Une affaire compliquée

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Il faisait déjà une chaleur torride lorsque le commissaire Diedenhofen pénétra dans le Parc du Roi d’Espagne, quartier résidentiel de la banlieue marseillaise.

 

Très ponctuel de nature, il était neuf heures quarante-deux lorsqu’il sonna à la grille du Clos des Amandiers.

 

En voyant s’approcher la bonne de la maison, sa température intérieure monta encore de quelques degrés. Elle n’était pas jolie-jolie, si vous voulez, mais tout simplement irrésistible pour ceux qui aiment ce genre là. Elle disposait en particulier d’une paire de seins suffisamment gros pour faire de l’ombre à ses pieds.

 

--  Fou tézirez ? dit-elle avec un fort accent germanique qui l’extirpa de l’abîme de contemplation dans lequel il se trouvait.

--  Diedenhofen, gomissaire de bolize, euh, pardon, commissaire de police, se présenta-t-il, en lui décochant le plus engageant de ses sourires. J’ai rendez-vous avec Monsieur Claude de la Bretèche.

 

Faute de mieux, elle déboutonna ses paupières et lui fit don de deux beaux yeux gris clairs enveloppés de cils noirs, où il crut déceler un léger étonnement.

 

--  Suifez-moi, inzbegdeur, Matame fou zattend, gutura-t-elle en ouvrant la grille grise aux gongs grincheux qui grincèrent.

-- « Pas inzbegdeur, commissaire, et j’avais rendez-vous avec Monsieur de la Bretèche et non pas Madame » rectifia-t-il, mais il est des invitations auxquelles il n’avait jamais pu résister, et il emboîta le pas de la soubrette qui lui exposait à présent la face nord de son anatomie.

 

Distrait par les ondulations de la croupe teutonne qui le précédait, il prêta peu d’attention aux salons richement décorés qu’il fallut traverser pour atteindre l’autre côté de la villa. C’est là que le rêve prit fin et qu’il fit connaissance avec Monsieur de la Bretèche.

 

Monsieur de la Bretèche avait l'air crispé. Autour de lui, la poussière était rouge.

 

--  Vous avez fait très vite, commissaire, dit une femme à genoux à côté du corps.

Puis se ravisant :

--  Mais vous n’êtes pas le commissaire Diedenhofen !

--  Absolument, chère madame, Commissaire Diedenhofen, pour vous servir. Votre mari a téléphoné ce matin à neuf heures. Il craignait pour sa vie. J’ai fait au plus vite.

--  Vous voudrez bien l’excuser, mais je ne pense pas qu’il soit en état de vous recevoir, cher Monsieur, dit-elle en soupirant, esquissant un geste du menton en direction du cadavre. Vous arrivez trop tard. Trop tard pour mon mari, et trop tard pour arrêter le meurtrier. Le commissaire Diedenhofen l’a surpris tout à l’heure et l’a abattu avec son arme de poing.

--  La douleur vous égare, madame. Le commissaire Diedenhofen, c’est moi, et je vous assure n’avoir tué personne depuis la guerre de 14-18, au moins.

 

Elle soupira en prenant l’air des premiers martyrs  chrétiens s’efforçant de faire bonne figure sur le bûcher.

 

--   Mais, Monsieur, je vous assure que le commissaire Diedenhofen se trouve, pour l’instant, au fond du parc, où il prend les empreintes du meurtrier de mon mari.

--  Si vous voulez bien me conduire jusqu’à lui, Madame, je serais très curieux de faire sa connaissance, souffla le commissaire Diedenhofen en poussant un soupir qui semblait venir de la plante de ses pieds.

--  Suivez-moi, dit-elle, sur un ton de lassitude inexprimable, en rejetant en arrière sa tumultueuse chevelure et en dissimulant un sanglot retenu derrière ses mains manucurées.

 

En voyant arriver le couple, le commissaire Diedenhofen, d’aspect peu sympathique et comme bouledogueux, interrompit son travail.

 

--  Foilà, nous allons enfoyer les embreintes au lapo, dit-il.

 

--  Commissaire Diedenhofen, je vous présente le commissaire Diedenhofen, dit Madame de la Brétèche en offrant le panorama de ses dents à Diedenhofen et Diedenhofen.

 

L’atmosphère était tendue comme la main d’un mendiant à la sortie de la grand-messe. Le temps se démultipliait. Chaque seconde pesait une tonne. Diedenhofen esquiva un geste vers son arme, mais Diedenhofen, plus rapide que Diedenhofen, lui décocha un formidable coup de poing que l’autre para, fort habilement d’ailleurs, avec son œil gauche, ce qui eut pour effet immédiat de le mettre dans un état semi comateux.

 

Pas un muscle de la physionomie du commissaire Diedenhofen ne tressaillit.

 

--  Pourquoi avez-vous tué Monsieur de la Brétèche ? Demanda très discrètement le commissaire Diedenhofen au commissaire Diedenhofen, en lui cassant un bras.

 

Madame de la Brétèche assistait, impuissante, à la scène, et, de guerre lasse, se résignait à n’y rien comprendre.

 

--  Je n’ai pas dué Monzieur de la Brétèche, grinça Diedenhofen en grimaçant, mais le meurdrier de Monzieur de la Brétèche. Ce zalaud édait l’amant de Mae.

 

Tout s’expliquait : Monsieur de la Brétèche avait fait appel aux services d’un détective privé, Joe l’irlandais, et avait tué sa première femme. La soubrette Mae avait tué Joe. Elle était l’épouse du faux commissaire et la maitresse du meurtrier de la Brétèche, ou l'inverse.

 

C'était l'explication qu'il entendait donner au commissaire principal qui, de toute façon, n'y comprenait jamais rien. Ce coup de filet lui vaudrait certainement de l’avancement.

 

 

Note de l'auteur : Relisez le titre : je vous avais prévenu.

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