Un été torride

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La semaine venait de se terminer par une idée lumineuse : « Tous les meurtres avaient été commis en été ». Il fallait donc avoir l’œil et redoubler de vigilance. 

Je dis « lumineuse » parce que c’est ainsi que le commissaire qualifiait habituellement ses idées, mais, à vrai dire, celle-ci ne m’éclairait pas tellement. 

Vous verrez, Marfau, avait-il ajouté en s’épongeant le front, l’été commence et il y en aura d’autres. Il-y-en–aura-d’autres… 

*** 
Au même moment, quelques centaines de kilomètres plus au sud, il faisait encore plus chaud. Les ondes rythmiques des cigales – clamant leur allégeance indéfectible au roi soleil – envoûtaient la campagne. 

Comme à son habitude, la mère Michelle se rendait avec une lenteur de gastéropode ankylosé jusqu’à la grange où l’attendait une bicyclette qui faisait la convoitise des brocanteurs. 

Tous les vendredis, elle se rendait au village pour aider son gamin aux travaux des champs. Le petit allait sur ses soixante quinze ans et peinait à l’exploitation de ses quelques hectares. 

Elle enfourcha son vieux vélo rouillé avec d’infinies précautions et à une allure quasi onirique. 

Son déplacement sur cette monture grinçante était un véritable défi aux lois de l’équilibre. 

Tout serait bien allé - les lois de l’équilibre en ayant déjà vu d’autres - si Joseph ne s’était pas trouvé là. 

Joseph était particulièrement de mauvaise humeur. Encore plus que d’habitude. L’œil nitescent et les vibrisses frémissantes, il émettait sans cesse des grognements borborygmiques de bougon perpétuellement mécontent. Cela était dû, sans doute, à son visage ingrat recouvert de boutons, son horrible haleine, ses épaules en carafe, son insoluble problème d'aisselles dégoulinantes, ses fesses plates et ses oreilles en portes de grange. 
Ceux qui osaient encore l’approcher prétendaient voir dans son œil l’éclat fiévreux d’une haine définitive vouée à l’humanité toute entière. 

L'essentiel de la capillarité broussailleuse de Joseph émergeait de ses oreilles et de son nez constamment agacé par les poils de sa moustache grillés par l'éternel mégot de gitane maïs mille fois rallumé. 

Il soulageait ces horripilantes démangeaisons en frottant son nez couperosé comme un champignon vénéneux avec le revers de sa main. 

Ce geste lui avait valu de nombreux revers, chiens, chats, poulets et autres animaux écrasés par son volumineux camion, mais de mère Michelle, jamais. C’était une première. 

Il jura, immobilisa tant bien que mal son véhicule dans un nuage de poussière et vint contempler sa victime. 

Sans vouloir se l’avouer, il aimait bien contempler ses victimes. 

Il ne trouva qu’un vélo tordu et sans animosité dont seule une roue paraissait encore vivante et couinait faiblement… 

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