Chapitre 10

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— J'ai un peu froid, en fait.

— Tu veux que je te donne tes vêtements, Naïa.

— Oui ça serait gentil.

— Quelqu'un a faim ? demanda Tommy.

— Maintenant que tu le dis, carrément. Je crève la dalle. Et toi Naïa ?

— Bah moi aussi, mais je n'ai pas pensé à apporter quelque chose à grignoter.

— Ne vous inquiétez pas, je vous ai demandé ça, car j'ai tout ce qu'il faut dans mon sac. Je ne blague jamais avec la bouffe.

— Oui ça, c'est sûr, Tommy est un estomac sur pattes.

— Bon, j'ai du pain, du saucisson et du fromage. Ça vous va ?

— Oui parfait.

J'avais une faim de loup et je n'avais jamais autant apprécié la charcuterie et le fromage.

— C'est quand même fou tout ça, vous ne trouvez pas ? demanda Tommy.

— Oui, c'était vraiment bon, rétorqua Octavio.

— Non, ce n'est pas de ça que je voulais parler. Tout ça avait l'air tellement naturel. J'avais l'impression qu'on était fait pour ça.

— Oui, c'est vrai, moi aussi j'avais cette impression. C'est comme si mon corps me parlait et me hurlait d'être pénétré.

— Moi ton odeur, je l'ai trouvée si...

— Excitante ? proposai-je à Octavio.

— Oui, c'est exactement la sensation que je voulais exprimer.

— Alors pourquoi on ne s'est pas rencontré avant si on est fait pour ça ? demanda Tommy qui semblait avoir le cerveau en ébullition.

— Bah, nous ne venons pas de la même communauté.

— Oui, mais pourquoi sommes-nous séparés ?

— Oui, c'est vrai, c'est étrange.

Une de mes amies, qui travaille au ministère de l'Agriculture m'a dit qu'il n'y avait que les gens qui travaillaient dans les ministères qui avaient des relations avec les autres communautés. Et que pour y travailler, il fallait avoir été élevé par une maman du ministère.

— Une Maman ? C'est quoi une Maman ? demanda Tommy.

— Et bien la personne qui t'élève jusqu'à tes vingt-et-un ans ?

— Ah bah nous, on appelle ça un Papa. On arrive dans une famille après avoir été cloné, dit Octavio.

— Oh, c'est bizarre, nous ne sommes pas clonées, nous.

— Et bien comment faites-vous pour être fabriquées ?

— Et bien dans le ventre d'une femme ? Vous n'avez pas de processus de maternité chez vous ?

— Il va falloir que tu sois plus claire.

— OK, je vais faire comme avec mes élèves, je vais vous expliquer le processus de maternité. Quand une femme a vingt-et-un ans, elle peut recevoir sa convocation pour ce processus. Après l'avoir reçue, elle doit aller dans une maison de la maternité. Là-bas, ils vont l'inséminer, c'est-à-dire qu'on va lui mettre dans le vagin un liquide séminal. Cette étape peut être répétée plusieurs fois, si nécessaire. Quand enfin la femme n'a plus ses règles, c'est qu'elle a été fécondée.

Tommy leva la main comme s'il était une de mes élèves.

— Oui Tommy ?

— C'est quoi les règles ?

— Et bien chaque chose en son temps. Je finis avec le processus de maternité et j'enchaîne avec les règles. Donc si une femme a été fécondée, c'est qu'un bébé grandit dans son ventre, pendant neuf mois. Après neuf mois, le bébé va sortir du ventre de la femme, par le vagin.

— Tu te fous de notre gueule, un bébé qui sort par un trou aussi petit, ce n'est pas possible.

— Et bien si, ça se dilate, pour laisser sortir le bébé, voilà tout.

— Mouais, je demande à voir ça, dit Tommy.

— Ça, c'est impossible, personne n'a le droit d'assister à l'accouchement, à part l'accoucheuse et la femme qui porte l'enfant. Et dès que l'enfant est sorti, il est emmené dans la maternité et on ne le revoit jamais. Il va dans une autre communauté pour être confié à une maman.

Je voyais bien qu'Octavio et Tommy étaient encore sous le choc. Tout ceci leur semblait surréaliste. Et il est vrai qu'à bien y réfléchir un bébé qui sortait d'un vagin pouvait sembler un brin étonnant.

Je réalisai que leur anatomie ne leur permettait pas de porter un enfant, ou plutôt ne leur permettait pas d'être inséminés ou d'expulser un bébé.

Leur communauté ne pouvait donc qu'être clonée.

— Bon, il est tard maintenant, il va falloir que je rentre.

— Tu seras là samedi prochain ? demanda Tommy.

— Je vais essayer de venir, mais je ne vous promets rien. Pour l'instant, je préfère ne rien dire à mes colocataires et je ne vais pas pouvoir trouver continuellement des prétextes pour passer mes samedis ici.

— OK, on sera là samedi matin et peut-être aussi samedi après-midi. On trouvera bien de quoi s'occuper, dit Octavio.

— J'ai déjà ma petite idée, dit Tommy. Mais c'est une surprise.

Je rentrai tranquillement à ma voiture, réfléchissant à cette après-midi riche en émotions et en informations. Le ciel n'avait jamais semblé aussi bleu et l'air plus pur. Le chant des oiseaux était merveilleux, presque aussi mélodieux que la voix de Tommy. J'étais juste un peu déçue de devoir attendre une semaine avant de les revoir. En plus, cette éventualité ne serait possible que si je trouvais, pour une troisième fois, un prétexte pour passer un samedi, seule.

Ce coup-ci, je mis le régulateur dix kilomètres heure en dessous de la limitation de vitesse. J'ouvris la fenêtre pour sentir le vent dans mes cheveux. J'étais merveilleusement bien.

J'étais enfin arrivée à la maison.

— Salut Edwina, tu vas bien ?

— Oui et toi, ta journée shopping ? Qu'est-ce que tu as acheté ?

Et merde, le shopping !

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