Un été torride (Suite)

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Des photographies d’accidents, éparpillées sur le bureau du commissaire, lévitaient au rythme d’un énorme ventilateur rouillé à la rotation gémissante. 

Vous vous souvenez de cette série d’accidents sur les routes des vacances, l’année dernière ? En fait, il s’agissait de meurtres. Il faisait très chaud et l’affaire a transpiré… 
Vous m’entendez Marfau ? Parfois, je me demande si vous comprenez tout ce que je vous dis. 
Il y en aura d’autres, j’en ai le pressentiment, ajouta-t-il en s’épongeant front. 

*** 

Au même moment, quelques centaines de kilomètres plus au sud, la terre se pâmait de chaleur ; le sol brillanté de réverbérations luisait comme les chaussures neuves d’un curé de campagne. 

Joseph se grattait les fesses à travers sa soutane en contemplant d’un air dubitatif le vélo tordu qui agonisait devant son véhicule. 

Il sursauta et se signa rapidement lorsque tomba du ciel une voix chevrotante dont l’intonation faisait penser au mouton appelant ses petits à l’époque de l’agnelage. 

La mère Michelle était sur le toit de sa maison et semblait lui faire signe. 

Joseph repéra une échelle appuyée contre le mur des écuries et fit descendre la miraculée qui ne cessait de répéter ah, monsieur le curé, ah, ah, ah, monsieur le curé, ah, monsieur le curé. 

Elle semblait vouloir continuer ainsi un bon moment, mais après avoir dit « monsieur le curé » à peu près six fois et « ah » une bonne douzaine de fois, elle réussit à s’arrêter en contemplant la tache d’huile qui s’échappait du véhicule de monsieur le curé. 

Ce n’est pas grave, monsieur le curé, Paulo vous conduira chez Renaud pour la réparation. C’est le garagiste qui entretient ma bicyclette précisa-t-elle pour le rassurer tout à fait. Elle se baissa pour ramasser ses bésicles avant qu’elles ne soient rejointes par le liquide noir. 

Ahhhh, monsieur le curé ! Ahhhh, monsieur le curé, reprit de plus belle la femme rabougrie en se rabougrissant davantage lorsque ses lunettes lui révélèrent le visage de Joseph sous la barrette noire. 

Paulooooo, Paulooooo, appela-t-elle au secours, emporte vite monsieur le curé chez Renaud. 

Paulo, surgissant de la grange au vélo rouillé, arriva dans l’instant et jeta un rapide coup d’œil à la dérobée sur l’homme en soutane. Ce curé là était bizarre. Il en avait peu vu avec un nez aussi turgescent et une moustache grillée à la gitane maïs. Un curé de quartier ouvrier, se dit-il. Aujourd’hui, on voit des curés à la télé en blouson de cuir et cheveux longs. Les temps ont bien changé. 

Un gros rire lui parut indispensable pour dissimuler sa surprise mais il s’étouffa et Joseph trouva opportun de projeter sur les ténèbres de sa stupeur la lumière profuse de la fort simple explication : On m’a chargé de débarrasser les banlieues des déchets sociaux, dit-il. Enfin, je veux parler des brebis égarées, mon fils, et je dois vivre un peu comme eux pour mieux les comprendre. 

Sentant la nécessité de soulager sans plus tarder la mère Michelle de cette présence incongrue, Paulo ouvrit toutes grandes les portes de la grange, dans laquelle trônait une magnifique Juva 4 des années cinquante qui semblait faire sa fierté. 

Je vous emmène à la ville. Vous allez voir, monsieur le curé, c’est une 747 cm3 capable de faire des pointes à 95 km/h. 

Sur la petite départementale sinueuse, Paulo ne tarissait pas d’éloges sur sa petite merveille. 

Elle a même la radio, dit-il en allumant un vieux transistor relié à une antenne accrochée à la portière. 

Clic – « … venez d’entendre la cinquième symphonie de… bizzzzz… criouïïïc… l’ouverture de France 24 que vous pouvez désormais visionner sur intern… tiouuuuiiiit… ise en examen par… chchchch… midables embouteillages qui paralysent toute la région … » 

Paulo s’énervait en maugréant sur les touches de présélection. Ah, les infos qui se répètent tous les quarts d’heures, on se lasse au bout d’un moment ! 

Clic – « vous n’avez pas le montant de la val… crrrrrr… » 

Faut juste bien le régler. Vous allez voir. Une fois qu’on a trouvé le bon canal, c’est impeccable…. 

Clic – « vous propose à présent le troisième mouvement bizzzzzz… » 

Décidément, aujourd’hui, il n’y a que le canal des infos qui fonctionne à peu près. 

Clic – « Dix-neuf heures trente, nos rappels de l’actualité… » 

Paulo insistait sur les touches noircies de crasse du vieux transistor. 

« …pête accompagnée de fortes pluies et de violentes rafales a traversé vendredi la Fran… 

Meuh non, bon diou de bon diou. Heu, pardon, m’sieur l’curé. 

« Un flash de dernière minute : Joseph Bourdayanne, dit « Le curé de campagne », s’est effectivement évadé du Centre psychiatrique de Saint Ylie. Nos correspondants nous le confirment » 

Ah, ça y est : Cette fois, ce sont bien les informations. 

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