Partie trois ~ L'auberge

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Une fois installées, Anna commença à tourner en rond dans la petite chambre pendant que Suzy, elle, jouait avec sa peluche qu'elle ne lâchait pas une seconde. La jeune maman était totalement désorientée, ne sachant vraisemblablement pas la suite des évènements. Elle avait pensé à changer son nom lors de l'inscription à la réception, ainsi personne ne se douterait de leur présence.

Mais il fallait se rendre à l'évidence, Anna et sa fille ne pourraient rester cachées éternellement dans cette auberge. Et bientôt, la jeune femme devra trouver une solution. Cependant, aucune n'était envisageable pour le moment. Anna ne possédait pas assez d'argent pour un autre logement et il était exclu qu'elle parle de son calvaire à qui que ce soit. Elle avait trop peur de ce que son mari pourrait faire si cela s'ébruitait.

Anna était donc coincée. Elle ne pouvait fuir comme elle l'aurait voulu et se laissa penser que cette idée était stupide finalement. Que jamais elle n'arriverait à s'éloigner de son bourreau. La jeune femme avait pris la décision de partir sans réfléchir aux conséquences qu'apporterait son départ précipité.

Se sentant soudainement coupable de son geste, Anna se ravisa. Elle et sa fille resteraient quelques jours à l'auberge, le temps que Franck soit calmé. Ensuite, elles retourneraient à la maison. De toute façon, elle ne savait rien faire d'autre. Ses ressources étaient presque à sec et personne ne lui viendrait en aide. Personne ne comprendrait l'enfer qu'elle vit au quotidien et ne ferait que porter jugement aux choix de la jeune maman.

Anna passa la journée à regarder le petit écran de la chambre où les chaines défilèrent sans cesse. Le soir, alors que Suzy dormait à ses côtés, Anna reçu un message sur son téléphone portable. Cela venait de son mari.

" Excuse-moi mon amour, j'ai réagi comme un con. Je n'aurais pas dû me mettre en colère, je suis désolé. S'il te plait reviens à la maison, je ne suis rien sans toi et Suzy. J'ai besoin de vous. Reviens."

La jeune femme relut plusieurs fois le message, étonnée des mots qu'il contenait. Elle s'attendait à une autre réaction de sa part après ce qu'elle avait fait. Elle y répondit sans plus attendre.

" Tu étais soûl , et tu t'en es pris à Suzy ! Si tu veux que l'on revienne, tu va devoir te calmer et arrêter la boisson."

" Oui, tu as raison, je n'aurais pas dû frapper notre petite fille, je ne voulais pas faire ça. Mais tu m'as poussé à agir ainsi. Pourquoi tu m'as repoussé ? Tu ne m'aimes plus c'est ça, tu ne veux plus de moi ? "

Les larmes montèrent aux yeux d'Anna qui se culpabilisait. Elle l'avait blessé, et cela la peinait. Franck avait raison, tout ce qui arrivait était de sa faute, si elle n'avait pas refusé les désirs de son mari ce jour-là, jamais il n'aurait frappé leur fille. Un nouveau message apparut.

" Je te promets que ça ne se reproduira plus. Si tu reviens, je ne boirai plus une goutte d'alcool ! "

" Nous reviendrons dans quelques jours, quand tu seras calmé."

Le visage humide, Anna posa son portable sur la table de chevet avant de s'endormir en sanglotant.

Le lendemain s'annonça sans encombre. Après un petit déjeuner pris dans le restaurant de l'auberge, Anna et Suzy s'offrirent une balade au parc. La petite fille en profita pleinement, gambadant et riant à coeur joie. Elle admirait les cygnes dans l'étang et leur lançait des morceaux de pain que sa maman avait apporté.

Anna, elle, était assise sur un banc et observait sa fille d'un air attentif. Tout à coup, elle sentit son portable vibrer dans la poche de son manteau, qu'elle avait boutonné jusqu'aux cuisses. Elle en reconnut le destinateur.

" Où es-tu ? Je viens te chercher. Tu dois rentrer ! "

Anna rangea le cellulaire dans sa poche sans prêter attention aux protestations de Franck. Elle voulait profiter des quelques jours qu'elle avait avec sa fille, avant de rentrer. À nouveau, le téléphone vibra mais la jeune femme ne s'en soucia pas.

Durant l'après-midi, Anna et Suzy allèrent en ville pour y faire des achats. Rare étaient les moments où mère et fille se retrouvaient et pourtant, jamais elles n'avaient paru aussi heureuses. Hélas, il se faisait tard et il était temps de retourner à l'auberge. Une fois sortie des toilettes du rez de chaussée, que Suzy avait accaparé à cause d'une envie pressante, elle s'apprêtait à remonter dans la chambre avec sa mère.

Soudain, un homme se présenta à l'accueil. Cet homme, Anna le reconnut tout de suite, avec son uniforme de la police. Il tourna la tête vers elle et la fixa pendant un instant.

– Comment m'avez-vous trouvé ? interrogea la jeune femme d'une moue étonnée.

– Je suis flic, c'est mon boulot de trouver les gens, répondit l'agent.

Le policier lui emboita le pas pour atteindre l'étage. Arrivés à la chambre, Anna déposa les deux ou trois achats qu'elle avait effectué, sur le lit. Elle disparut ensuite dans la salle de bain. L'agent s'assit à la petite table où se trouvait la télécommande ainsi qu'un folder de l'auberge. Il remarqua alors l'écran d'un téléphone s'allumer. Le jeune homme s'approcha du lit pour s'emparer du portable. C'est là qu'il découvrit cinq nouveaux messages du mari d'Anna, visiblement, ce dernier n'était pas ravi de la fugue de son épouse.

– Lui, c'est Nounou, c'est mon ours en peluche ! s'exclama Suzy en agitant la peluche sous le nez du policier.

– Et bien Nounou, ravi de faire ta connaissance, répondit-il en serrant la patte de l'ours.

Derrière eux, des pas raisonnèrent suivi de la voix d'Anna.

– Suzy, si tu allais te débarbouiller et te mettre en pyjama, suggéra-t-elle.

La petite fille acquiesça et fila dans la salle de bain. La jeune femme pouvait maintenant s'entretenir avec le policier loin des oreilles curieuses de sa fille.

– Vous avez une merveilleuse petite fille, commenta l'homme, arrachant un petit sourire à la maman.

Cepandant, l'agent ne manqua pas de l'interroger au sujet de Franck, ce qui la rendit beaucoup moins souriante.

– Votre mari vous a contacté, dit-il, lui montrant le téléphone.

La jeune femme ne pouvait le nier. Il avait dû voir qu'elle recevait des messages de Franck.

– Il voulait prendre des nouvelles de Suzy, répliqua-t-elle timidement.

– S'il vous plait, arrêtez de le défendre et dites-moi la vérité, rétorqua l'homme.

– C'est la vérité !

Mais le policier n'était pas dupe et voyait bien, par son attitude, qu'Anna mentait. Les yeux baissés au sol, elle se pinçait les lèvres tout en évitant son regard. L'agent soupira puis, s'approcha de la jeune maman en la toisant de ses yeux perçants.

– Madame Heggins, je sais que vous avez peur, et qu'en vous taisant, vous pensez protéger votre fille. Mais je peux vous assurer que ce n'est pas la solution, vous pouvez obtenir de l'aide, vous n'êtes pas seule.

Absente de toute réaction, le policier décida de lui laisser sa carte au cas où elle changerait d'avis. Ne s'attardant pas plus longtemps, l'homme s'éclipsa de la pièce avec l'espoir que la jeune femme écoute son conseil.

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