Chapitre 21

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- Et toi, Nat, ? m’interrogea Bruno. Qu’est-ce qui te plait le plus, dans tes études de droit ?

Le jeune homme venait de me décrire ce qu’il était amené à réaliser au cours de son doctorat en biologie.

« En fait non, je ne suis pas difficile, » me dis-je soudain. Ce gars m’aurait probablement fait de l’effet quelques semaines auparavant, et je serais peut-être revenue sur mes paroles comme quoi je ne voulais pas d’un mec… Mais désormais, si je devais en avoir un, mon choix se porterait sur une seule, unique, imparfaite personne, et je perds mon temps ici.

- J’aime le fait qu’on traque l’erreur, l’anomalie, qui pourrait faire basculer une situation en notre faveur, répondis-je, en vidant d’une gorgée le reste de mon chocolat chaud fumant. Rien n’est prédit à l’avance, on a beau évoluer de manière calculée et précise, l’issue du combat reste parfois imprévisible. De nombreux facteurs entrent en compte dans son dévoilement, et c’est un processus qui demande de la patience.

Je décidai de ne pas faire le même coup qu’au pote d’Evie, que j’avais laissé en plan au beau milieu de la soirée, l’autre jour. Cette fois, j’allais aller au bout de cette rencontre, et j’allais m’expliquer convenablement.

- Je vois, ce doit être passionnant aussi, dit Bruno.

Son sourire enjôleur s’agrandit lorsqu’il posa ses prunelles au regard puissant sur moi. Je le fixai, les yeux résolument plantés dans les siens. Un instant, mon pouls s’accéléra, sous l’effet de l’intensité de cet échange.

Evie se mit alors à déblatérer contre son patron, qui lui menait la vie dure depuis qu’elle faisait partie de ce magasin de vêtements chics, mais je l’entendais à peine. Je ne parvenais pas à détourner les yeux du jeune homme.

« Et mince, je ne suis pas aussi hermétique à son charme que je ne le croyais… Il faut dire qu’il est vraiment attirant, quand même. »

Bruno porta sa pinte à ses lèvres, le regard toujours plongé dans le mien, une étincelle d’assurance nouvelle dans ses iris azur.

Je réalisai qu’il venait de comprendre que je n’étais pas insensible à sa beauté et son élégance naturelle. Cette soudaine prise de confiance chez lui me procura presque un haut-le-cœur.

Il avait tout à coup l’air si serein et à l’aise, comme s’il était déjà en territoire conquis. Je pouvais deviner qu’il se projetait, certain de m’avoir dans sa poche gonflée par ses ischio-jambiers athlétiques.

- …Et j’hésite vraiment à démissionner, en fait, acheva Evie. Vous en pensez quoi ?

- Mmh ? fis-je, tournant la tête vers mon amie, dont je n’avais pas écouté un mot du discours. Oh, tu devrais suivre ton cœur, bien sûr.

Si elle l’avait remarqué, Evie ne releva pas le sarcasme dans ma voix et dit :

- Oui, probablement… Mais j’ai peur de me retrouver sans rien, de ne pas pouvoir rebondir. Enfin bref, je vais devoir y aller, je bosse, ce soir. Je vous laisse faire plus ample connaissance, les gars !

Je savais qu’elle s’apprêtait à me refaire le coup de me laisser seule avec la proie qu’elle avait choisie pour moi et je ne comptais pas me laisser faire, cette fois. Même si ça part d’une bonne intention, je n’en veux pas, de ses mannequins taillés sur mesure.

- Evie, qu’est-ce qui t’empêche d’être toi-même avec Bruno ? lançai-je, avant qu’elle ne ramasse son sac-à-main.

- Oh, répondit-elle, surprise, en lançant un regard au jeune homme. En fait, on a déjà eu une aventure ensemble, il y a un moment. On est restés en bons termes, et je…

- D’accord, je vois, eh bien, désolée, les potes, mais je vais rentrer chez moi aussi. Bruno, tu m’as l’air très sympathique, mais je ne suis pas intéressée, je ne veux pas qu’il se passe quoi que ce soit, même une histoire purement physique, entre nous. Je ne me fais pas de souci pour toi, je suis certaine que tu n’es pas à plaindre et que tu trouveras très facilement quelqu’un avec qui ça matchera. Bonne fin de journée, et ne vous souciez pas de régler l’addition.

Je me mis debout, sous le regard éberlué de Bruno et Evie, et entrai dans le bar pour payer nos consommations.

En rentrant chez moi, je me sentis bien plus légère. Même si ça me coûtait, j’avais finalement accepté une réalité qui m’effrayait.

Quoi qu’ait fait ou dit Julien durant le temps que nous avions passé ensemble, il s’était produit un truc. Une étincelle dans mon cœur, que j’avais cherché à étouffer par peur du brasier dévorant, de l’incendie dévastateur auquel cette simple étincelle pouvait mener, si je l’alimentais et la laissait s’étendre en moi.

Et personne ne pourrait imiter ou égaler ce qu’il me faisait ressentir en cet instant, parce qu’il était le seul avec lequel j’avais envie de me projeter.

Je ne pouvais pas me voiler la face et nier cette évidence plus longtemps.

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