CHAPITRE VII - PARTIE II

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Je crois bien que... non... C'est impossible. C'est Sandy ! Que fait-elle ici ?

« Elle n'est pas là. T'a rien à faire devant ma cellule ! Dégage avant que j'appelle un garde !»

Je relève la tête et aperçois la silhouette du dealer cachant celle de mon amie devant la porte. Celui-ci défend ces quartiers avec une grande acidité, je crie dans un ultime effort:

« Sandy !... »

Je m'accroche aux barreaux du lit et parviens à me soulever. Je vois cette fois la Rad dans l'embrasure de la porte. Elle pousse Alanzo qui trébuche. C'est bien la seule dotée d'une force assez puissante pour battre le prisonnier. Elle se précipite vers moi et m'aide à me relever.

« Tu n'es pas venue chercher ton livre. Je t'ai alors localisé et je suis permise de te rejoindre. Tiens, déclare-t-elle tout en me tendant l'objet en question.

Sandy ne semble pas comprendre l'urgence de la situation. Je décide de réagir aussitôt pour la mettre sur le bon chemin.

  • Il essaye de me tuer ! Appelle les secours, maintenant ! Je la préviens malgré le lourd élancement étayant ma voix lasse. »

Les yeux du robot virent au noir et des phrases y apparaissent. Les mots à la police blanche défilent en un éclair sur ces deux minuscules écrans.

Soudain, la tête de Sandy est projetée vers la gauche et un bruit métallique s'échappe. Alonzo se place en califourchon sur mon amie et lui assène des coups poings à une fréquence frénétique. Je ne saurai dire qui est la machine entre les deux.

Ce personnage est horrifiant sous tous les points de vue. Je crois bien que j'ai ouvert la cage de la bête. Des gouttelettes d'eau s'étalent sur son front. C'est un bon signe, commencerait-il à s'épuiser au combat ? Je prie pour que les gardes arrivent, au plus vite. Sandy a-t-elle réussi à envoyer un message à temps ? Tiendra-t-elle jusque là ? Ma tête tourbillonne et je suis incapable du moindre geste.

Lors d'un instant de répit, que s'accorde notre agresseur, la Rad en profite pour l'étrangler. Son visage s'imprègne d'une douleur exécrable. Néanmoins, le détenu arrive à articuler quelques paroles distinctives.

« Cève...eee, con....con...nasse. »

Sandy accentue son appui sur le cou d'Alonzo, et se relève tout en soulevant le corps de celui-ci l'immobilisant à quelques centimètres du sol.

La partie est gagnée. J'entends un concert lointain de bottes acheminer en notre direction. Finalement, mon heure n'a pas encore sonné. Je ne parviens, cependant toujours pas à me remettre sur pied.

Seulement, je néglige un détail important. Alanzo n'est, lui aussi, pas prêt à abandonner sa vie aujourd'hui. Il semble puiser dans le fond de ses forces. C'est à la dernière minute, que je vois un objet farouchement pointu serrer dans l'une de ses mains. Je crie à plein poumon pour prévenir mon amie:

« Attention !»

Il est trop tard. Sandy s'effondre tel un château de sable au sol, un couteau planté entre les deux yeux. Ma respiration se coupe. Je n'arrive pas à y croire. On avait réussi. Et d'une minute à l'autre tout a basculé.

Haletant, l'homme m'assaille d'un regard empli par la rancoeur et la colère. Il se dirige vers moi pour finir son travail. J'ai pensé beaucoup trop vite à la victoire. Au revoir lumière, ce n'est pas aujourd'hui que nous nous reverrons, ne serait-ce que dans le ciel. À part si évidemment ma place est en enfer. C'est pour mon plus grand soulagement qu'une brigade apparaît devant la porte me sauvant de justesse de la mort.

C'est étrange, car la seule chose dont je me rappelle après cela c'est l'image du cadavre de Sandy jaillissant sur le sol noir de la pièce. La culpabilité m'a attaqué la gorge, me saignant les dernières gouttes de chagrins qu'il me restait. Cela ne demeure le plus affligeant. Le pire c'est les regrets. J'en ai tellement est voilà qu'un nouveau s'ajoutait à ma liste, déjà longue de plusieurs mètres.

« Merveilleux! MERVEILLEUX! Tu ne peux pas savoir à quel point ma joie est exquise sous le regard de ce bijou ! se réjouit Cook avec un assidu sourire, tout en scrutant la clef entre ses mains.

Il me dégoûte, mais ma personne davantage. Tout cette péripétie pour finir venir l'entendre jouer cette comédie. Je suis une fille extrêmement navrante. Sandy est morte pour que je puisse assouvir ma curiosité. Me retrouvant enfermé dans cette enveloppe, confronter à ma conscience ragoûtante, il n'y a pas pire punition. Je suis devenue ma propre prison et chaque minute de plus à être moi et une tâche éprouvante.

