CHAPITRE V - Partie II

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J'entends son souffle se figer. Le jeune homme détache ses mains de mon visage. Il continue de me fixer. Péniblement, le blond ravale sa salive. Il parait surpris, mais tout aussi heureux et nerveux.

  • Qui est le père ?

Voilà la question tant attendue. Je m'y suis préparée.

  • Probablement de toi, enfaite sûrement de toi...

Voilà la réponse, tant attendue. Il se crispe instantanément, en entendant la réponse. Je le vois resserrer ses poings et son regard se perdre dans la foulée.

Quant à moi, j'essaye de capter son attention, cependant, il semble irrémédiablement ailleurs. Lors de ces fractions de secondes, je n'arrive à exécuter le moindre mouvement. Je suis pétrifiée. Mes pensées se braquent dans tous les sens.

  • Je n'y crois. Je vais être père. Père... Lâche Bewen ému.

Ému ? Est-il vraiment frappé émotionnellement ? J'en doute, je ne sais quoi répondre. Subitement, il m'attrape par les bras et commence à succomber à l'excitation.

  • Je suis prêt à faire des sacrifices inimaginables pour cette enfant ! Notre enfant, répète le jeune homme en exagérant sur le « notre ». N'importe quoi ! Tu comprends ? Je te protégerai toi et le bébé. Je veux l'élever, ici ! On aura qu'à engager une nourrisse ainsi que des domestiques, triés sur le volet. On prendra les plus fidèles et on payera leur silence à prix d'or. Nous viendrons le voir toutes les semaines ! Et quand il sera grand... !

Je n'avais osé le couper dans son récit, mais cette phrase est de trop... Quand il sera grand ? Quand il sera grand quoi ? Nous changerons son nom et on le fera adopter ? On l'enverra vivre une nouvelle vie comme si de rien n'était ? On le laissera moisir ici sans la possibilité d'une vie normale ?

Bewen n'a toujours pas compris les enjeux de cette grossesse non désirée. Il est de mon devoir de le remettre à sa place. Je ne peux pas le laisser se bercer d'illusions et mettre en toute conscience, en danger la vie de mon enfant.

De toute manière, ma décision était d'or est déjà prise. Je pris une grande inspiration. Je dois faire preuve de courage.

  • Bewen ! je le coupe dans sa longue épopée avec fermeté.
  • Quoi ? répond-il choqué par mon intervention.
  • Écoute-moi. Écoute bien ce que je vais te dire.

Ses yeux expriment une incompréhension sans merci. C'est à mon tour d'encercler sa tête de mes mains.

  • Tu n'élèveras pas l'enflant comme le tien. Il va rester avec moi et Sébastien, il sera sous notre responsabilité. C'est sans doute mieux ainsi.
  • Pardon ? Si je comprends bien tu veux m'arracher à mon enfant ! crache d'emblée le blond en ce détachant de moi, furieux.
  • Non, non ! Enfin ! Tu te rends compte des conneries que tu racontes ? Je suis désolé, mais tu envisages quel avenir pour une fille ou un garçon caché au beau milieu de l'océan sur une ile ? Isolé du monde entier ? Il ne pourra pas grandir de manière correcte... Et surtout rester enfermé dans ce manoir indéfiniment ! C'est loin d'être une vie décente ! Nous avons mieux à lui offrir.
  • Et moi dans tout ça ? Je reste tout de même son père, merde quoi ! beugle-t-il imprégné d'une haine ravageuse. Je veux le voir !
  • Et moi sa mère ! Ne sois pas aussi égoïste ! S'il existait une autre solution, tu sais très bien que je l'aurai choisi !

L'atmosphère est électrique. Les voix s'échauffent et augmente peut à peu. Maintenant que la bombe a été lâchée, le résultat ne manquera pas d'être explosif. Les cris évasées annoncent un retour en arrière impossible.

Je me sens bouillir de l'intérieur. La colère me manipule et je ne sais pas comment je vais faire pour la contenir encore plus longtemps.

  • Tu sais quoi ? Si tu voulais élever cette enfant avec moi, tu n'avais pas qu'à épouser cette salope !
  • Pardon  ? Tu te fous de moi là  ! menace Bewen.

Il se rapproche dangereusement de moi.

  • Je te rappelle qu'elle est tout de même ma femme !
  • Alors, va faire un enfant avec ta putain de femme dans ce cas ! Je crie.
  • Et toi alors ! Tu te crois parfaite, peut-être ? Tu as fait autant d'erreurs que moi je te rappelle en épousant cet énorme connard ! m'accuse-t-il.
  • Je n'avais pas le choix ! Je n'ai absolument rien choisi dans ma vie, rien ! Je n'ai fait qu'obéir aux ordres ! Et d'ailleurs, tu étais censé me sortir de ce cauchemar ! Tu m'avais promis de me sauver ! Mais comme d'habitude tu as baissé les bras. Parce que tu n'es qu'un lâche qui n'aura jamais le courage d'enfin prendre sa vie en main et d'affronter ses parents, une bonne fois pour toutes ! Alors, ne t'avise plus jamais de me blâmer pour des choses que je ne possède pas l'infime pouvoir de changer, dont toi et ta pauvre petite personne ! Je ne peux pas changer ce que tu es Bewen ! Voilà, une des nombreuses erreurs que j'ai pu commettre. Il n'y a que toi qui en sois capable ! Je clame remontée à bloc contre.
  • Pourquoi aurais-je gaspillé mon énergie et mon temps à sauver une fille qui ne le mérite pas, hein ? débite-t-il sèchement sans avoir pris la peine de réfléchir au sens de ses paroles piquantes.

