Au même moment, le portable de Maya sonna. C'était le commandant Marshall qui leur annonçait la décision du juge d'inculper Franck Standford. Après s'être entretenu avec le docteur Shumman et l'assistante sociale, il s'est avéré que les coups portés sur la victime venaient bien du mari et non de la victime elle-même. La version d'Anna tenait donc la route et le juge autorisait les forces de l'ordre à arrêter le suspect pour coups et blessures.

– On peut dire qu'il tombe à pique celui-là ! lâcha Taylor une fois la conversation terminée.

Les gyrophares allumés, la sirène hurlante, le policier écrasa la pédale d'accélération afin de foncer chez Anna. La voiture de police pila juste devant la maison. Arme à la main, les deux agents entrèrent rapidement quand ils remarquèrent la porte grande ouverte. Ils crièrent les noms de la mère et la fille, mais aucune réponse ne leur parvint. Taylor grimpa à l'étage tandis que Maya s'occupait du rez-de-chaussée. La flic pensa même à chercher dans le jardin.

Rien. Personne. L'habitation était complètement vide. Taylor redescendit alors que sa partenaire rentrait à l'intérieur pour lui signaler qu'elle n'avait vu personne. Apparemment, Franck ne semblait pas être revenu avec sa fille et Anna devait être partie à sa recherche. Ou au contraire, il s'y trouvait et projettait d'enlever sa fille ainsi que sa femme.

Une seule question se posait. Comment savoir où elles se trouvaient à présent ?

**

Suzy était recroquevillée au fond de son siège. Elle ne bougeait pas, la mine apeurée, elle toisait son père qui conduisait. Un peu plus tôt, la fillette se trouvait à l'entrée de l'école où elle observait le chien d'un copain de classe. Elle ne s'était pas aperçue qu'on la tirait par le bras pour l'éloigner de la grille, se doutant de la présence de sa mère qui devait s'impatienter. Mais quand elle reconnut la personne qui l'avait empoignée, Suzy s'était arrêtée, incapable de faire un pas de plus. Le doigt sur la bouche, son père lui faisait comprendre de se taire en la forçant à avancer. Et c'est sans ménagement qu'elle se retrouvait embarquée dans sa voiture sans que personne aux alentours ne s'en soucie.

Anna, elle, restait pétrifiée. Son regard ne lâchait pas le couteau que Franck tenait en main. Une lame aiguisée qui la terrorisait. À un tel point qu'elle n'avait pas osé broncher quand son mari leur avait ordonné de monter dans la voiture d'un geste menaçant.

Le véhicule roulait en direction de l'inconnu. Anna ignorait où l'homme les emmenait. Elle avala nerveusement sa salive tout en gardant les yeux rivés sur l'arme blanche. Des arbres défilèrent à grande vitesse, un paysage boisé s'étalait sur des kilomètres.

Mais qu'avait-il donc en tête ? Où les emmenait-il et surtout pourquoi ?

La jeune femme sentit au plus profond d'elle-même que la fin approchait et n'avait aucune idée de comment elle pourrait bien sortir de là. Si seulement il n'y avait qu'elle, ce ne serait pas un problème ou en tout cas cela lui importait peu. Mais sa fille était présente également et rien que de penser à ce qu'il pourrait lui faire lui donnait des sueurs froides.

Qu'adviendra-t-il de Suzy ? Quel est le plan de son père la concernant ?

En silence, Anna pria pour que Taylor les retrouve même si ça paraissait impossible. S'accrocher à cette idée lui donna encore de l'espoir aussi minime soit-il.

Soudain, la sonnerie de son téléphone retentit dans sa poche. Franck tourna la tête en baissant les yeux vers le vêtement. Sans réfléchir, mais surtout parce qu'aucune autre solution ne se présentait, Anna repoussa des mains la poigne qui entourait le couteau. Surpris par cette subite intervention, la main gauche de Franck glissa du volant et le véhicule dévia de sa trajectoire. Une Jeep qui arrivait dans le sens inverse s'écarta in-extremis en klaxonnant. Des cris s'échappèrent de l'habitacle tandis qu'il se dirigeait hors de la route. Les roues dérapèrent sur le tapis de feuilles mortes, propulsant la carrosserie droit dans un arbre. D'un coup de volant, Franck réussit à le contourner en accrochant que le phare avant qui toucha l'écorce. La course folle se termina un peu plus loin dans un freinement brusque.

À l'intérieur, personne ne bougeait, les cœurs battant à la chamade. Même Franck semblait déboussolé par ce qu'il venait de se passer. Cela ne dura qu'un instant. Dans le rétroviseur, il remarqua la voiture qui les avait évité de justesse immobilisée à quelques mètres derrière. Le conducteur se montra, d'abord hésitant, dans l'attente éventuelle d'un quelconque signe des accidentés. Il s'avança ensuite de manière prudente.

Le voyant s'approcher, l'homme enleva sa ceinture de sécurité ainsi que celle de sa femme qui affichait toujours un air choqué. Il sortit précipitamment du véhicule puis agrippa Anna par son manteau pour la tirer à l'extérieur. Cette dernière lâcha un hoquet de stupeur quand elle réalisa ce qu'il faisait. Une fois dehors, elle voulut se débattre avant de se rappeler qu'une arme blanche l'en dissuadait. La jeune femme fut entraînée par son mari au cœur de la forêt.

L'inconnu, qui alors marchait avec une certaine contenance, accourut sur les lieux. Témoin de la scène et alerté par les pleurs provenant de la voiture, la personne se hâta à porter secours aux étrangers. Suzy qui était restée à l'intérieur, criait et appelait sa mère, le visage collé à la vitre. Elle sursauta lorsqu'un homme muni d'une casquette toqua au carreau. La pauvre petite était dans tous ses états !

Assise à côté d'elle, la personne écouta la détresse de l'enfant puis s'empara de son portable pour appeler la police.

Peu de temps s'écoulèrent avant que des sirènes retentissent au loin. Quand un véhicule de police s'arrêta derrière eux, Suzy reconnut immédiatement l'agent qui en sortait. Elle poussa l'inconnu afin qu'il descende à son tour pour aller rejoindre son sauveur. La fillette courut se réfugier dans les bras de Taylor en pleurant. Elle s'accrocha à son cou, ne voulant plus le lâcher.

– Ramène-là, sanglota-t-elle, ramène ma maman !

Doucement, le policier saisit les poignets de la petite fille pour se libérer. Il posa les mains sur ses épaules en la regardant droit dans les yeux.

– Écoute-moi attentivement, je veux que tu restes ici et que tu ne bouges pas, même si tu entends crier ou n'importe quoi d'autre, tu restes près de la voiture, d'accord ?

L'enfant hocha le menton.

– Elle, c'est Maya, dit-il en désignant son équipière. Elle va rester avec toi pendant que je vais chercher ta maman. Ne t'inquiète pas, tout ira bien.

Sa coéquipière attira Suzy près d'elle, peu rassurée de laisser son binôme y aller seul. C'est d'une voix beaucoup plus ferme qu'il lui donna les dernières instructions.

– Si jamais ce cinglé rapplique, tu n'hésites pas. Descends-le !

– Compris, répondit-elle. Fais attention.

L'échange terminé, l'agent s'enfonça dans la forêt, flingue à la main.

**

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