Chapitre 1

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C’est vraiment pourri ici.

Je passe devant plusieurs pavillons, toujours le même cirque.

Un gars coupe du bois, s’arrête, me dévisage, crache un gros molard par terre, surement pour marquer son territoire et ajuste sa casquette de bouseux.

Sa femme étend le linge, s’arrête, me dévisage, fait rentrer ses morveux dans la maison et referme la porte sèchement.

Apparemment, on n’aime pas trop les étrangers ici.

Je continue ma route pendant une bonne dizaine de minutes et arrive enfin à destination.

Comment je le sais ?

J’ai tout simplement le barreau.

Qui resterait insensible devant un tel spectacle ?

La voir couper du bois dans son petit short en jean, vêtue d’une fine chemise nouée au nombril, qui me fait d’ailleurs énormément penser à Daisy dans « Shérif fais-moi peur » est une scène tout droit sortie d’un film de boule.

Je jette mes bagages, arrive discrètement par derrière, l’attrape par les hanches et lui lance un « Oh, ce cul ! ».

La fille se retourne.

C’est pas Lucy…

Elle attrape une bûche à pleine main. Mmm, quelle poigne. Et me la fout dans la gueule.

- Mais ça va pas ?! qu’elle hurle.

Je tombe en arrière, mon nez pisse le sang. Elle lève sa bûche pour me donner le coup de grâce.

- Lauren, arrête ! C’est Lapin, mon pote ! hurle Lucy qui sort en panique de la baraque.

C’est sa sœur ?

Je ricane intérieurement. Bon, j’ai super mal extérieurement mais ma douleur s’estompe quand je me dis que je vais passer plusieurs jours, avec, pas une mais deux bonnasses, perdu au fin fond de la cambrousse.

Je me relève, Lucy se jette dans mes bras. Ça fait du bien de la revoir.

- Je suis trop contente ! Elle me hurle dans les oreilles et me serre à m'en faire péter une côte.

Mal à l’aise, je me retourne vers Lauren.

- Je suis désolé je vous ai pris…

Elle se barre sans me regarder et rejoint un 4x4 garé devant le pavillon.

Deux types sortent du véhicule. Barbes de trois jours, fringues sales, vestes de camouflage.

On dirait des chasseurs. Ou des clochards avec des fusils. Et un gros 4x4.

Elle semble les connaitre.

Ils entament la discussion. Un des deux types envoie un clin d’œil à Lucy qui tourne la tête. Un sourire dégueulasse se dessine sur sa bouche.

Á l’arrière du véhicule, je distingue difficilement une silhouette accrochée à une chaine qui s’agite.

Surement un chien.

J’y vois mal d’ici, la nuit commence à tomber mais ça a l’air d’être une belle bête.

La discussion semble animée. Sans doute un problème de voisinage.

Je me retourne vers Lucy.

- Moi aussi je suis heureux de te voir mais si je suis venu c’est pour te prévenir, je prends un air grave, les flics t’ont identifiée et ils ne vont pas tarder à pointer le bout de leur nez.

Elle ne dit rien. Je reprends.

- Va falloir mettre les voiles.

Elle me regarde.

- Oh putain, viens, faut que je te présente, elle me dit toute excitée.

Elle m’attrape par le bras et me tire à l’intérieur de la maison.

Elle est recherchée, elle s’en bat les couilles. Elle est vraiment perchée.

Ou saoule ? Il est quelle heure déjà ? Dix-neuf heures ! Ok, je comprends mieux.

On arrive devant une chambre d’enfant. Fait chier, je ne supporte pas les gamins. Lucy ouvre la porte.

Deux jeunes, un petit brun et un petit gros, ouf ça va, ils doivent avoir environ treize ans.

- Les gars, je vous présente Lapin, dit Lucy.

Les deux jeunes me scrutent, pas vraiment convaincus, ils lâchent ensemble.

- Bonjour le lapinou.

