CHAPITRE XIX - PARTIE I

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Cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas observé, ce fameux tatouage noir qu'on appelle plus communément: le sceau. Chaque tribut possède un emblème, scindant une certaine appartenance à sa région respective. Ce symbole détient un caractère particulier: il scelle les habitants à leurs terres natales et racines. C'est à l'âge de treize ans que nous devons le poser.

Nous ne sommes à ce terme plus libre d'entraver nos frontières pour nous établir ailleurs, seuls des voyages pour diverses causes sont autorisés. Le mien m'a été effacé à l'entrée d'Elario comme à tous les autres prisonniers. La raison est simple: un acte de violence est une trahison à la paix, nous sommes donc bannis définitivement de nos terres pour avoir transgressé les lois. Le sceau est un pacte à part entier ayant l'éloge de nous assouvir aux règles intégrales de la paix.

Le miroir reflète singulièrement cette marque possède le mérite de définir une partie de nous. Chaque individu de Koram qui le veuille ou non, aura un lien très dense avec son lieu de naissance. Gravées à vie sur notre peau, nous ne pouvons y échapper. Le mien fut tatoué sur ma nuque, ce choix fait lors de mon enfance n'est jusqu'à aujourd'hui l'objet de la résurgence d'un regret. J'aime toujours autant son emplacement. Je ne le verrai nulle part ailleurs.

Mes yeux contemplent depuis un moment celui-ci avant de se poser sur ma propre image. C'est la première étape de cette mise en beauté, bientôt une équipe de professionnelle vont s'accaparer mon corps pour en faire leur toile. Bien sûr, je n'ai une nuance à suggérer concernant mon apparence. C'est Lolita qui m'a recommandé de la fermer, enfin un conseil bienveillant de sa part.

Depuis notre discussion dans le train, je pose un regard tout à fait neuf sur sa personnalité. L'aide que celle-ci m'a proposée fut parfaitement fortuite, mais essentielle. Je ne sais pas si notre relation est propice à une potentielle amitié seulement le ton qu'elle adopte avec moi possède une touche plus mélodieuse. Comme si « mon canard » avait dorénavant une sonorité plus délicate. Mais il est aussi possible que mes oreilles déraillent complètement. Qu'importe ce que j'en pense, Lolita a pris d'énormes risques pour moi. Cette fois la question ne s'est pas posé pas, la déception ne sera pas permise.

La proéminence dérangeante du blanc m'enveloppe de toute part, subitement, la porte d'entrée claque. Je laisse tomber mes cheveux pour couvrir ma nuque et prends connaissance des nouveaux arrivants dans la pièce. Quand nous sommes parvenu à destination, il y a environ deux heures, tous les candidats ont dû attendre leur tour pour descendre et rejoindre leur appartement pour la nuit et pour la semaine d'entraînement touchant à sa fin. C'est à ce moment-là que j'ai dû quitter Lolita que je retrouverais, plus tard, au grand repas.

Mes nouveaux amis m'encerclent un à un, leurs langues ne perdent pas une seconde pour décortiquer et juger mon apparence. Leurs regards lèchent jusqu'à la dernière parcelle de mon aspect physique. Certes, je n'ai pas pu effectuer le moindre soin depuis très longtemps, mais je demeure une femme plutôt agréable à contempler. Sincèrement, je ne supporte pas vraiment qu'on me dise le contraire.

« Notez ! Cheveux fourchus, peau sèche, teint pâle, paupières lourdes, cernes abondants, poils débordants, ongles rongés, cicatrices ignobles »

Je m'arrête d'écouter le flot de critiques qui s'abat sur moi. De toute manière, ils n'en feront qu'à leurs têtes, il vaut mieux ne pas s'échauffer les nerfs avec ce genre d'individu. Maintenant, ils me tournent tous autour avec une grande vivacité, leur énergie me donne le vertige. Soudain, ils commencent à m'examiner en touchant mes bras, mes mains, mes lèvres sans que la moindre petite autorisation de ma part ne soit conférée. Étouffé par leur manège, il me convoite telle une vulgaire poupée à remodeler. À cet instant l'appropriation de mon corps n'existe pour moi, sculptée pour plaire aux yeux d'autrui.

« Andorra, il y a un travail fastueux à faire sur vous. Mais nous ne partons pas d'une base catastrophique. Croyez-nous, nous avons vu bien plus pires. Quand nos doigts d'or auront pu exercer leur magie sur vous, vous serez une déesse. Nous sommes les Micheal-Anges de la mode. »

« Incontestablement la plus belle de toute la soirée. »

Ils me répètent cette phrase à longueur de temps. Cette idée sait presque me séduire à force de l'entendre avec autant de persévérance, à travers leurs bouches. Puisque, je n'ai aucun moyen de protestation, je ne réagis pas.

Ils commencent par me donner un bain, puis me mettent à nu face un harem d'inconnus, ne me laissant pas indifférente à la gêne. Ensuite, ils s'occupent de ma peau enlevant chaque imperfection à l'aide d'une machine que je ne connais point. Impossible de nier sa pratique innovatrice, je pense juste qu'il y a des domaines plus importants où il faudrait évoluer...

