Partie douze ~ Fâcheuse visite

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De fines cernes maquillaient les paupières lourdes d'Anna. La veille, Taylor lui avait révélé la version de son mari, racontée lors de l'interrogatoire. Résultat, la jeune femme en avait cauchemardé toute la nuit. Cela n'avait pourtant rien d'étonnant, Anna connaissait trop bien Franck pour savoir qu'il aurait inventé n'importe quel scénario possible afin de s'innocenter. Toutefois, elle en était toute chamboulée, les paroles de l'homme ne cessaient de se répéter dans sa mémoire.

Théoriquement, Franck devrait séjourner en prison au moins pour quelques jours. Taylor ne pouvait dire avec certitude combien de temps il y resterait, mais la durée dépendait du temps qu'il faudrait pour tirer cette affaire au clair.

Le policier était en service aujourd'hui. Il avait reçu un appel de son équipe, l'obligeant à partir tôt ce matin. Anna se retrouvait donc seule avec ses tourments. Heureusement, la présence de sa fille l'aidait à oublier un peu cette folie.

Dans le courant de la journée, la jeune maman, en compagnie de Suzy, s'occupa du minuscule jardin étendu sur le devant de la maison. Elles arrosèrent les fleurs joliment colorées de rouge, de bleu ou de mauve. Les insectes allaient et venaient, se nourrissant du nectar gardé par ces merveilles de la nature.

Soudain, une portière claqua. Anna leva la tête pour apercevoir entre les plantes, une personne se diriger vers l'habitation. Elle se mit alors debout et se raidit, faisant tomber l'arrosoir. À quelques mètres, son mari avançait dans sa direction tout en la fusillant d'un regard noir.

Comment avait-il fait pour la retrouver ? Anna l'ignorait totalement, mais la rapidité de sa démarche laissait supposer qu'il n'était pas venu pour parler.

– Suzy, rentre à l'intérieur tout de suite ! lui intima sa mère dans un murmure.

La petite fille s'exécuta et courut se réfugier dans sa chambre, à l'abri de son père. Anna s'empressa elle aussi de rentrer tandis que Franck approchait. Cependant, lorsqu'elle voulut fermer la porte, l'homme la retint du pied. Dans un grognement, il poussa la porte d'entrée qui vint cogner contre le front de la jeune femme. Légèrement sonnée, cette dernière ne se débattit pas quand Franck lui attrapa sa blouse pour la trainer à travers le salon.

– Qu'est-ce que je t'avais dit si tu me dénonçais aux flics, hein ? Qu'est-ce que je t'avais dit ? aboya-t-il furieusement.

Anna fut violemment plaquée au mur, son corps retenu par la force des bras de son agresseur. Elle tenta de se dégager mais rien n'y faisait, son mari la dominait sans crainte.

– Tu vois ce que je suis obligé de faire par ta faute, souffla-t-il alors que ses mains s'emparèrent du cou fragile de sa femme. Je n'aurais jamais eu à faire ça si tu avais su garder ta langue.

Les doigts de l'homme se replièrent autour de la gorge d'Anna. Elle essayait de l'éloigner, s'accrochant aux avant-bras masculins afin de libérer sa nuque. Ce geste ne fit même pas sourciller Franck qui resserrait davantage sa prise. La jeune femme manquait peu à peu d'oxygène. Son regard effrayé fixait le visage de Franck, dont les traits se déformaient sous la colère.

Anna inspirait de façon rauque l'air qu'elle était encore capable d'obtenir. Seulement, la pression faite sur sa glotte rendait la respiration très difficile. Sa vue se troubla également, de petits points noirs apparurent au creux de sa vision.

La jeune femme se sentit défaillir, abandonnée du peu de forces qui lui restaient. A présent, un voile flou lui couvrait complètement la vue. Elle étouffait, son cœur battant de plus en plus lentement. Anna semblait sur le point de s'évanouir.

Soudain, les poignes de Franck lâchèrent son cou. Anna prit une grande bouffée d'oxygène qui lui permit d'échapper de justesse au malaise. L'agresseur fut tiré en arrière, tellement violemment qu'il en tomba au sol. La victime aperçut son sauveur dans son sillage alors qu'elle se retenait au mur pour éviter de chuter. Un sentiment de soulagement l'envahit instantanément quand elle reconnut Taylor. Ce dernier avait, par chance, été prévenu de la remise en liberté du suspect. De ce fait, le policier s'était rendu immédiatement à son domicile, devinant la fâcheuse visite de Franck.

Dans un râle bruyant, l'homme se releva et fonça sur Taylor, le propulsant contre un meuble. Le flic se défendit et lui assena un coup de point dans le ventre, puis un autre au visage. La main à hauteur de sa ceinture, Taylor dégaina son arme, mais Franck tenta de la lui prendre. Les deux hommes s'acharnèrent alors sur le flingue coincé entre les doigts du policier.

