Cauchemard

10 minutes de lecture

La sonnerie stridente du téléphone retentit dans le local du personnel. Une infirmière s'approcha et décrocha.

- C'est pour toi, déclara t elle à Gaby en lui tendant le combiné, après quelques minutes d'échange

- Qui est ce ? demanda la jeune femme, surprise.

- C'est l'armée, lui répondit laconiquement l'infirmière.

Gaby se tenait assise, immobile dans sa tenue d'infirmière et fixait sa collègue. Elle profitait de sa pause pour déjeuner et feuilleter quelques magazines.

- L'Armée ? Que veulent ils ? demanda t elle, l'angoisse perçant dans sa voix.

Mais au fond de son cœur, elle savait. Elle connaissait des femmes ayant reçu ce genre de coup de fil, en pleine journée ou au milieu de la nuit. Sa pire crainte était arrivée....

- Je ne sais pas, lui répondit sa collègue.

Gaby se leva d'un bond et attrapa le combiné, les mains tremblantes. Avant de sortir, sa collègue lui posa délicatement la main sur l'épaule, dans un geste amical.

- Gaby WinterHood.

- Mme Gaby WinterHood ? Epouse du Sergent M. Mickael WinterHood ?

- Oui, c'est bien moi, répondit elle d'une voix qu'elle voulait assurée.

- Madame, nous vous contactons pour vous indiquer que votre mari a été rappatrié de sa mission en urgence.

Bien qu'elle eut deviné la raison de cet appel, l'annonce par cette voix froide de l'accident tomba sur Gaby comme un couperet et la laissa comme assomée, sans voix.

- Madame ? demanda la voix féminine, alors que le silence s'éternisait.

- Oui,je vous écoute. Comment va t il ? parvint elle a peine à articuler.

- Il a été rapatrié d'urgence à l' hôpital militaire.

- Que lui est il arrivé?

- Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.Vous êtes invitée à vous rendre à l'Hôpital de l'Armée. Les médecins vous donneront plus d'informations. Bonne journée.

Sans lui laisser le temps de dire quoique ce soit de plus, la personne au bout du fil raccrocha.Gaby resta immobile, hebêtée, le combiné encore posé sur son oreille. Mickael avait eu un accident en mission. Gravement blessé. Pronostic vital peut être engagé. Elle ne voulut pas y croire. La veille encore, elle lui avait parlé et il était un parfaite santé ! Et pourtant...Sa décision était prise et Gaby reposa brutalement le téléphone. Elle ne pouvait pas rester ici, il fallait qu'elle aille le voir. Elle se précipita dans le couloir et trouva sa supérieure hiérarchique.

- Je dois y aller, lui indiqua t 'elle, sans préambule

Puis, sans lui laisser le temps de répondre, elle se rua vers les vestiaires où elle n'attrapa que ses affaires, sans prendre le temps de se changer.

Après plusieurs minutes de trajet sous une pluie battante, elle arriva enfin devant l'imposant bâtiment de l'hopital des Armées. Perturbée par l'accident de Mickael, elle eut du mal à s'orienter et trouver l'accueil.

- Mickael WinterHood. Il a été emmené ici. Je suis sa femme.

Gaby s'agaçait et s'impatientait face à la lenteur de l'agent d'accueil. Après plusieurs minutes à patienter nerveusement, l'agent d'accueil lui fournit enfin les informations dont elle avait besoin et elle se dépêcha dans la direction indiquée.

- Bonjour, Madame, que puis je pour vous ? demanda une infirmière qui l'intercepta.

- Je cherche mon mari, le sergent Mickael WinterHood. Il a été admis dans votre service.

La patience et les nerfs de Gaby étaient mis à rude épreuve. Quand pourrait elle enfin le voir ?

- Le sergent est toujours en salle d'opération, lui répondit doucement l'infirmière.

- Depuis combien de temps?Son état est si grave que cela ? Il va s'en sortir ?demanda t elle.

Les questions se bousculaient dans la tête de Gaby. Trahissant son état de nervosité, sa voix déraillait dans les aigues.