Je n'ai pas pu me retenir. Je n'arrive même plus à soutenir son regard une seule seconde. Mon visage baigne dans les larmes, ses mots  m'ont transpercé en plein cœur.

De tout ce qu'il aura dit au cours de ces 4 dernières années, cette phrase aura été la pire. Je suis touchée, plus qu'on ne pourrait le croire. Le plus terrible c'est qu'il ne semble déplorer son discours un instant jusqu'à la vue de mes yeux devenus couleur sang.

  • Je suis vraiment désolé. Je regrette... bégaye-t-il en s'approchant de moi .

Il essaye d'attraper mon bras pour se faire pardonner, mais en vain je ne lui en laisse pas la possibilité. Je n'ai aucune envie de sentir le moindre contact de sa part. Je suis ors de moi ! Mes sentiments vacillent entre rage et chagrin.

  • Tu ne le verras jamais. Je ne veux pas que tu l'approches et je ne souhaite encore moins que tu penses à lui. Il ne fera pas ta connaissance. Car crois-moi, il sera bien plus heureux sans ta présence, j'avoue froidement d'une traite, le regard électrique.

Immobile face à moi, il ne prononce pas un mot.

  • Tu ne seras pas son père. Son véritable père sera Sébastien. Tu ne seras à ses yeux qu'un inconnu. Une silhouette insignifiante.

Il ne bouge toujours pas.

  • Tu te retrouveras vraiment, tout seul cette fois. Car je vais t'abandonner comme tu la fais il y a un an de cela. Je vais t'oublier. Et tu ne compteras plus pour moi. Tu seras un fantôme de mon passé, une mauvaise rencontre. En soit, personne. Je n'aurai plus qu'à t'effacer de ma mémoire. Et tu sais pourquoi je vais faire ça ? Parce que je veux te voir souffrir. J'espère du plus profond de mon cœur ! Non. Je donnerai tout pour te voir tordre de douleur de l'intérieur. C'est mon unique souhait en cet instant précis. Tu vivras, aimera et crèvera seule !

Ses yeux s'engorgent de larmes amères. C'est la toute première fois que je le vois pleurer. Je suis désespérée, désemparée, au bord du gouffre.

Ai-je dit la vérité ? Ai-je menti ? Aurai-je tort ? Aurai-je raison ? Mon esprit embrouillé par la colère n'arrive plus à faire la différence entre le bien et le mal. J'éprouve un tas de sentiments contradictoire.

Soudain, alors que je viens de baisser ma garde, il se rue vers moi et me plaque avec sauvagerie contre un mur m'attrapant les deux poignets par la même occasion. Ma tête heurte fortement la paroi.

Le jeune homme s'emporte contre moi. Comme mainte fois auparavant, il a perdu le contrôle de lui-même. La violence le consume. Et malheureusement, il n'y a plus rien que je puisse faire pour l'arrêter.

Bewen me projette à travers la pièce. Et la première chose que je fais est de protéger mon ventre, avant chaque chute. Je tombe et essaye de me relever sentant les larmes brouiller ma vue. Mes bras tremblent, il m'est difficile de me soutenir bien longtemps.

Je suis incapable de me battre contre ce monstre ou de m'en sortir indemne. Je hurle de toutes mes forces lui demandant clémence, pour le bébé au moins... Pour lui.

Cependant, la pitié ne semble pas appartenir à ses qualités. Il évite de me frapper dans le ventre, ce qui est mieux que rien. Mon corps est meurtri des coups qu'il m'assène en continu alors que je gis sur le sol telle une morte.

Une minute de calme me suffit à comprendre qu'il est prêt à me servir le coup de grâce. Il agrippe mes cheveux et propulse ma tête, à travers un miroir. Je ferme les paupières en pesant que cela fera peut-être moins mal. Toutefois, mes pupilles se heurtent à la rencontre d'un millier de morceaux de verre jonchant le plancher.

Le noir assainit doucement mes yeux. Il devient un obstacle gênant à ma survie, pourtant, je ne peux m'abstenir de l'accueillir comme un ami, une aide pour quitter la douleur.

Avec prudence, mes paupières essayent de se soulever. Mais un important flot de lumière aveuglant m'ensevelit. Je n'ai aucune idée d'où il vient. Ma vue est floue. Je n'arrive pas à distinguer correctement le contour des objets.

De légers bruits se blottissent à mes tympans. Ce sont des murmures, des paroles apaisantes. Je ne bouge plus. En faite, je n'ai aucun moyen d'effectuer le moindre mouvement. Je sens des bras m'enlaçant, ils me bercent au rythme des notes. C'est une mélodie délicate qui chatouille mes oreilles :

« When the night has come
And the land is dark
And the moon is the only light we see
No I won't be afraid
No I won't be afraid
Just as long as you stand, stand by me
And darling, darling stand by me
Oh, now, now, stand by me
Stand by me, stand by me

Je souris faiblement. Je ne sais absolument pas ce qui se passe, je ne sais absolument pas où je suis. Tout ce que je sais, c'est que je suis apaisé dépourvu de douleur. J'aime bien cette chanson, oui je l'aime bien.

If the sky that we look upon
Should tumble and fall
And the mountain should crumble to the sea
I won't cry, I won't cry
No I won't shed a tear
Just as long as you stand, stand by me
And darling, darling stand by me
Oh, stand by me
Stand by me, stand by me, stand by me
Whenever you're in trouble won't you stand by me
Oh, now, now, stand by me
Oh, stand by me, stand by me, stand by me
Darling, darling stand by me
Stand by me
Oh stand by me, stand by me, stand by me »

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