Et partent à rire. Ils se foutent de ma gueule, c’est clair.

- Lui, c’est Garret mon neveu, me fait Lucy en pointant le petit brun, et voilà Corey son pote.

Corey assemble la dernière pièce de ce qui doit ressembler à un costume.

- Ils sont cool vos costumes, c’est pour quoi faire ? je leur demande, histoire d’engager la discussion même si je les déteste déjà.

- C’est nos combis de combat pour partir en patrouille, dit Garret.

- De combat ? et vous combattez quoi ?

Corey se lève, et enclenche le chargeur de balle en caoutchouc dans son fusil à pompe en plastique.

- On chasse les démons qui rodent le soir autour de la baraque de Garret.

Ouais, bien sûr. Sacrée imagination les gamins.

- Et tu vas les tuer avec des balles en caoutchouc ? Ils sont faits en quoi vos démons ? En fraise Tagada ?

Je pars à rire, moi aussi je sais me foutre de la gueule des gens gratuitement.

Garret se lève à son tour, il tient le même fusil que Corey. En même temps ils me pointent leurs armes dessus.

Ça sent pas bon ça. Et tirent.

Je me prends une rafale de balles en caoutchouc à bout portant.

Putain, ça fait un mal de chien.

Je trébuche et m’affale par terre.

J’essaie de me protéger la tête avec mes bras. Ils rechargent et tirent à nouveau.

Je m’en prends une dans l’oreille.

Ça siffle.

Une dans le ventre, le dos, bref de partout.

Au bout de dix secondes, et dix secondes c’est très long, ils s’arrêtent.

- Á table, crie Lauren.

Les deux sales gamins posent leurs armes et sortent de la chambre en ricanant.

Je suis blotti dans un coin de la chambre, en position fœtus.

Je suis couvert de bleus.

J’ai le corps tout entier que me fait souffrir.

Les sales petits bâtards, ils perdent rien pour attendre. Surtout le petit gros Corey, il n’est pas de la famille, si je le tue peut-être que Lucy ne m’en voudra pas.

Pour un séjour agréable, j’ai connu mieux.

Je me lève péniblement et les rejoins dans le salon en boitant.

Ils sont à table, pas un bruit, ils me regardent m’installer sur ma chaise et partent dans un fou rire quand je lâche un petit « aie » en posant mon cul rempli de bleus.

- C’était qui les deux bouseux dehors ? Je change de sujet comme si de rien n’était.

- C’est les frères Simmons, une famille de chasseurs, me répond Lauren tout en servant les assiettes des petits.

Ça sent drôlement bon, c’est Lucy version femme d’intérieur, le rêve.

- Ils viennent tous les mois pour la collecte, reprend Lucy.

- La collecte ? C’est-à-dire ?

- Chaque début de mois, ils passent dans tout le village, les habitants leur versent un pécule pour leur protection.

- Mais c’est du racket ? Et ils vous protègent de quoi ?

- T’es pas obligé de donner, y’a pas de soucis avec ça, ce sont les meilleurs chasseurs du coin, ils sont très efficaces, le soir ça grouille de bestioles, les gens paient pour être tranquille, quoi.

- Et vous donnez combien ?

- Moi rien, je n’ai pas les moyens de leur filer ne serait-ce que 10u, c’est pour ça qu’ils tiraient un peu la gueule, mais ça leur passera, Lauren se sert un verre de vin, je tends le mien.

Corey commence à bouffer. Tu m’étonnes… Tout en matant le décolleté de Lucy.

- Et lui ? Il n’a pas de maison ? je demande en montrant Corey d’un coup de menton.

- Il passe la nuit ici, il veille sur moi, répond Lucy qui envoie un clin d’œil au petit gros.

Je file un discret coup de pied à Corey sous la table, il me dévisage en se frottant le tibia.

Discrètement, je montre Lucy du doigt, le montre lui, me passe l’index sous la gorge et me tapote le torse avec mon pouce.

