Partie treize ~ Commissariat

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Les doigts crispés au volant du véhicule, les yeux éblouis par le soleil levant, Taylor roulait en direction du commissariat. Le jeune homme paraissait particulièrement préoccupé, ce qui rendit sa conduite plus rapide qu'à l'habitude.

Arrivé à destination, le policier se dépêcha d'entrer dans le bâtiment. Le service de police grouillait déjà de flics en mouvement, Taylor se faufila parmi ses collègues avant d'atteindre le hall principal. Il s'arrêta en remarquant le nouveau discuter avec d'autres agents. Son sang ne fit qu'un tour, le policier se rua sur lui pour lui empoigner l'uniforme.

– Pourquoi cette ordure a été libérée ? cracha-t-il au visage étonné de l'homme. Il n'aurait jamais dû sortir, Anna a failli mourir à cause de ça !

Le flic s'apprêtait à répondre quand une voix grave résonna dans le hall, lui coupant la parole.

– Calder, dans mon bureau ! cria son patron qui était sorti en entendant le vacarme.

Taylor toisa un instant son collègue froidement. Il le relâcha enfin et tourna les talons pour se diriger dans le bureau du commandant. Tous, le fixaient avec surprise à l'exception de Marshall qui arborait une moue contrariée.

Une fois son agent à l'intérieur, le chef de police claqua la porte en soupirant. Il s'installa derrière le bureau encombré de papiers et regarda Taylor qui semblait à bout de nerf.

– Comment se fait-il que ce type ait été relâché ? Avec les preuves d'Anna et le témoignage de sa fille, nous avions de quoi l'arrêter pour de bon, s'exclama le policier en tentant de maitriser sa voix tremblante sous la colère.

Marshall prit son bic avec lequel il se mit à jouer tout en écoutant Taylor.

– Cette décision ne vient pas de moi, répondit-il, et encore moins du petit nouveau à qui tu as foutu la trouille. C'est le juge qui nous a donné l'ordre de libérer le suspect, les preuves que madame Heggins nous a fournies doivent être vérifiées afin d'être certain qu'elles ne sont pas infondées.

– Infondées ? Ce salop est venu chez moi et a tenté d'étrangler Anna. Si je n'étais pas intervenu, elle serait morte à l'heure qu'il est ! rétorqua l'agent en haussant le ton.

Le commandant dévisagea Taylor en fronçant les sourcils. Il se leva de son fauteuil et vint se poster en face de l'homme en uniforme.

– Écoute Taylor, je sais que tu entretiens une relation avec cette femme et je m'en contre fiche, ce n'est pas mon problème. Mais les sentiments que tu as pour elle ne doivent pas interférer dans ton boulot. Tu connais la procédure, nous ne pouvons pas placer cet homme derrière les barreaux tant que les deux versions ne sont pas vérifiées.

– Et le témoignage de la petite, ça aussi c'est infondé ?

– Je ne suis pas responsable Taylor. Le juge à pris cette décision et nous ne pouvons pas aller contre, répliqua Marchall voyant bien que son agent était furieux contre lui.

La mâchoire serrée, le policier fusilla du regard son supérieur. Il se prépara à quitter la pièce quand le chef de police le rappela.

– Standford avait interdiction d'approcher sa femme et sa fille à moins d'un mètre. Le non respect de la loi semble être une bonne raison pour l'arrêter.

Pour seule réponse, Taylor hocha le menton avant de s'éclipser du bureau de Marshall. Le jeune homme remarqua que tout le monde s'était remis au travail, mais lui avait la tête ailleurs, ce qui justifiait cet énervement soudain. Il marmonna des excuses auprès du pauvre garçon qu'il venait d'agresser, puis descendit à la cafétéria se chercher un café bien fort.

Les paroles de son chef lui revinrent en mémoire pendant qu'il dégustait le liquide. Ces derniers jours, Taylor ne se conduisait pas aussi bien qu'il le devrait en tant que flic. D'abord, il déboule dans la salle d'interrogatoire pour se jeter sauvagement sur le suspect, et maintenant, il s'en prend à un de ses collègues innocent. Le policier avait conscience qu'il devait se calmer s'il voulait éviter la suspension, car c'était ce qui lui arriverait s'il dérapait une nouvelle fois.

Ses doigts tremblaient autour du gobelet chaud. Perdu dans ses pensées, Taylor se prit à songer aux événements de la veille. Il se rappelait du moment où il reprenait ses esprits lorsqu'il était allongé au sol. Il revoyait Anna tenir une arme en direction de son mari. Le policier aurait pu y rester aussi, si la jeune femme n'avait pas eu le courage de s'interposer entre l'agresseur et sa victime. Elle l'avait sauvé.

– Tu l'aimes vraiment, n'est-ce pas ! lâcha une voix féminine.

Taylor leva les yeux pour regarder son équipière qui scrutait sa silhouette.

– Oui, répondit-il en esquissant un sourire.

Évidemment, pour quelle autre raison réagirait-il ainsi si ce n'était pas le cas. La policière imita son partenaire et s'offrit un café au lait. Sa peau mâte entra en contact avec la chaleur du gobelet, lui provoquant un agréable frisson. Elle dévisagea Taylor tout prenant une gorgée de sa boisson.

