CHAPITRE IX - PARTIE II

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Mon réveil n'est pas douloureux contrairement à l'affreux cauchemar que je viens de traverser. Il est le énième titre à ma série épuisante concocté par mon cerveau. Je frotte mes yeux engourdis par le sommeil. Je constate rapidement que je ne suis pas dans ni dans ma cellule ni en isolement, mais cerné par quatre murs blancs. Je les caresse, eux ne sont ni moisis ni rugueux, mais d'une soyeuse surface lisse et propre. Plutôt satisfaite, je pose ma tête contre l'un d'eux, et affiche une mine sereine. Je suis enfin arrivée à destination. La section deux.

Suis-je unique ? Je veux dire suis-je vraiment la seule à comprendre ce qui se passera s'il l'on continue de marcher sur cette voie ? La paix n'est qu'un simple mot utilisé pour apaiser la peur des gens, rien de plus. Ce mot à un pouvoir exorbitant dont personne n'a l'idée de remettre en cause pour les réels principes défendant le bien. Si le sens abject n'existe pas, à quoi se raccrocher pour créer la bonté ? On a perdu une notion fondamentale à distinguer ce qui est trop mauvais pour encore avoir du bon ou ce qui est trop bien adopter le mal.

Les limites que nous voulons constituer entre le noir et le blanc ne sont pas légitimes. Sans le noir le blanc ne respire pas, sans le blanc le noir ne voit pas. L'être humain s'est évertué, à travers les millénaires, à ne concéder s'accorder à cet équilibre essentiel. C'est une lueur aveuglante, les biens faits d'une paix sans entrave. Les hommes ont perdu le contrôle de cette lumière. Elle a brûlé nos noirceurs, celle qui préservait le bon fonctionnement, déstabilisant cette balance indispensable de notre univers.

Il ne me reste plus qu'à attendre que l'heure des jeux soit révélée, l'heure de l'envolée de l'espoir noir. Sera-t-il synonyme de l'implosion d'un nouveau moi ? Un mois gracié de mes pêchées, un esprit purgé ? Un futur, à mon propre avis, bien trop optimiste.

Il fallait que cela soit un minimum crédible. Je n'ai jamais eu l'intention de tuer Jayce. Ô grand jamais, je n'aurai eu l'audace d'exécuter un acte aussi cruel et puéril. Il fallait qu'on y croie que tout le monde, sans exception, y croit. La seule petite chance que je sois sélectionné pour les jeux était que j'atterrisse à la section deux. Une simple bagarre n'aurait qu'allongé ma peine de quelques années, ce qui ne suffisait amplement pas. Le meurtre était la solution à mon problème. Sauf que je n'en possède pas l'ombre d'une compétence. Je ne suis pas une meurtrière. Ce qui posera immanquablement soucis pour les jeux. Une chose à la fois, j'aviserai le moment venu.

J'ai trouvé un manège ingénieux de passer outre une telle tragédie qui m'aurait sans aucun doute éternellement alterner. Moyennant un jeu d'acteur assez convaincant, j'ai prouvé pouvoir tuer un être m'étant cher.

« Je vous en prie, asseyez-vous.

Son regard se perd entre moi et les lignes du document qu'elle tient entre ses mains. La pièce est blanche comme le reste de la section. Une couleur dite apaisante pour nos esprits résolument perturbés.

  • Andorra Rousseau, vous êtes déclaré coupable d'un geste de meurtre prémédité au sein même de la prison nationale de Koram, Elario. A ce stade, plus aucune porte de sortie ne se s'expose à vous, mademoiselle... Relate la psychologue comme si je n'en ai été absolument pas consciente.

Elle est gentille celle-là, mais ce genre de commentaires ne passera pas une seconde fois.

  • Je me présente, Mm.Black votre psychologue attitré en section deux. Dites-moi pourquoi avoir agi de la sorte ? La mort de votre fils vous a-t-elle ébranlé au point de vouloir la mort d'un autre individu ? Pourquoi ? Expliquez-moi tout, je suis ici pour vous écouter et rétablir la paix à l'intérieur de votre âme.

Je serre les poings sous la table. On se fout de moi c'est évident. Je jurai assister à une scène créée de toute pièce. Il n'y a rien de naturel dans l'expression de cette femme. Disons qu'elle a une cinquantaine, son visage est crispé par... Je ne sais pas. La peur ? Non, je pense juste qu'elle est lassée par le piètre rôle qu'on lui a attribué. Ses paroles ont un débit constant, ils sortent de sa bouche à contrecœur, comme si on les lui dictait. Sans oublier son manque d'intonation. Elle paraît tout à fait empirique, traitante dans une atmosphère malsaine. Je laisse le silence répondre à ma place, vivement ployé par l'inconfort. Inimaginable que je dialogue avec une femme possédant ce degré de compréhension humaine.

  • Votre fils se nommait en... Eneko n'est-ce pas ? demande-t-elle avec peine.

Je la fixe impassible. Peut-elle deviner mon aversion virulente contre elle?

  • Je vois que vous n'êtes aucunement décidé à répondre à mes questions. On m'a informé sur votre caractère, euh... Mmm... Disons complexe. Vous n'êtes pas très bavarde en temps normal, ni très coopérative. En passant par vos crises de colère. Vos changements de comportements définis comme chancelant.

