Partie deux ~ Choisir de fuir

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Assise dans le sofa, Anna serrait sa fille qui s'était blottie dans ses bras. Deux agents se tenaient face à elle, la regardant sans un mot. Seuls les sanglots de Suzy leur parvenaient aux oreilles.

L'un des policiers, une femme à la peau foncée, prit la parole.

– Madame Heggins, est-ce la première fois que votre mari agit de cette façon ?

La jeune femme tressaillit. Cette dernière baissa les yeux, se contentant de secouer légèrement la tête. Les deux agents échangèrent un regard.

– Depuis combien de temps subissez-vous des violences de sa part ? interrogea la policière.

Anna fuyait le regard observateur des agents qui ne cessaient de lui poser des questions. Elle se sentait très mal à l'aise et la peur commençait à s'emparer de son corps.

– Il... il était ivre, répondit-elle, la voix tremblante.

– Madame, si vous prenez sa défense, nous ne pourrons rien faire, intervint le deuxième policier en la fixant de ses yeux perçant.

La victime ne fit part d'aucune réaction face à leur insistance. Elle devait se taire, pour protéger sa fille, elle devait se taire. Son mari risquerait de la battre à mort si elle parlait. Et Dieu sait qu'il le ferait.

Déjà, Anna regrettait d'avoir appelé la police, mais cela était nécessaire pour stopper sa violence contre sa fille. Elle voulait l'éloigner, que les forces de l'ordre l'emmène loin d'elles.

La policière lâcha un soupir las. Se préparant à quitter les lieux, elle se leva en déclarant d'un ton sec.

– Très bien. Si vous ne voulez rien nous dire, c'est votre choix. Nous ne pouvons pas vous y obliger. Nous allons interroger votre mari et le placer en garde à vue pour la nuit, mais vous devez savoir que nous ne pourrons pas garantir votre protection si vous ne nous donnez aucune information.

La jeune femme cligna des yeux comme pour approuver les propos de la policière. Machinalement, elle raccompagna les agents jusqu'à la sortie avec sa petite fille toujours dans ses bras. Avant de quitter l'endroit, le policier en bel uniforme se retourna sur Anna qui était postée à l'entrée.

– Madame Heggins, si vous pensez protéger votre fille en gardant le silence, sachez que vous vous plantez complétement ! dit-il sur un ton neutre.

Les jeunes gens se toisèrent quelques secondes, ce qui déstabilisa Anna un instant. Heureusement, l'homme fut appelé par sa coéquipière, l'obligant à mettre fin à la discussion et déserter le quartier.

Soulagée de les voir partir, Anna entreprit de mettre Suzy au lit après lui avoir soigneusement étalé de la pommade sur le visage. La fillette s'endormit rapidement, ce qui n'était pas le cas de sa mère. Cette dernière n'arrivait pas à trouver le sommeil, trop plongée dans ses réflexions. Elle repensait à ce policier et ce qu'il lui avait dit avant de s'en aller.

Ses paroles préoccupait la jeune femme, qui pour la première fois, se demandait si elle faisait le bon choix. Pour elle, ce choix s'imposait si elle voulait garder la vie sauve ainsi que celle de sa fille, mais c'était avant que son mari ne lève la main sur sa petite Suzy. À présent, Anna ne savait plus vraiment quel était la meilleure décision.

Elle se dirigea alors vers la chambre de sa fille, où elle resta de longues minutes à la regarder dormir. Celle-ci semblait si paisible que rien ne pouvait venir la perturber. Son petit ange, son bébé, qui depuis sa naissance devait assister à la folie meurtrière de son père. Les images lui revinrent aussitôt en tête, la renvoyant à l'horrible geste qu'avait commis Franck quelques heures plus tôt.

Soudain, Anna eu une révélation. Elle comprit que si elle et Suzy restaient une journée de plus en compagnie de Franck, elles n'y survivraient pas. Sauf si par miracle, il demeurait quelques temps au commissariat, mais il y avait peu d'espoir. Franck était le roi des menteurs et possédait une imagination débordante pour éviter d'être soupçonner.

La jeune maman alluma l'ordinateur du bureau de sa chambre. Les yeux rivés sur l'écran, elle parcourut les pages web lui donnant la liste d'hôtels situés à quelques kilomètres de la maison. Ayant un budget assez limité, Anna n'avait pas la possibilité de s'offrir le luxe. Elle opta donc pour une petite auberge se trouvant à une distance raisonnable de leur habitation. Griffonnant sur un bout de papier, Anna y nota le nom et l'adresse de l'auberge.

Ignorant la fatigue apparante, la jeune femme se mit à vider sa garde robe. Attrapant plusieurs pulls, jeans et sous vêtements, elle les rassembla dans une valise. Visiblement bien décidée à fuir cette vie, elle ne pouvait néanmoins s'empêcher de ressentir une certaine tristesse en voyant les habits de son mari pendus aux ceintres. Ces dernières années, Anna avait réussi à les partager avec un homme violent qu'elle aimait malgré tout. Et pour la première fois, elle se sentait libre, libre de s'enfuir avec courage. Libre de n'être plus prisonnière de son bourreau !

Les sanglots envahirent son corps, son âme, abimés par les coups engendrés, camouflés par de fausses joies. En boule sur le lit, Anna évacua toute la peine qu'elle retenait en elle depuis bien trop lontemps. Elle pleurait et pleurait sans pouvoir s'arrêter, jusqu'à s'endormir d'épuisement.

Le lendemain, la jeune femme arborait une mine encore plus fatiguée que la veille. Les cheveux en bataille, elle se rendit dans la cuisine lorsque son téléphone retentit. Anna s'empara rapidement du portable pour décrocher.

– Allô ! fit-elle d'une petite voix.

Au bout du fil, l'interlocuteur se présenta. C'était le commissariat qui la contactait au sujet de Franck. Au fur et à mesure que la personne parlait, le visage d'Anna se décomposa dans une expression de frayeur. Apparemment, son mari serait libéré dans la matinée comme elle l'avait prédit.

Anna raccrocha précipitamment puis se dirigea dans sa chambre où elle boucla sa valise qu'elle avait laissé en plein milieu de la pièce. Ensuite, elle alla dans la chambre de sa fille pour y prendre quelques affaires, la petite fille dormait encore à point fermé. La jeune maman la réveilla doucement pour la prendre dans ses bras. Anna attrapa la valise, le sac de Suzy et l'adresse de l'auberge puis descendit.

Mère et fille quittèrent la maison en taxi qu'Anna avait pris soin d'appeler entre temps. Elles arrivèrent devant la petite auberge presque vingt minutes plus tard. Semblable à la photo, le blanc terne recouvrait la totalité des murs. L'intérieur n'était pas aussi grandiose qu'un hôtel, manquant cruellement de décorations. C'est sûr, le logement n'avait pas le mérite d'un trois étoiles, mais pour quelques jours, cela ferait l'affaire.

L'aubergiste, un peu bouffue aborda les arrivantes. Elle les salua poliment et les inscrivit dans son registre. Après dix minutes, Anna et Suzy se trouvaient dans leur chambre.


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