Un jour, peut-être

Image de couverture de Un jour, peut-être

Il était beau, jeune, brillant. Assise parmi ses pairs, d’autres lycéens comme elle, Elisabeth buvait ses paroles comme à une source rafraîchissante lorsque l’on meure de soif. Ce qu’il disait ne lui importait pas. Elle regardait ses lèvres se mouvoir, rêvant de les caresser du doigt, de la bouche. Le soleil jouait dans ses cheveux blonds bouclés, qu’elle imaginait soyeux et la fenêtre ouverte laissait passer un courant d’air qui les faisait s’agiter doucement. Il les portait longs, au-dessous des épaules et elle rêvait de glisser ses doigts dans cette masse indisciplinée. Il les attachait d’habitude, alors les voir ainsi libres renforçait cette envie. Des papillons s’étaient donnés rendez-vous dans son ventre et un je ne sais quoi lui serrait la poitrine. Elle aurait pu le contempler durant des heures. Mais la sonnerie venait toujours malheureusement interrompre ses chimères. Dans le brouhaha des chaises qui se repoussaient, des conversations qui reprenaient, elle laissa échapper un soupir de désir. Elle aurait donné n’importe quoi pour qu’il se passe quelque chose, mais jamais la réalité ne venait rencontrer ses rêves romantiques. Se levant à son tour, elle se retourna pour attraper sa veste et sa besace. Elle était toujours la dernière à sortir de la pièce, ayant besoin d’un instant de transition avant de reprendre le cours de sa journée. Allons, les mathématiques l’attendaient. Sa voix pourtant la fit se retourner vers lui :

« Elisabeth, restez un moment, je vous prie.

- Mon père, je suis confuse mais j’ai cours, maintenant.

- Il faut pourtant que je vous parle.

- Je peux venir juste après le cours si vous voulez ; Mme Leroy va m’exclure si je suis en retard.

- Très bien. Mais n’oubliez pas, je vous attendrai.

- Oui, comptez sur moi. A tout à l’heure. »

Elisabeth le salua d’un geste gracieux et quitta précipitamment la pièce, maudissant ce cours de mathématiques qui l’éloignait de lui, se posant mille questions, échafaudant mille hypothèses quant au pourquoi de cette demande. Il devait vouloir de l’aide pour le séjour de l’évêque... se morigénait-elle de penser à quelque raison plus romantique. Mais son imagination, elle…

William l’entendit monter à l’étage et après quelques minutes le silence s’établit. Il rangea la salle et regagna son bureau à côté de la petite chapelle. Assis à sa table de travail et malgré tout ce qui requérait son attention, il n’arrivait pas à se concentrer. Il la revoyait assise face à lui, faussement attentive, pourtant il avait comme tous les mardis à cette même heure, senti son regard le caresser. Et cela devait cesser. Absolument et sans délai. C’était presque impossible pour lui de mener à bien le groupe d’aumônerie lorsqu’elle était là à le contempler. La nature l’ayant particulièrement gâté, il était habitué à composer avec les hommages féminins, qu’il arrivait à désarmer sans peine d’habitude. Elisabeth, elle, n’avait jamais aucun mot déplacé, aucun geste équivoque. Elle n’avait jamais essayé, même furtivement, de le toucher. De plus, elle le troublait. Le jeune prêtre repoussa fiévreusement la mèche qui lui recouvrait une partie du visage. Elle était diablement belle, avec ses longs cheveux flamboyants et ses grands yeux verts si expressifs. Un petit nez retroussé, des taches de rousseur, une bouche sensuelle, toujours prête à rire… son esprit s’égarait sur une image bien trop précise et qui, par le Ciel, était loin de le laisser indifférent. Il repoussa sa chaise d’un geste vif et courut presque vers la chapelle. Il s’agenouilla aux pieds de la Vierge qui guidait son existence depuis que l’appel lui était venu. Ses parents avaient été surpris de sa vocation mais l’avaient laissé suivre son chemin au séminaire. Quelques flirts, une aventure malheureuse l’avaient détourné de l’amour humain pour ne se consacrer qu’à Dieu. Depuis, pas une jeune femme ne l’avait ainsi touché et troublé… Avant qu’elle ne se mure dans ce silence contemplatif, il avait pu constater son intelligence, son charme, son charisme et même son humour… Ils avaient passé des heures merveilleuses en débats passionnés, parfois houleux mais toujours intéressants grâce à une maturité qui le changeait agréablement des autres lycéens. Il s’était réjoui d’avance à la reprise de ces joutes oratoires à la rentrée de septembre. Mais depuis février, elle s’était peu à peu désengagée des conversations et dorénavant, elle ne le quittait pas des yeux. En avait-elle conscience ? A quoi jouait-elle ? « Oh Sainte Vierge, donnez-moi la force… » De ne rien laisser paraître du trouble qui l’envahissait en sa présence. Il fallait être ferme et détaché.

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