Chasse gardée.

Il me regarde de travers en buvant son verre d’eau.

Je le fixe méchamment en vidant mon verre de rouge.

Le message est passé.

- Et puis après le repas, on part en patrouille, reprend Garret.

- Ah ouais les démons, je marmonne dans ma barbe.

On finit tranquillement de bouffer, les morbacs se lèvent de table. On va pouvoir parler plus sérieusement.

- Alors, quoi de neuf en ville, me demande Lucy.

- Un nouveau « chef » de la police a été nommé, il a fait exploser le budget, il a multiplié au moins par dix ses effectifs, un certain Cooper, il dirige la ville d’une main de fer.

- Merde, c’est pas bon pour les affaires ça.

- Tu l’as dit, y’a pratiquement plus de criminalité, d’agression, des flics dans tous les coins, ça fait trois semaines que je rentre bredouille. Je peux te dire que le Lapin ne va pas leur manquer.

- Et ce n’est pas bien d’être en sécurité ? m’interroge Lauren qui, apparemment n’a pas encore saisi le concept du « justicier masqué qui dérouille la racaille ».

Je regarde Lucy, elle hausse les sourcils.

- Ils vont pas tarder à venir interroger ta sœur, faut qu’on bouge d’ici deux-trois jours. En même temps, c’est pas très malin de venir se cacher dans ton village d’enfance.

- Oh non, partez pas déjà vous allez louper la fête de la Tritette, dit Lauren.

- Ah oui, j’avais oublié la fameuse fête de la Tritette, et c’est quoi exactement ?

Lauren s’assoit à côté de moi et m’explique méticuleusement.

- Tous les ans, on installe un énorme bucher au milieu de la place.

- Ah, c’est pour ça que tout le monde coupe du bois ?

- C’est pour ça, on allume le bucher et on fait griller des brochettes de Tritette. C’est très convivial et ça permet de rapprocher les gens.

- Mais y’a quoi dans cette Tritette ?

- C’est une saucisse à base de viande, de volaille et de poisson.

Beurk, ah ouais d’accord.

Lucy coupe sa sœur.

- Par contre faut faire très attention aux arêtes.

- Mais pourquoi on ne les enlève pas avant ?

- C’est comme ça, c’est la tradition.

Bref c’est bien pourri et je compte bien me barrer avant.

Lauren me sert un petit digeo.

Les deux gamins dévalent l’escalier dans un bordel monstre.

Oh putain, la dégaine.

Corey a enfilé son espèce de combinaison qui le recouvre de la tête aux pieds. On dirait un apiculteur mais avec un gros bide et un fusil à pompe en plastique.

Garret arrive à son tour.

Ah ouais, la classe, chapeau.

Il porte un bonnet noir qu’il a baissé jusqu’au-dessous du nez avec deux petits trous pour les yeux, et la panoplie complète du petit moto-crosseur casse-cou.

Veste de protection, genouillères, épaulières, protège-coudes avec en bandoulière un énorme pieu en bois.

- Les démons n’ont qu’à bien se tenir, se moque Lucy.

- Par contre les enfants, vous restez dans le jardin, il est déjà tard, insiste Lauren.

- T’inquiète maman, on reste dans les parages.

Les deux patrouilleurs de l’enfer sortent de la baraque.

- Je vais me coucher, dit Lauren.

Merde.

- J’ai pas eu le temps de préparer ta chambre, ce soir tu dors avec Lucy, ça ne te dérange pas ?

Dieu existe. Et il m’aime. J’ai ma lèvre supérieure qui se met à trembler et une larme coule tellement je suis envahi de bonheur et d’excitation.

- Je vais faire avec, je dis genre ça me plais pas plus que ça de partager la couche avec la fille la plus bandante de l’univers.

Lucy me met un coup de coude et lance avec sa voix éraillée et cassée.

- Connard.

Il est tard. On se couche. Yes !

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