Chapitre 70

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Ce matin dans ma cellule, j'essayais désespérément de me rappeler le jour que nous étions. Un à un, je les comptais, tentant de m'en rappeler leur déroulement. Mais parfois tout se mélangeait dans ma tête.

Tommy, comme souvent, profitait du calme du matin pour communiquer avec moi par gestes. Je le rassurais sur sa fille, lui montrant parfois sa frimousse depuis ma cellule. Mais aujourd'hui elle dormait encore.

- Quel jour sommes-nous, lui mimais-je en montrant mon poignet.

- Huit heures.

- Mais non pas l'heure, le jour. Comme les sept jours de la semaine. Un, deux, trois, quatre... Sept. Tu comprends ?

- Vendredi, le cinquième jour de la semaine, mima-t-il à son tour.

- Oui, c'est ça. Donc nous devons être le 22 mars.

- Oui, exactement, confirma-t-il.

C'est le jour du printemps. Le monde va renaitre sans nous !

- Tu me manques, pus-je lire sur ses lèvres, alors qu'il mettait ses bras autour de ses épaules.

- Ah moi aussi.

Ce n'était pas grand-chose mais ces petits échanges étaient importants. Et me replacer dans le temps aussi.

- Ah, bonjour ma chérie. Tu viens voir papa. Je crois que tu lui manques, dis-je en prenant dans mes bras, ma fille qui venait de se réveiller.

Elle m'avait accueilli avec le plus beau des sourires. En grandissant, elle communiquait de plus en plus avec moi. Parfois, nous passions de longs moments à discuter. Je lui racontais, tout ce qui me passait par la tête et elle me répondait par de petits babillages adorables. C'était étonnant, comme parfois, on aurait pu croire qu'elle comprenait tout ce que je pouvais lui dire.

- Coucou papa. Regarde c'est ta fille.

- Papa t'embrasse ma chérie. Tu es dans mon cœur.

- Je dois lui donner à manger.

- Je comprends, je vous embrasse.

Il y avait dorénavant un fauteuil dans ma cellule et c'était un vrai plus. Car sur la paillasse qui me servait de lit, donner le sein à Edmara était une torture. Je le devais à Andréa qui l'avait négocié pour moi.

Mais alors qu'Edmara pressait le sein, avec ses petites mains, je me rendais compte qu'Andréa n'était pas venue hier et c'était une première depuis mon arrivée. Et si ce responsable lui avait interdit de venir me voir, ou pire, si Madame Arca avait œuvré pour sa disparition. Elle en avait si peur. Elle avait pris des risques en venant me voir chaque jour, mais peut-être que tout ceci lui avait été fatal. Je détestais retourner dans ce monde d'ignorance angoissant.

- Il est l'heure du bain du bébé, dit une femme.

Le bébé a un nom. Elle s'appelle Edmara !

- Oui, elle a bientôt fini de boire.

- Ça irait plus vite avec un biberon, dit-elle désagréable.

Ton biberon, tu peux le mettre où je pense !

J'avais conscience qu'Edmara m'octroyait certains privilèges, dont celui d'une promenade quotidienne dans la prison, pour me rendre au seul endroit ou un lavabo assez grand me permettait de lui faire faire trempette.

À part Andréa, l'ensemble du personnel était revêche et désagréable, faisant continuellement des remarques sur ma relation si particulière avec mon enfant.

- C'est malsain d'autant vous attacher à cette enfant, dit la femme qui surveillait le bain.

- Je ne vous permets pas de juger ma relation avec ma fille.

- Vous ne le faites que pour vous protéger, mais comment va-t-elle se remettre de votre séparation.

- Et bien, ne nous séparez pas.

- L'espoir fait vivre, dit-elle d'un risque sarcastique et méchant.

- Si seulement vous saviez...

- Mais je n'ai pas à savoir.

- Vous n'êtes pas curieuse ?

- Je suis heureuse comme ça et en savoir plus pourrait déstabiliser mon bonheur.

Tu ne sais pas ce qu'est le bonheur, pauvre folle !

Pour une fois, j'étais contente de retourner à ma cellule, tant cette femme m'était antipathique. Comme Edmara s'était endormie, avant même mon retour, je la déposais dans son lit. Mais j'y trouvais un petit mot signé d'Andréa.

« Tout va bien, mais je ne peux plus venir. J'espère t'expliquer ça bientôt. Andréa »

J'étais rassurée, pour Andréa. Rien de grave ne lui était arrivé. Mais nos petites confidences allaient me manquer, au milieu de ce monde de brute. Heureusement, j'avais obtenu l'autorisation de lire des livres. Ils étaient bien sûr politiquement corrects et tout droit venus des communautés. Comme-ci nous ignorions l'existence de l'autre sexe. C'était ridicule, mais au moins cela passait le temps. Pourtant, je ne les avais jamais trouvés passionnants et pour cause. Ils ne parlaient pas de relations amoureuses, pas non plus de faits historiques, encore moins de sexe, et même la violence y était interdite. Ils se résumaient donc souvent à une succession de journées ennuyeuses.

J'ouvrais donc un ouvrage qui décrivait la vie d'une jeune fille dans un centre de la maternité et de son plaisir de faire ce sacrifice pour la société.

Au bout dix pages j'eus très envie de prendre le livre et de lui faire traverser la pièce de part en part.

Mon journal de vie me manquait.

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