Dimanche 30 juillet

Aujourd'hui, nous avons mangé les premières tomates. Elles sont un peu tardives, car nous ne les avons repiquées qu'à notre arrivée à Liberta. Elles sont les meilleures que j'ai mangées, depuis bien longtemps. Les pommes de terre sont en fleurs et pourront bientôt être arrachées. Nous le ferons au fur et à mesure pour en garder pour cet hiver. Octavio a fabriqué un silo à proximité d'Alana, notre foyer à tous. Ce trou, creusé simplement dans le sol et tapissé de pierres, nous permettra de conserver les légumes racines pendant l'hiver.

Mais notre plus grande avancée, ce sont les chevaux que nous avons réussi à capturer. Nous avons dû utiliser des fléchettes anesthésiantes, qu'Edwina a récupérées à son travail. Et surtout les apprivoiser à leur réveil, ce qui a été compliqué. Mais maintenant un étalon et deux juments gambadent dans un nouvel enclos.

Ce week-end, nous avons fini le four à bois qui se trouve au cœur du village, juste à côté du silo. Il nous faudra attendre le week-end prochain, pour l'inaugurer. Et l'anniversaire de Charlotte sera l'occasion parfaite. Nous nous sommes tous regroupés pour lui acheter sa chienne. Un border-collie de trois mois. Son compagnon arrivera la semaine d'après. Nous avons décidé de prendre un mâle de la même race, car elle est moins sujette au problème de santé.

Les lapins se reproduisent presque trop vite et il nous faut les séparer, pour maîtriser leur multiplication. Mais c'est plutôt une bonne chose pour l'avenir. Les premiers poussins ont bien grandi, mais il est encore difficile de savoir ceux qui sont des mâles de ceux qui sont des femelles.

C'est un plaisir de voir notre monde se construire aussi vite, mais...

J'ai de plus en plus le blues. Ce soir, comme tous les dimanches, nous ne sommes plus que deux. J'aime être avec Tommy, mais le silence, les discussions animées, les travaux qui avancent cinq fois plus vite, me manquent. Il me faudra attendre mardi pour les voir de retour. Surtout que depuis que Charlotte s'est perdue dans la forêt, nous sommes de nouveau proches. Plus aucune tension dans le groupe. Plus de jalousie.

Vivement leur retour.

Tommy doit commencer notre petit nid douillet demain. Il m'a montré les plans. Une pièce assez grande pour un lit, un rocking-chair, un petit bureau, un meuble pour ranger nos vêtements. Il sera ajouté une cheminée qui nous tiendra chaud pendant les longues soirées d'hiver. Sur la façade de ce point chaud sera installée une autre chambre pour le bébé. Elle sera un peu plus petite, mais bien chauffé et douillette. Les toilettes seront installées juste à l'extérieur. En réfléchissant à l'arrivée du bébé, nous avons allongé la liste de course. Des langes, des biberons, des vêtements de bébé, une grande écharpe de portage, car une poussette ne peut être achetée que par une maman ou un papa dans nos communautés.

Samedi 5 août

Ce soir, c'était l'anniversaire de Charlotte. Elle a hurlé de joie en voyant Angel, c'est le prénom qu'elle a choisi pour sa chienne. Le plus dur a été de lui cacher pendant quatre jours. Ils ont déjà dû arriver séparément, prétextant un gros chargement. Et puis une niche au milieu d'un enclos à l'écart de Liberta a été installée le temps nécessaire. Nous nous sommes régulièrement relayés pour vérifier que tout allait bien et pour lui donner de la nourriture. Mais c'était si bon de la voir à ce point joyeuse.

Vendredi 11 août

Le compagnon d'Angel est enfin arrivé et nous l'avons appelé Démon. Ils jouent beaucoup ensemble, se roulant par terre, se mordillant les oreilles. C'est si mignon. Mais Octavio commence déjà leur apprentissage. Il dit qu'il faut débuter par des ordres simples et les habituer à la présence des chèvres, sans pour autant les mettre en danger. Je crois que lui qui était réticent à avoir des chiens, s'attache beaucoup à eux. Mais il n'oublie pas qu'Angel est la chienne de Charlotte, alors il lui montre des exercices de dressage. Et je crois que l'élève va dépasser le maître.

Samedi 12 août

La maison principale est finie et nous avons commencé la construction de celle de Fabien et Charlotte. Les travaux avancent bien et devraient être terminés plus tôt que prévu. Au conseil, nous avons pris une décision importante, mais lourde de conséquences. Le rapatriement de la cuisinière, pour Alana. Ça sera un vrai plus pour le confort, mais évidemment un voyage des plus compliqués, au vu du poids de la fonte. Mais si nous arrivons à construire une charrette, le transport devrait être possible avec les chevaux. Reste maintenant quelques heures de dressage devant nous.

- Tu écris tous les jours dit moi, m'interpella Edwina, en rentrant dans la pièce de vie d'Alana, avec deux tasses dans les mains.

- Oui, ça me fait du bien et je le fais aussi par devoir de mémoire.

- Je peux venir m'installer avec toi, j'ai préparé de la tisane.

- Oui bien sûr, ça me fera du bien, un peu de compagnie. Alors de quoi veux-tu qu'on parle.

Mais je sentis à cette proposition une certaine gêne. Il semblait qu'Edwina était venue pour une discussion plus sérieuse que de parler de la pluie et du beau temps. Même si ce genre de sujet devenait plus important depuis que nous étions ici.

- Toi, tu as quelque chose sur le cœur, repris-je.

- Oui, tu as raison. Avec Octavio on ne voulait pas que ça arrive si vite, mais on ne sait pas vraiment comment ça fonctionne.

- De quoi parles-tu Edwina.

- Et bien ça fait quatre semaines que je n'ai plus mes règles.

Pourquoi n'avais-je pas imaginé qu'Edwina pouvait aussi tomber enceinte ? Pourquoi étais-je surprise ? Pourquoi aucun mot ne sortait de ma bouche ?

- Tu comprends ce que ça veut dire ? reprit-elle.

- Oui bien sûr, mais j'ai du mal à réaliser.

- Tu n'es pas heureuse pour moi.

- Si , je suis juste surprise.

- Je sais qu'un deuxième bébé va être compliqué à gérer, nous avons déjà tellement de choses à préparer avant l'hiver. Mais nous n'avons pas fait exprès avec Octavio.

- Je sais tout ça Edwina et un autre enfant à Liberta est une bonne chose. Nous trouverons des solutions. J'espère juste que cette nouvelle ne va pas faire trop de peine à Charlotte.

- J'espère aussi.