Partie six ~ L'assistante sociale

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Dès le réveil, Anna sentit une sensation agréable. Celle d'une bonne nuit de sommeil, elle avait dormi comme un bébé. La jeune femme ne se rappelait pas de la dernière fois où elle avait aussi bien dormi.

Tandis qu'elle descendit pour rejoindre la cuisine, Anna entendit la voix de sa fille ainsi que celle de Taylor. Quand elle entra, la jeune maman s'immobilisa. Suzy était assise à la table, dévorant des pancakes que Taylor avait préparés.

– Oh, bonjour. Vous avez bien dormi ? fit-il en se retournant sur Anna.

Cette dernière acquiesça alors qu'elle était toujours figée à l'entrée.

– Tu as vu maman, ce que Taylor nous a cuisiné ! s'exclama la petite fille, la bouche pleine.

Anna regarda Suzy qui arborait une mine enjouée. Les joues remplies de nourritures, son sourire s'agrandissait jusqu'aux oreilles. Sa maman, par contre, semblait embarrassée.

– Vous... vous n'étiez pas obligé, balbutia-t-elle.

– Ce n'est rien du tout. Avant, j'en faisais tous les matins pour mon ex-compagne, répondit-il en souriant.

L'homme l'invita à s'asseoir. Il lui servit deux pancakes auxquels elles ne se fit pas prier pour les manger.

Après un petit déjeuner appétissant, Anna et Suzy s'empressèrent de s'habiller. L'agent commençait son service dans quelques minutes et ne pouvait pas se permettre d'arriver en retard. Toute excitée à l'idée de voyager dans une voiture de police, la fillette s'attarda à enfiler ses vêtements, sa mère dût intervenir pour accélérer le mouvement.

Les jeunes gens quittèrent l'habitation pour rejoindre la voiture garée sur le trottoir. Suzy s'engouffra à l'arrière tandis qu'Anna s'installait à l'avant. Le trajet fut silencieux, de temps à autre, la jeune femme jeta un coup d'oeil vers Taylor. Il était si charmant dans son uniforme, avec ses cheveux noirs reflétant au soleil. La brillance des rayons lui donnait l'image du Dieu tout puissant. Anna tourna furtivement la tête, chassant cette pensée ridicule. Malgré tout, le policier put sentir le regard de sa passagère poser sur lui, mais resta néanmoins concentré sur la route.

Le grand commissariat apparut soudain dans leur champs de vision, Anna l'observa alors qu'ils ralentissaient dans la circulation new-yorkaise. Ce bâtiment imposant, récemment rénové, arborait une belle façade aux couleurs gris clair. Le véhicule vira à gauche, entrant dans le large parking attenant au poste de police. Ils pénétrèrent dans l'enceinte du bâtiment dans lequel Taylor se dirigea vers l'accueil. Derrière celui-ci, se trouvait une pièce dans laquelle une femme s'occupait du travail administratif. Plongée dans ses papiers, elle leva légèrement le nez quand l'agent frappa à la porte entre ouverte.

– Sylvie, puis-je te laisser cette petite fille le temps que sa mère s'entretienne avec l'assistante sociale ?

À travers ses petites lunettes, la femme détailla Suzy, ensuite Anna. Ses cheveux blonds coupés au carré lui donnait un air sévère, mais la dame finit par sourire en hochant la tête. Taylor la remercia puis emmena la jeune femme dans le bureau de l'assistante sociale. Quelques regards la dévisagèrent de haut en bas pendant qu'ils traversaient le hall principal du service de police. Anna parut subitement mal à l'aise, voulant à tout prix fuir ces paires d'yeux qui la fixaient. Arrivés dans le bureau, Taylor présenta les deux femmes et s'éclipsa à la hâte pour rejoindre son équipe qui visiblement, partaient en patrouille.

Assise à son bureau, l'assistante scrutait Anna. Une mèche de ses cheveux bruns ondulés lui retombait sur le visage. Anna s'avança et s'assit sur la chaise libre. Préparant son bic ainsi que son carnet de note, la femme entama la conversation.

