Chapitre 5

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Le camp est immense, il est entouré de collines, bien à l’abri des regards indiscrets. Par contre, y’a du monde, ça va être chaud.

Hendrix me montre un bungalow et me dit.

- Tu peux poser tes affaires, c’est ici chez toi, je te laisse te familiariser avec les lieux, je dois filer donner un coup de main aux autres. Ce soir c’est un peu spécial, on prépare un arrivage et faut que tout soit prêt à temps sinon le boss va gueuler.

- Ok ça marche, je lui dis ravi.

- Je vais finir deux bricoles et je reviens vers toi pour t’expliquer un peu le fonctionnement du camp. Ok ?

- Pas de soucis et encore merci pour l’accueil.

Le black se casse.

Je rentre dans le bungalow, ferme la porte et appelle Lucy.

- Trop fort mon lapinou, me dit Lucy.

- Ouais putain, je le crois pas. Le rabatteur, c’est cet enculé de shérif.

- On s’en fout, le principal c’est que tu sois arrivé à rentrer. Dis-moi, il déchire ton bungalow.

- Comment tu le sais ? Tu me vois ? Vous êtes où ?

Je tire discrètement le rideau de ma fenêtre.

- On est monté sur la colline, on a une vue imprenable. Tu me vois là ?

Je la vois, la conne. Je les vois tous les trois au loin qui me font des grands gestes.

- Putain, mais soyez plus discrets ! je lui balance.

Ils se baissent aussitôt.

- Oups désolé.

- Bon voilà le plan. Je suis seul pendant un moment, je vais prendre mes marques et essayer de repérer le Philéas

- Faut pas trainer, me dit une voix.

Merde, Ed ! Je le sors du sac, il a encore dépéri. Je le pose sur la table.

- Si y’a un arrivage ce soir, faut que tu le chopes avant, mon pote, sinon c’est une nouvelle fournée de touristes qui va débarquer.

- Fait chier. Lucy, t’as entendu ?

- Ouais mais bon, ils sont vraiment nombreux, je pense qu’on devrait aller chercher de l’aide.

- Et on demande à qui ?

Garret lui prend le téléphone des mains.

- Lapin, on a qu’à aller voir les frères Simmons, je sais où ils crèchent.

- Mouais, je sais pas trop, ils ont l’air un peu louche quand même.

- Á Meat River, tout le monde est louche, me reprend Garret en ricanant.

Lucy récupère le tel.

- Ecoute, pourquoi pas. Tu ne tentes rien, moi je reste ici pour surveiller si y’a du mouvement, Garret et Corey vont chercher les frères. Plus on est, mieux c’est. Y aller seul, ce serait du suicide.

- Bon ça marche. Garde ton téléphone sous la main, je vais faire un tour de reconnaissance.

J’entends le quad qui démarre.

Je raccroche.

Allez hop, on va faire une petite visite.

J’enfile mon sac avec ma tête de con dedans. C’est un peu mon GPS de la mort.

Le camp ressemble à un club de vacances, c’est assez sympa. Y’a plein de bungalows, des gens souriants, je vais peut-être me convertir moi !

Je croise une nana super tankée qui m’envoie un sourire, ainsi qu’un gars taillé en v qui me salue. Ils sont tous bien gaulés. Je rentre le ventre pour ne pas me faire remarquer.

- Tu peux respirer mec, Rome ne s’est pas faite en un jour, me dit Hendrix en me tapant sur le bide.

Je relâche.

Il se marre et reprend.

- Tu sais, si tu restes un peu de temps parmi nous, t’auras rien à leur envier. C’est le concept du camp, sport, détox, bouffe bio, rando.

J’ai envie de gerber, c’est pire que l’enfer ici.

Il me montre un immense chalet.

- Là-bas, c’est la salle de sport, tu peux trouver ce que tu veux pour te sculpter un corps de rêve.

- Mais vous accueillez les gens comme ça pour en faire des chippendales ? Vous avez quoi en retour ?

- On ne demande rien, juste de faire vivre le camp, tu vois, des petites tâches journalières, rien de bien méchant.

C’est bizarre, le camp a l’air coupé en deux, comme s’il y en avait deux en un.

- Et là, derrière cette porte, y’a quoi ? je lui demande.

- Carré vip, mon pote.

- Carré vip ? Et c’est qui les vip ?

- N’importe qui, qui arrive avec un corps parfait et sain.

- Ouais bon, je vais rester par là, du coup.

Hendrix part à rire.

- Relax mec, t’as tout le temps, une fois que tu te sens prêt, tu passes la porte, le contrôle qualité et enfin tu reçois la bénédiction de Philéas.

- Philéas ?

- Oui, c’est le grand patron, dit Hendrix en levant les mains au ciel.

Ce soir y’a un groupe qui va passer le contrôle, c’est une soirée exceptionnelle, c’est pour ça qu’aujourd’hui c’est un peu tendu.

Tu connais le principe, détends-toi, profite, va manger un morceau, fais comme chez toi.

« Hendrix » hurle un gars bien gaulé aussi mais très moche. Tu peux manger sain tant que tu veux, une sale gueule restera une sale gueule.

- Bon, je dois y aller, y’a encore du boulot, à plus mon pote. Et sinon, t’as un prénom ?

- Oui bien sûr.

Il attend une réponse. Je le regarde en souriant. Il sourit à son tour et attend toujours une réponse.

Il fronce les sourcils.

Il a un regard qui veut dire « Ou il me prend pour un con, ou il est super bizarre et manger du tofu, ça va pas l’arranger »

- Ok je me casse, à plus.

Il abdique et s’en va.

On rentre au bungalow. Je pose Ed et fais le tour du proprio.

J’ouvre une porte… C’est horrible, je crois que je vais faire un malaise, j’ai vécu des choses ignobles dans ma vie mais là, je ne sais pas si je vais pouvoir surmonter ça.

Je referme tout doucement la porte et me retourne lentement vers Ed.

Il voit mon visage livide et décomposé, il me demande.

- Lapin ? Ça va pas ? s’inquiète Ed.

- Il faut qu’on se tire d’ici…

- Mais t’as vu quoi ?

- Cet endroit est l’antre du mal, je ne pourrais pas survivre à ça.

- Mais y’a quoi derrière cette porte ?

- Des toilettes sèches...je dis d’un ton grave en secouant la tête de gauche à droite.

- Et c’est ce mec qui compte nous sortir de là, dit Ed abattu.

Je m’assois.

- Bon, si j’ai bien compris, toutes ces personnes font du sport pour avoir un corps en bonne santé, et une fois la perfection atteinte, ils vont dans le carré vip où ils pensent passer du bon temps mais en fait Philéas fait une sorte de cérémonie diabolique à la con et envoie ses touristes éthériques dans des corps qu’ils ont préalablement réservé via leur agence ou je ne sais quoi.

- T’as tout compris.

Bon, j’appelle Lucy. J’espère que la cavalerie est prête.

Ça sonne.

- Lucy, t’en es où avec les frères ? Ils sont ok ?

J’entends respirer au bout du fil.

- Lapin, laisse tomber et rejoins-moi sur la colline, dit Lucy, la voix tremblante.

- Qu’est-ce qu’il se passe ?

- …

- Lucy, c’est quoi le problème ?

- Ecoute ta copine mon lapinou et bouge ton cul si tu veux revoir tes potes en un seul morceau, me dit une voix grave et rugueuse qui n’a rien de celle de Lucy à moins qu’elle se soit sifflée trois paquets de clopes en poireautant là-haut.

Le type raccroche.

C’est con, sur le papier mon plan avait l’air sympa…

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