Je croise les bras sur ma poitrine, impatiente. Que cherche-t-elle à faire en arguant sur les faux traits ayant été répondu sur moi. Elle veut que je fasse une de mes fameuses crises de colère ? C'est ça ? Oui et bien je ne lui en donnerai pas ce plaisir. Mon comportement restera impassible. Dix puis trente minutes s'écoulent. Moi j'ai l'habitude, mais je dois dire que cela paraît véritablement agacer mon interlocutrice.

  • Et si on faisait à un jeu ? balance-t-elle finalement en brisant le silence.

Cette fois j'en suis sûr, cette prison a été inventée dans le but de rendre les gens complètement cinglés. J'ai subitement l'impression de la voir sortir des lignes de son texte, une sorte d'improvisation.

  • Je vais te poser de simples questions et toi tu n'auras qu'à me répondre par oui ou par non, ça te va ?

La réponse est vite vue, c'est non. Je n'ouvrirais pas ma bouche en sa présence.

  • Si tu veux, tu peux aussi me poser des questions par la suite. Si cela a pour objet de te motiver davantage, propose-t-elle.

Ma curiosité est stimulée. En l'occurrence, je ne dois pas tout connaître au sujet de « The Tower ». Sinon, ça serait trop facile. Ce petit quizz serait l'opportunité d'en savoir un peu plus. Je hoche la tête après quelques secondes de réflexion. Notre échange ressemble à un match de tennis:

  • Je commence alors. Connais-tu le prisonnier que tu as agressé ?
  • Oui.
  • T'avait-il fait du mal ?
  • Non.
  • As-tu conscience de la réalité qui nous entoure, le monde et ces différentes règles pour faire persister la paix ?
  • Oui.
  • C'est ton mari qui a tué ton fils, t'avait-il fait du mal auparavant ?
  • Non.

Les questions deviennent de plus en plus rapides et saccadées.

  • Vous l'aimiez ? Je veux dire étiez-vous amoureuse de lui ?

Que dire ? Oui ? Non ? Je ne décroche pas mon regard de ses iris noir. Je n'ai aucune réponse concrète a lui accorder.

  • Bon je vois, passons... Vous sentiez-vous en sécurité lorsque vous viviez sur l'île de Phir?
  • Non.

La psychologue pince la bouche, déçue par mon manque de paroles.

Je t'ai posé huit questions, à ton tour.

Mes méninges tournent à plein régime, je n'ai pas le droit à l'erreur. Huit questions, ni une de plus ni une de moins. Tout est fondé sur les pertinences de mes questions. Celles-ci pourront vraisemblablement assouvir mon appétit.

  • Les clans sont-ils au courant pour The Tower ?

Ma psychologue écarquille les yeux, elle ne s'attendait pas à ce que j'aborde le sujet. Elle paraît, tout d'un coup, très mal à l'aise. La blonde hésite, sachant qu'en choisissant de ne pas répondre, elle briserait notre accord. Un risque donc, car je n'ouvrirai probablement plus jamais la bouche devant elle, si c'est le cas.

  • Non.
  • Le jeu est diffusé uniquement en prison et dans la capitale ?
  • Oui.
  • Cela voudrait dire que quand un prisonnier sort d'ici il a toutes les possibilités de dénoncer l'existence des jeux et de provoquer une guerre?
  • Non.
  • Comment ça ?

La blonde haussa les épaules signe qu'elle ne pouvait en dire plus comme le mentionner la règle du jeu. Elle laisse apparaître un léger sourire sur son visage. Embêtant pour moi.

Pour gagner doit-on sacrifier des vies ?

Oui

Ses syllabes me glacent le sang. La confiance accumulée jusqu'ici vient subitement de dégringoler. J'imagine que la plupart des participants sont de la section deux donc des personnes ayant commis des actes assez gravent contre notre société en paix. Mort, torture... ? Ou simplement des idées divergentes à l'orée d'un monde dysfonctionnel. Il m'est impossible de répondre.

  • Le jeu à une durée précise ?
  • Non.
  • Et...?

Elle haussa les épaules à nouveau, signée d'un sourire narquois. On dirait presque que cela l'amuse.

  • Y a-t-il un seul gagnant ? Puisque la règle principale ne mentionne en aucun cas qu'il ne doit avoir un seul participant vivant.
  • Oui.
  • La capitale joue-t-elle un rôle important dans le déroulement des jeux ?
  • Oui.

L'heure du dernier point d'interrogation a sonné, il m'est difficile d'en choisir une parmi tous ceux qui vagabondent en permanence dans ma tête.

  • Et si... J'ai la possibilité de participer vous croyez que l'espoir d'une vie paisible après le jeu peut-il être envisagé ?

La psychologue baisse son regard, à présent, presque dérangé par ma présence.

  • Non, finit-elle par lâcher maladroitement. »

Il m'est dur de digérer ce retour négatif. Il est sans rancœur et non chaland. Je me surprends alors à penser que la prison se risquait à être une option bien plus agréable qu'une torture mentale éternelle. Le blanc s'évanouit sur nous, le silence retombe sur nos lèvres. Huit questions ont fusé, huit réponses aussi, pourtant, elles restent sans réelles explications. Elles nous pendent encore à la langue brûlante et secouée par la vérité qui les tire à s'en sortir plus vivante que jamais. En ces deux derniers jours, je suis fermement déterminé à enquêter sur ces réponses qui me démangent.

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