J'ai récupéré le livre que la Rad voulait me donner. Cette relique m'a dévisagé toute la soirée, posée sur ma table de chevet, avant que j'aie assez de courage pour venir affronter cette énergumène. Mais j'ai découvert que cela n'était pas le plus difficile. Le plus dur c'est d'accepter la réalité. Jusqu'à maintenant, je me suis voilé la face.

En effet, je sais être un monstre, un poison qu'on avale avec aisance dupée par l'apparence angélique que j'arbore. Néanmoins je croyais encore pouvoir être sauvé de la noyade. Faux, il y a bien longtemps que j'ai coulé et que dorénavant j'essaye d'entraîner avec moi les innocents m'entourant. Jade n'est pas un peu parano sur les bords, mais a totalement raison. Ce qui me blesse presque voir beaucoup plus même. Au moins, à présent, je sais que la restriction qu'elle a ardemment imposée entre moi et son frère est nécessaire.

Coke se blanchit la gorge en me fixant. Je sors du brouillard et lève la tête vers lui. Je fronce les sourcils en signe d'incompréhension.

  • Quoi ? Impatiente ? s'exclame-t-il.
  • Pour ? Je rétorque impassible.
  • Eh bien, tu sais ! surenchérit-il en se léchant les babines. 

Je grimace, son discours habituel n'est pas différent ce qui induit qu'il est bizarre et mène au quiproquo. Il éclate de rire, et reprend tout sourire:

  • Que je suis bête ! Bien sûr ! Tu ne sais rien.

Exaspérée, par son cinéma, je ne réponds pas, pas très emballé par son jeu.

  • Chaque année, un événement étrange bouscule les médias et la société, mais personne n'y prête vraiment attention. C'est bizarre oui, c'est louche oui. Mais c'est qui ces gens ? Hein ? De la merde, des miettes dans l'histoire de l'humanité. Des parasites de la communauté. On n'en veut pas donc bon débarra ! Les seize pauvres personnes s'envolent, chaque année, et tout le monde n'en a rien à foutre !

Ma curiosité est piquée au vif. Il a finalement utilisé ce mot, oui le fameux mot qui ensorcelle la bouche des habitants d'Elario, ses derniers jours.

  • Pardon ? Tu as dit qu'ils s'envolaient...
  • Oui, toutes les années, cède-t-il comme si cela relevait de l'évidence pure.

Coke marche avec tranquillité, à travers les murs de la cave, sans se préoccuper de mon hébétement. Le jeune homme se gratte la tête et murmure des paroles insolites, complètement subjugué par l'objet détenu entre les paumes de ses mains.

  • C'est bien ça... Maintenant, je suis... Mmm... Oui... un peu comme le roi.

Tout d'un coup, il retourne vers moi. Surprise, je sursaute me cramponnant aux accoudoirs de mon fauteuil.

  • Savais-tu que grâce à ta prestation, je vais devenir le roi de ses caves, même puis-je dire de cette prison ? Cette clef va me permettre d'ouvrir un coffre qui contient...! N'est-ce pas magnifique ? C'est un coup de génie ! Je suis un véritable génie ! C'est moi qui te le dis ! Je suis l'homme le plus intelligent de l'U.N.I.V.E.R.S. magnifique.

Lassé d'écouter ces monologues à deux balles, je me lève de mon siège et m'avance vers Coke. J'ai risqué ma vie pour que ce petit enculé puisse consolider sa carrière de meurtrier et de drogué suprême. Je le hais et moi par la même occasion pour avoir accepté de faire une chose pareille.

  • Je n'en ai absolument rien à foutre, d'accord ? On avait un accord, alors respecte-le et après ferme un peu ta grande gueule.

Pendant un instant, le silence plane. Le prisonnier fait résonner son rire frissonnant. Il est vrai qu'en temps normal je n'aurai oser lui parler de la sorte, mais aujourd'hui n'est pas un jour normal. Une ultime chaîne s'est brisée à l'intérieur de moi.

  • Eh bien, ma douce, on peut dire que tu as du chien. C'est pourtant si simple. Voilà, écoute-moi bien: les disparitions c'est le 22 juin, l'envolée de l'espoir noir est dans 10 jours et nous sommes le 12 juin... Sois un petit plus futé.

Comment ai-je pu passer à côté d'un tel indice ? Tous semblent instantanément s'imbriquer dans ma tête, mais une des pièces du puzzle manque à l'appel. Je n'arrive point à me l'approprier.

  • Donc si je comprends bien les prisonniers ont nommé le jour des seize disparitions « l'envolée de l'espoir noir » ?

Il hoche la tête et sourit de plus belle, je n'assimile pas comment il peut trouver du plaisir dans une histoire pareille. Cook est un psychopathe, je ne vois aucune autre explication à son comportement irrationnel. Ma tête fume sous toutes les questions qui s'agitent à l'intérieur de moi.