Ils m'introduisent dans tube ovale assez étroit ou des rayons éblouissants fusent de toute part, tels ceux appartenant à l'astre solaire. Glissant sur les pores de ma peau, ils me démangent légèrement. Cela rend mon enveloppe luisante et si pure que j'ose dire parfaite. J'espère tout de même que la prochaine étape ne consiste pas à me refaire le visage.

Quels sont les autres outils affectés à l'altération des caractéristiques de notre genre ? Pourquoi notre espèce empoigne-t-elle l'obsession démentielle à s'éloigner de sa physionomie pour atteindre une perfection qu'il ne peut exister ?

J'ai le droit à un second bain, mais cette fois d'une substance blanche et crémeuse qui polit ma peau. Plus la moindre trace d'une quelconque cicatrice abîme les contours de mes bras ou de mes jambes. Je suis irrémédiablement nu de mes vices.

C'est le tour de mes cheveux. Mon coeur ne peut s'empêcher de se serrer lorsque leurs mains décousent la coiffure confectionnée avec minutie par April. Ma chevelure ébène a le droit à un soin spécial, coupant mes pointes dans la foulée. Un véritable orchestre s'attachant au souci de la perfection se joue devant moi, pas un membre de l'équipe n'est accordé sur une mauvaise note. La passion anime leur travail acharné. Et cela a le don de procurer une touche de consolation en mon coeur terni.

Douter en ce monde est parfois fatal à nos battements, mais nous ne pouvons nous en abstraire indéfiniment. Un instant dans nos existences donnera forcément naissance à la perte de l'équilibre de nos convictions. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'y être opposé comme jamais auparavant. À la fois, je me sens prête et complètement désemparée par l'engouement chaotique de l'angoisse. Le stresse me gagne accoudé par l'excitation. Je vais enfin pouvoir entamer mon ascension vers la vengeance.

« Voilà, nous avons terminé Andorra ! J'espère vraiment que notre travail te satisfera, annonce Gabriel le chef de l'équipe relooking. »

Je me sens tout de même nerveuse à l'idée de découvrir ma nouvelle apparence. Je n'ai pu apercevoir que le devant de ma robe. Inspiré par l'air gréco-romain, celle-ci est longue même très longue, de couleur beige crème, s'ajustant parfaitement aux courbes sagement emplit de ma taille, la perle étant la vue plongeante sur ma poitrine, seuls deux longs bandeaux plissés couvrent mes seins maintenus par deux barres métalliques dorées qui ondule autour de mes avant-bras. Ils ont su m'agencer avec brillance l'allure majestueuse d'une déesse antique.

« Je t'en prie, glisse-t-il en m'indiquant le podium. »

J'enjambe les marches dénuées de couleurs, me hissant vers celui-ci. Je m'immobilise devant les multiples glaces rectangulaires qui m'entourent, la rencontre expressive de mes répliques résultent. De fines ficelles dorées accrochées à mes épaulettes se croisent en mon dos et mes cheveux ont été attachés pour former une queue de cheval haute. Des bijoux en or me servent de parures à la fois autour de mes doigts, de mes poignets et de mon cou. Le bouquet final s'invente dans la fine couronne de laurier qui borde le début de ma nuque jusqu'à la naissance de mes tempes.

« Elle symbolise ta potentielle victoire Andorra, commente Gabriel, une touche personnelle de ma part. »

Cette attention me donne des frissons, non de peur ou d'angoisse, mais bien de fierté, on me considère telle une future gagnante. Cette marque de diligence m'embaume dans une chaleur non atténuante. Je flâne à contempler tous les petits détails de ma mise en beauté.

Mon maquillage mis, non seulement, sûr une légèreté de teintes qui virent de l'orange aux dorés, valorisant mes iris sombres, mais aussi sur une poudrée d'or effleurant l'entier de mon corps. Ce lot d'effort n'est pas une attitude qui me déplaît au contraire, je me sens si resplendissante. La confiance en moi que j'avais perdue vis-à-vis de mon aspect se galvanise peu à peu grâce à eux.

Je tends à remercier tout de même Gabrielle pour son travail et pour le bénéfice accorder à ma personne. Son équipe s'éclipse et le chef m'accompagne vers ma salle d'attente.

« Tu verras, c'est un salon sublime et tu vas pouvoir rejoindre ton entraîneuse et sa RAD, m'informe le blond. »

Il m'est difficile d'admettre l'existence du sentiment de jubilation qui s'éclot en moi. Auparavant, je me serai liquéfié à l'idée d'être tenu à Lolita et son caractère désobligeant, aujourd'hui s'en est presque soulageant de retrouver un être familier avant d'être lâché aux mains de ses ravisseurs.

Le grand repas auquel je dois assister est une épreuve avant l'entrée en scène des joueurs. Nous sommes là pour égayer ou plutôt entretenir telles des escortes, leur soirée, en fournissant un large panel de sujet de discussion. À ce qu'il paraît, côtoyer un participant de The Tower est une aubaine exceptionnelle, parmi la haute classe de Zaia, l'inscription de son nom sur la liste des invités invoque la possession d'une réputation effroyablement distinguée.