– Madame Heggins, Anna c'est bien ça, je m'appelle Magalie Thompson, je suis l'assistante sociale du service d'aide aux victimes. L'agent Calder m'a informé de la situation dans laquelle vous vivez. Vous subissez des violences de la part de votre mari, c'est exact ?

La jeune femme acquiesça. L'assistante enchaina.

– Dernièrement, vous avez fait appel à la police car votre mari était violent envers vous et votre fille.

À nouveau, Anna hocha la tête. Un frisson lui parcourut tout le corps en repensant à ce jour terrible.

– D'accord. Je vais dans un premier temps, vous demandez de me parler de votre mari, de votre vie menée avec lui.

La jeune femme joua nerveusement avec ses doigts. Cette dernière avait beaucoup de mal à devoir se remémorer ce passé qu'elle aimerait tant oublier, même si Magalie lui précisait qu'elle pouvait prendre le temps qu'il lui faudrait.

– Je venais d'être diplômée à l'université, expliqua Anna. Pour fêter ça, j'étais allée dans un bar du coin avec des amies, c'est là que j'ai rencontré Franck. Il était si flatteur, plein d'humour, c'est la première chose que j'ai aimée chez lui. Ensuite, tout est allé très vite, j'ai emménagé chez Franck trois mois plus tard, puis on s'est marié. Un an après le mariage, son comportement a commencé à changer.

Pendant son récit, Magalie nota les informations que lui donnait Anna.

– Un jour, nous nous sommes disputés et Franck a eu une réaction qui m'a surprise sur le moment. Il m'a bousculé violemment et n'a cessé de m'insulter. Je pensais qu'il était énervé et qu'il se calmerait.

– Mais il a recommencé, répliqua l'assistante.

Magalie dévisagea Anna qui la regardait elle aussi. Cette femme semblait aussi jeune qu'elle, la trentaine tout au plus. Anna déglutit avant de poursuivre.

– Il me giflait, m'humiliait et me considérait comme une moins que rien. Cela s'est empiré après la naissance de Suzy. Franck a commencé à boire, il rentrait ivre presque tous les jours et hurlait en me donnant des coups de poing.

L'assistante s'arrêta de prendre note, fronçant les sourcils. Elle releva la tête vers la jeune femme.

– Aviez-vous déjà prévenu la police avant le récent appel ? interrogea-t-elle.

– Je voulais les appeler, mais j'étais tellement paniquée que je n'y arrivais pas. Vous comprenez, j'avais peur qu'il fasse du mal à ma petite fille, j'ai préféré garder le silence.

Une larme roula sur sa joue. Anna renifla en baissant les yeux.

– Je comprends, Anna. C'est normal que vous ayez peur, la rassura Magalie. Mais je peux vous assurez que plus jamais, il ne vous touchera. Mes collègues et moi, allons faire en sorte que vous n'ayez plus jamais à subir les violences de votre mari.

La jeune maman acquiesça tout en gardant le regard baissé au sol.

– Quel âge a votre fille ? demanda l'assistante.

– Six ans !

– Si vous êtes d'accord, j'aimerais l'interroger la prochaine fois, proposa-t-elle doucement.

Anna accepta, se disant que ça pourrait être une bonne idée pour Suzy d'évacuer tout ce qu'elle gardait à l'intérieur. Mère et fille n'avaient jamais pris le temps de se confier l'une à l'autre à propos de ce qu'elles vivaient toutes les deux, c'était l'occasion pour elle de parler de son mal être. Magalie tendit à Anna la carte d'un médecin.

– Vous devriez aller faire un examen médical, conseilla-t-elle. Cela nous permettra d'avoir des preuves montrant les actes de violence. Ne vous inquiétez pas, le docteur Shumman est un excellent médecin, je le recommande à toutes les femmes qui viennent me consulter.

La mine apeurée qu'arborait la jeune femme se dissipa quelque peu face au ton de voix rassurant qu'employait Magalie. Les seules fois où Anna allait chez le médecin étaient pour sa fille malade, elle n'y allait bien évidemment pas pour les nombreux coups qu'elle recevait. Cependant, si elle voulait sortir de cet enfer, Anna devait absolument dévoiler ce que Franck lui faisait subir.

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