– Tu sais, quand elle nous appelé pour nous avertir du comportement violent de son mari, j'ai tout de suite pensé à cette femme décédée il y a deux ans, expliqua-t-elle.

L'homme leva le nez vers sa coéquipière qui semblait plongée dans ses pensées. Cette dernière poursuivit d'une voix emplie de remords.

– Je revoyais son visage tuméfié par les coups, la détresse se lisant dans ses yeux effrayés, son corps allongé au milieu du salon. Je n'ai pas oublié, je n'ai jamais oublié !

– Nous l'avons laissée mourir, Maya, répondit Taylor d'un ton froid.

La flic soupira, le regard rivé sur le café. Son collègue avait raison, ils auraient dû être plus prévenants envers la victime. Peut-être, serait-elle encore en vie aujourd'hui.

– Je sais et je comprends qu'avec Anna, tu agis en connaissance de cause, mais l'impulsivité de tes réactions ne t'aidera pas à résoudre l'affaire.

Le gobelet en plastique s'écrasa sous la poigne de Taylor. Il savait pourtant que c'était la vérité. Néanmoins, cette vérité ne faisait que l'exaspérer un peu plus. Le bleu perçant de ses iris transpercèrent ceux de son équipière.

– Je ne laisserai pas ce malade l'approcher une nouvelle fois, j'ai promis que je la protégerais et c'est ce que je ferai ! déclara-t-il sèchement.

Maya toisa son partenaire, étonnée par ce ton subitement sec. Elle posa une main apaisante sur l'avant bras du policier.

– Taylor, fit-elle d'une voix douce, peu m'importe tes intentions envers ce type, je veux juste que tu te souviennes des conséquences qu'a eu ton comportement il y a deux ans. Tu te tenais pour responsable de la mort de cette femme et c'est à peine si tu arrivais à garder ton sang froid. Marshall n'a pas eu d'autre choix que de te suspendre. Après ça, qu'as-tu fait ? Tu as noyé ta douleur dans l'alcool et il t'a fallu du temps avant de reprendre le boulot !

Taylor acquiesça en s'adossant au mur de la cafétéria.

– Et toi, tu faisait sans cesse des cauchemars ! l'accusa ce dernier.

– C'est vrai et j'en fait encore aujourd'hui, mais ce n'est pas pour autant que je m'emporte sur mon lieu de travail, répliqua-t-elle.

L'agent admit que ces derniers temps, il adoptait un comportement contraire à celui demandé. Autant dire qu'il avait intérêt à se tenir à carreaux devant leur commandant. Maya sourit à ces mots.

– Je voudrais juste que tu fasses attention à toi et que tu évites de commettre une chose que tu pourrais regretter.

En guise d'approbation, le policier pressa doucement l'épaule de son amie en prenant soin de la rassurer. Cette dernière parut quelque peu soulagée même si ses craintes concernant son équipier restaient bien présentes.

Bloqué dans les embouteillages du soir, Taylor était heureux de voir cette journée, plutôt mouvementée, enfin terminée. La discussion qu'il avait eu avec Maya semblait l'avoir aidé à effectuer ses heures de travail sans trop d'inconvénient. Cela dit, l'impatience de retrouver son foyer se faisait ressentir. L'agent le manifestait clairement en soufflant et en klaxonnant aux automobilistes qui n'avançaient pas.

Dès qu'il fut rentré, une odeur d'épice mélangée à celle de tomates cuisant à feu vif, flottait dans l'air. Taylor déposa ses clés sur la table tandis qu'il se dirigeait vers la cuisine d'où provenait la bonne odeur.

– Ah, tu es rentré ! lança Anna en passant la tête hors de la pièce.

Le policier s'approcha doucement de la jeune femme. Quand il comprit ce qu'elle préparait, l'homme se figea. Dans une casserole, bouillonnait la sauce tomate alors que les pâtes attendaient d'être cuites dans une autre. Cette simple vue redonna le sourire au policier puisque ce plat demeurait celui de son enfance. Mais le vrai bonheur était d'observer Suzy s'atteler à la tâche avec une grande attention. Si bien que la fillette ne semblait pas avoir remarqué la présence de Taylor. Ce dernier détourna les yeux de la pièce pour les poser sur sa bien aimée, qui aperçut une légère brillance dans son tendre regard.

– Je t'aime Anna, murmura-t-il en prenant le visage de la jeune femme entre ses doigts. Depuis que vous êtes entrées dans ma vie, Suzy et toi, je goûte à nouveau au bonheur. Avec mon boulot, je ne pensais pas retomber amoureux un jour, mais toi, tu m'as prouvé le contraire. Tu m'as donné une raison de vouloir revenir à la maison le soir, et surtout, tu me rends heureux. Alors, je vais te faire une dernière promesse, je te promets que plus jamais ton mari ne s'approchera de ta fille et toi.

Anna voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Ses yeux devinrent humides d'une joie immense. Des lèvres s'écrasèrent sur les siennes, l'embrassant avec passion. Elle y répondit de la même manière en se collant au plus près de son amant. Cependant, leur échange fut de courte durée. Suzy manifesta son dégoût par une grimace assez drôle à voir.

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