Le capitole affiche cet événement telle une information futile aussi bien qu'au fils des années. La population a effacé les interrogations qui auraient pu l'encombrer. Après tout, comme le disait mon dealer pourquoi donner de l'importance à la probable mort de seize criminels ?

  • C'est un jeu, déballe Cook avec vivacité.
  • Un jeu ?
  • Un jeu d'enfants. Les règles sont très simples. Le premier qui arrive en haut a gagné. Le prix est quant à lui très alléchant. Que d'avantages pour nous, car on est les seules à pouvoir y participé. La capitale m'épate de par une telle imagination, ils sont d'une charmante cruauté, les gens là-ba... avoue-t-il béat d'admiration.
  • Je ne te suis pas. De quoi parles-tu ? Questionné-je perdu.
  • C'est un jeu trèèèèèsss spécial. Il y a un bon ainsi qu'un mauvais côté. Comme dans ainsi dire toute cellule de cet univers. Tu te rappelles ? La liberté ou la mort. Tu gagnes, tu es libre comme le vent, tu perds on te creuse une tombe. Pourtant, assez clair, non ?
  • Seizes prisonniers d'Elario disparaissent, chaque année, pour participer à une sorte de jeux morbides ou ils doivent s'entretuer les uns les autres et dont le prix est la liberté ? C'est une blague ? Je savais que tu allais me raconter n'importe quoi ! m'énervé-je, révolté par sa bêtise.

Cook s'indigne et me répond aussitôt:

  • Un peu de respect, s'il te plaît, pour commencer, le jeu ne se résume uniquement pas à cela. C'est une énorme insulte à sa réputation. Et pour finir, je ne mens jamais ! Comment peux-tu me croire capable de faire une chose pareille, hein? Que gagnerai-je à te faire avaler un truc aussi gros ?

Je ne lui fais pas confiance... En revanche, il faut avouer qu'il n'a pas tort. Après, il est possible qu'il veuille tout bonnement s'amuser de moi. Je reste donc sur mes gardes et attends la suite de ses révélations pour me faire une opinion.

  • Et qui organiserait une telle barbarie ? J'ajoute.
  • La capitale est sournoise, le jeu est trèèèèès spéciale. D'un point de vue stratégique, ils sont plus intelligents qu'on ne le croit. En créant ce jeu, ils sont en possession des meilleures cartes sur la table. À la fois, ils effraient la population ayant un semblant de pouvoir, à fin de ne pas se retrouver sous la joue d'une révolution et dans un deuxième temps cela sert de distraction...

Il prend une voix claire est hautaine.

  • « Gardons la paix sur son trône et vous ne finirez jamais à devoir salir votre âme, chers occupants de la nation de Koram » C'est pas mal, non ? Ils m'impressionnent... J'ai oublié de te dire: c'est un jeu télévisé, une télé-réalité en quelque sorte. Il ne la diffuse que sur le territoire de Zaia.

J'ai l'impression d'avoir pris un coup sur la tête, je suis dépassée par ce flot d'informations qui me submerge d'un coup.

  • Le...Euuuh...Jeux à un nom ? bafouillé-je.

Le seul fait de prononcer une telle phrase m'écorche la gorge. Comment peut-on donner un nom à une telle infamie ?

  • The Tower, répond-il un sourire maléfique inscrit sur son visage. »

Colère ou tristesse ? Courage ou peur ? Envie ou dégoût ? La faim ne me titille même pas alors que j'ai sauté un repas, les récentes révélations m'ont déboussolé. Un mot m'est resté au bout de la langue, plus rien n'est pareil lorsqu'on me le présente. Liberté.

En ces jours caractérisés par l'intransigeance des barreaux, sa signification est précieuse, délicate, presque irréelle. Liberté.

Comment pouvoir t'oublier ? Tu effacerais presque le danger de mort qui me menace farouchement. Liberté.

J'en ai égaré ton goût, tant de distance immuable nous disloquant. Tu éveilles mes convictions, mes rêves, contribues à mon oxygène, ma chair. Entendre ta douce mélodie me donne l'impression d'un nouveau souffle. Tu m'es inaccessible et intouchable. Liberté.

Presque résolu à ôter la vie pour ne serait-ce que n'en jouir une dernière fois. Tu me manques. Cela me démange, me ronge. Liberté.

Je n'ai plus rien à perdre de l'autre côté de ces murs, mon ultime ange s'est envolé. Je veux me venger de cette vie qui continue malgré tout à me torturer. Liberté.

Tu es la seule qui peut encore me sauver de ces tourments.

Ma décision est claire. Le désir est trop fort, trop puissant, je ne peux que baisser les armes devant elle. Liberté.

Toi qui rythmes mes rêves.

Colère ou tristesse ? Colère. Courage ou peur ? Courage. Envie ou dégoût ? Envie. Je veux être l'une des seize disparues de The Tower, je veux me donner une chance de rejoindre la liberté. Il ne me reste plus qu'une chose à faire: m'envoler.

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