Anna, elle, ne bougeait pas. Elle regardait la scène d'un air horrifié. Son mari envoya un puissant coup dans les côtes de Taylor qui lâcha un gémissement ainsi que son arme, tombant dans les mains de Franck. Ce dernier se servit de la crosse pour immobiliser le policier qui s'écroula à terre. Les yeux rivés sur lui, Franck pointa le flingue sur l'uniforme bleutée de l'agent.

– Non ! s'exclama une faible voix. Ne fais pas ça.

La jeune femme s'avança lentement vers l'homme armé. La panique la submergeait, mais Anna gardait malgré tout son sang froid. Elle s'approcha de Franck en le suppliant du regard.

– Je t'en prie, ne le tue pas. Tu ne feras qu'aggraver les choses si tu fais ça, chuchota-t-elle.

Son époux se tourna vers Anna. Il la dévisagea froidement en lui répondant d'un ton menaçant.

– Au contraire, je vais rendre les choses beaucoup plus simples. C'est à cause de ce flic si on en est arrivé là. Sans lui, rien de tout ça se serait produit, mais il ne sera plus un problème désormais.

Au même instant, une plainte s'échappa de la bouche de Taylor qui immergeait doucement. Franck dirigea une nouvelle fois l'arme dans sa direction afin de l'achever. Dans un élan de courage, Anna se jeta sur l'objet qu'elle saisit à deux mains. L'homme lui ordonna de le lâcher alors qu'elle s'accrochait au calibre. Sans trop savoir comment, la jeune femme réussit à lui arracher l'arme quand il la repoussa brusquement.

D'un geste tremblant, Anna fit face à son mari et le mit en joue. Franck se raidit en voyant le canon narguer dangereusement son buste. Cela se compliquait pour lui, il en avait bien conscience. Taylor se réveillait et Anna le visait avec une arme à feu, autant dire que son plan virait à l'échec. Jamais Franck n'aurait imaginé une telle réaction venant de sa femme.

– Je n'en ai pas fini avec toi, Anna. On se reverra ! déclara-t-il sèchement avant de prendre la fuite.

L'homme se résigna et laissa tomber l'affaire. Il n'avait, de toute façon, pas d'autre choix. Dès la seconde où l'agresseur disparut, Anna se précipita vers Taylor qui se mit difficilement en position assise. Elle lui offrit son aide et s'assura qu'il allait bien.

– Maman ! appela une voix enfantine.

– Ce n'est rien mon ange, tout va bien, la rassura sa mère en se retournant dans sa direction.

La petite fille se tenait assise dans la cage d'escalier. D'un air inquiet, elle regardait les adultes à travers les barreaux.

S'emparant du désinfectant, de l'ouate ainsi que les pansements qui se trouvaient dans la pharmacie de la salle de bain, Anna se chargea de soigner l'agent dont une légère entaille marquait le front. Les émotions étaient toujours présentes, le corps entier de la jeune femme tremblait encore. Elle eut d'ailleurs des difficultés à mettre le pansement à son compagnon qui finissait par s'impatienter.

– Laisse, je vais le faire, lança-t-il en lui prenant le collant.

Le policier se regarda dans le miroir afin de placer le pansement au bon endroit. C'est ainsi qu'il remarqua le reflet apeuré d'Anna. L'angoisse se lisait dans ses yeux tandis que sa main se posait nerveusement sur sa gorge. Une marque violacée s'y était logée. Une blessure garnissait aussi son arcade gauche. Taylor se retourna vers elle et, d'un geste protecteur, il l'attira contre lui. L'homme serra Anna dans ses bras lui permettant d'apaiser les secousses de son corps.

– Tu avais dit qu'il resterait en prison quelques jours, lâcha-t-elle dans un sanglot.

– Je sais, soupira Taylor. C'est ce que je pensais, mais il a été relâché cet après-midi.

La jeune femme renifla doucement, le nez scotché à l'épaule du policier. Une larme glissa pour venir s'écraser sur son tee-shirt. Taylor s'écarta légèrement de sa petite amie afin de lui prendre le visage entre ses mains. Son regard se plongea alors dans celui d'Anna.

– Il va payer pour ce qu'il a fait. Je te promets que je vais l'arrêter, par n'importe quel moyen, je l'arrêterais ! déclara-t-il d'un ton assuré.

Anna acquiesça d'un signe de tête avant de la poser à nouveau sur l'épaule de son amant. Même si l'anxiété se ressentait dans tout son être, elle fut rassurée par les paroles de Taylor.

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