Se vanter de fréquenter le mal est devenu un véritable acte supérieur de gloire, voilà à quoi est réduite notre société aujourd'hui. Comment en sommes-nous arrivés à ce stade perfide ? À quand remonte l'instant où l'homme a définitivement décidé d'approuver ce genre de comportements ? Notre histoire est le témoin indéniable de notre cruauté subjuguante, le jeu, The Tower est la preuve irréfutable de ce que l'homme s'enlise à écrire dans ses lignes.

Sont-ils pleinement conscients du mal qu'ils s'adonnent à perpétuer ? Je me penche sur ses questions sans relâche sans que le moindre bruit d'une réponse ne sonne à la porte de mes songes. Pour l'instant, il faudra vivre dans cette constante bulle d'incompréhension à l'égard de mes congénères.

Gabrielle me quitte et mes compagnes m'accueillent avec un brin de gaieté moulé à leurs mines. Toutes deux portent une robe beige, un rappel à ma tenue, une empreinte de notre union. Les cheveux plaqués en arrière, un maquillage dont je n'aurai imaginé la création ainsi qu'une paire des bottes talon aiguille aux pieds, Lolita est à tombé. Quant à April, un rouge garance peint ses lèvres, sa silhouette conquérait le coeur le plus cruel de notre terre.

L'ameublement de la pièce est tout aussi raffiné que le reste du wagon où j'ai pu voyager. On y retrouve la même ambiance, une musique classique très lisse et sans sursaut, une odeur imprégnant mélangeant vanille et coton ainsi qu'une lumière tamisée ordonnant à l'esprit la sérénité. L'aile m'étant attribuée est si vaste, j'ai le droit à un bar marbré de dorure pour assouvir une quelconque soif. Ma main caresse le long canapé en cuir brun jusqu'à que mes iris croisent une baie vitrée offrant un panorama splendide sur la nuit tombée surplombant un champ d'immeubles et de bâtiments discontinue. Je n'avais jamais vu de pareilles architecture et décorations.

Émerveillé, je m'avance à fin de pouvoir admiré davantage les milliers de lumières étincelantes qui s'éparpillent au bout de mes talons. Je n'aurai pas pensé une seule seconde pouvoir assister à un tel spectacle lors des jeux. Posant un de mes doigts sur le verre, l'espoir que celle-ci se brise m'exalte. Tout s'effondrerait, et s'achèverait dans le trait d'un infime mouvement.

« Et dire qu'ils ont gâché cette beauté. Leur vanité a eu raison d'eux. Si tu veux mon avis, mon canard, la satisfaction est un terme qui ne peut être correctement assimilé, seul de certains êtres, avoue la noiraude sur un ton empli d'accusation en me tendant un verre de whisky.

Absorbé par ce paysage, je ne comprends pas tout de suite ce qu'elle insinue. Soudain, les gratte-ciels s'évaporent pour laisser place à un noir déchirant. Je fais face à la jeune femme pour essayer de trouver une explication.

  • Cette image appartient au passé. Toute architecture de ce type n'existe plus à Koram. En faveur de raisons lugubres, nous accordons une importance colossale à ce qui nous a précédés. Crois-moi sur parole, bien trop souvent, il te saura donner de douter de ta présence au milieu du sang, des cris, des pleures, des illusions, des rêves, du désespoir. Il est aisé de se perdre, en revanche, recouvrer notre direction est laborieux. Une période froide, très froide sévira. Demain, embarque tes raisons et ne les lâche plus d'un oeil, me confesse-t-elle.

C'est les premiers vrais conseils que m'adresse mon entraîneuse et je ne peux nier en être sincèrement touché. Ces répliques signifient énormément pour moi. Sont-ils les mots dont j'avais besoin la déclaration ? Oui ou non, il me donne satisfaction.

  • Je place ma foi en toi alors ne me déçois pas mon canard.
  • J'inventerai l'impossible pour revenir, affirmé-je avec confiance.
  • C'est une promesse...? s'assure-t-elle, sa voix s'éclipsant.
  • Oui, acquiescé-je.

Derrière la porte, le son étouffé de la foule déchaînée me parvient, accompagné à ma droite par Lolita et à ma gauche April qui pour l'occasion s'est munie de son meilleur sourire. Il est temps de faire notre entrée en scène. Je jette un dernier regard à mes compagnes et délie mes mains empreintes par le stresse. Une bonne impression se protestera uniquement sous une dose de sang froid. D'après ce que j'entends, il y a une foule conséquente qui attend de voir à quoi je peux bien ressembler.

Soudain, les portes coulissent sur le côté, les rayons de lumières nous éclaboussant alors que nous sommes plongés en semi-obscurité. Je m'avance lentement, aveuglé par le flot incessant d'éclairage, quand aussitôt une main me pointe.

« Et voici notre dernière invitée féminine de la soirée ! J'ai l'honneur de vous introduire, Andorra Rousseau, participante originaire du clan de l'île de Phir ! Annonce un homme avec grande énergie.

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