Chapitre 69

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 L'eau chaude me détendait, même si le temps que m'octroyait la gardienne n'était que de dix minutes. Je me dépêchais donc de laver mon corps et mes cheveux. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait, ici, des douches collectives, car j'y étais systématiquement seule. J'avais espéré, les premiers jours, que parfois, mes amies auraient l'autorisation de venir en même temps. Mais force était de constater que plus les jours passaient plus mes espoirs s'amenuisaient.

- Madame Boudière, le temps est passé.

- Je rince mes cheveux et je sors.

- Je coupe l'eau dans trente secondes, dépêchez-vous.

- C'est bon, dis-je en sortant trempée.

J'avais systématiquement une serviette trop petite, qui ne me permettait jamais de m'essuyer correctement. Mes vêtements me collaient et étaient compliqués à enfiler. Pourtant, ce n'était qu'une grande combinaison violette, avec une fermeture sur toute sa hauteur.

En rentrant dans ma cellule, le lit d'Edmara était vide.

- Où est ma fille ? demandai-je.

- Elle a été emmenée pour son bain.

- Mais d'habitude, je m'en charge toujours. Dites-moi où est ma fille, répétai-je inquiète. Que lui faites-vous ?

- Calmez-vous Madame Boudière.

- Je suis très calme. Répondez juste à ma question.

Mais c'était un mensonge qui ne laissait personne dupe.

- Je viens rechercher votre plateau dans trente minutes.

- Je n'ai pas faim, vous pouvez le reprendre tout de suite.

- Je repasse dans trente minutes, d'ici là vous aurez peut-être changé d'avis, dit la gardienne en sortant de ma cellule.

J'avais envie de prendre le plateau et de le balancer sur le mur. Mais Tommy, il y a quelques jours, en avait fait de même et avait été roué de coups. La violence, je le savais, ne risquait pas de m'aider à retrouver Edmara, bien au contraire.

Au bout de trente minutes, quand la gardienne venue le chercher, le plateau était encore intact.

- Vous avez des nouvelles de ma fille, demandai-je sans trop d'espoir.

- Non Madame.

- Pouvez-vous aller vous renseigner ?

- Je n'en ai pas l'autorisation.

Si tu savais où j'ai envie de te foutre ton autorisation !

Mon dieu que j'avais envie de lui sauter à la gorge.

Elle continua sa tournée, récupérant un à un les repas de chaque cellule. Tommy à son tour lui parla, mais rapidement s'énerva et, de nouveau, prit un coup de matraque, quand il voulut en venir aux mains. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi il s'entêtait à les agresser alors que, systématiquement, il finissait avec un bleu.

Deux heures après, Edmara m'était rendue, elle hurlait et réclamait à manger.

- Il faut la nourrir, dit la femme d'un ton autoritaire.

- Qu'a-t-elle sur la main ?

- On lui a fait une prise de sang. Elle a eu aussi son premier vaccin obligatoire, en vue de son placement.

- Mais vous voyez bien qu'elle a encore besoin de moi, pour se nourrir.

- Oui, dit-elle énervée, mais elle finira bien par s'alimenter normalement.

Normalement, normalement…, mais ce sont vos biberons qui ne sont pas normaux !

Petit à petit, je comprenais la rage de Tommy, même si, pour l'instant, j'arrivais à la contenir. Il le fallait pour Edmara, pour la garder le plus longtemps auprès de moi. Elle était mon ancrage dans la vie. Pour elle, je ne pouvais pas m'arrêter et abandonner la vie ou même l'espoir. Chaque jour qui passait m'en donnait un peu plus. Je ressentais au plus profond de moi l'envie de demander de l'aide, mais à qui ?

Laissez-moi ma fille, protégez-nous, j'ai besoin de vous, J'ai besoin d'elle.

Je ne savais pas vraiment à qui je m'adressais, mais il ne me restait plus que cette complainte, pour m'aider à tenir.

Le pansement sur la toute petite main d'Edmara semblait démesuré. Elle avait dû hurler et je n'avais pas pu la rassurer. Comment pourrais-je vivre sans elle ? M'angoissant continuellement de souffrances imaginaires. Peut-être retournerait-elle dans une communauté avec une Maman qui s'occuperait bien d'elle, mais qui jamais ne l'aimerait comme moi ou Tommy.

Endormie, je pouvais lire maintenant son rêve sur son visage. Parfois souriant, parfois triste, une petite moue qui voulait m'amadouer. J'aurais dû la remettre dans son lit, mais j'avais envie de la garder encore un peu avec moi, comme pour m'emplir d'elle et me soûler de son âme.

En pleine nuit, je me réveillais en sursaut, après avoir fait de nouveau un cauchemar. Mais je vis une silhouette, traversée rapidement et s'évaporer. Était-ce un gardien, ou mon esprit encore embrumé qui me faisait une farce ?

Pas moyen de me rendormir. Le silence me pesait de plus en plus. Seule la respiration de ma fille rythmait la nuit qui semblait bloquée dans le temps. Je tentais désespérément d'échafauder des plans d'évasion, mais il fallait se rendre à l'évidence. Même si un prodige me permettait de m'échapper, je n'aurais nul par où aller et nous risquerions de mourir de faim.

Aidez-moi, je ne peux y arriver seule. Il faut sauver Edmara, c'est un être qui ne connaît pas la haine, qui n'en a que faire des guerres. Elle n'a besoin que d'amour.

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