- Je ne peux rien vous dire, le médecin pourra mieux vous répondre. Mais pour le moment, il s'occupe de votre mari et fait son possible, reprit l'infirmière, posément. Je vous invite à patienter dans la salle d'attente.

Excédée et les nerfs à vif, Gaby poussa un gros soupir. Son mari était en salle d'opération, il avait besoin d'elle et on lui demandait de patienter dans une salle d'attente !

- Vous ne pouvez rien faire de plus, lui indiqua calmement l'infirmière, dans une tentative d'appaisement. Le médecin viendra vous voir.

Résignée, Gaby poussa un dernier soupir et s'en retourna vers la salle d'attente, en trainant des pieds. Angoissée, elle ne put se résoudre à s'asseoir et fit les cent pas dans la pièce en se triturant les mains. Une lumière blafarde éclairait les murs verts kaki de la petite pièce. A cette heure tardive, Il n'y avait personne d'autre et un silence insupportable y régnait. Parfois, une infirmière passait et Gaby l'interceptait pour avoir des nouvelles. Désemparée et se sentant impuissante, Gaby se laissa finalement tombée sur une chaise et les sanglots qu'elle retenait au fond de sa gorge jusque là, sortirent, les larmes se déversant sur ses joues.

- Souhaitez vous un café ? lui demanda doucement une voix féminine.

Gaby leva ses yeux emplis de larmes et apperçut une infirmière qui lui souriait avec compassion en lui tendant un mouchoir.

- Non, merci, articula t elle péniblement en s'éssuyant les yeux.

- L'opération est bientôt terminée. Votre mari ne devrait plus tarder à sortir.

- Merci, répondit Gaby en tentant vainement de sourir.

Les longues minutes d'attente se transformèrent en heures, laissant à l'esprit de Gaby la possibilité de s'imaginer le pire. Elle se mit à redouter l'arrivée du médecin et le rythme de son cœur s'accélérait à chaque fois qu'elle entendait des pas s'approcher.

- Mme WinterHood ? appela une voix lasse masculine.

A l'appel de son nom, Gaby se leva d'un bon et fixa le chirurgien, dans l'attente angoissée de la sentence. De toute évidence, il venait à peine de sortir du bloc opératoire.

- Je suis le chirurgien qui ai pris en charge votre mari. Il vient juste de sortir du bloc après une longue intervention.. Il a perdu beaucoup de sang et a subit de graves blessures, mais nous sommes enfin parvenu à stabiliser son état.

Il parlait d'un ton neutre et monocorde, habitué à annoncer aux famille les informations les plus graves. Gaby fut soulagée que Mickael soit encore en vie.

- Comment va t il ? Je peux le voir et lui parler ? demanda t elle, anxieuse

Les heures de visite étaient passées depuis très longtemps. Mais le chirurgien l'observa silencieusement et apperçut sa tenue d'infirmière qu'elle n'avait pas pris le temps d'enlever.

- Suivez moi,lui indiqua t il finalement.

Sans ajouter un mot, il sortit, Gaby se précipitant à sa suite. Ils marchèrent ainsi rapidement dans différents couloirs, la jeune femme ayant quelques difficultées à suivre les grandes enjambées du chirurgien. Parfois, il s'arrêtait pour saluer quelqu'un ou pour répondre à une question. Le cœur de Gaby se serrait d'inquiétude. Comment allait elle retrouver celui qu'elle aimait ?Enfin, ils arrivèrent devant une grande porte vitrée et entrèrent dans une salle. Ils passèrent devant des lits occupés, alignés contre le mur et séparés par des rideaux avant de s'arrêter devant le dernier. Gaby ne put contenir plus ses sanglots et les larmes se mirent à couler abondemment sur ses joues alors qu'elle retint un cri silencieux en mettant une main sur sa bouche. Son homme gisait là, sur un lit d'hôpital. Une lumière blafarde éclairait son visage tuméfié et sa tête bandée. Son corps disparaissait sous une multitude de bandages et de tuyaux divers. Un tube relié au respirateur sortait de sa bouche alors que le monitoring contrôlait les battements lents et réguliers de son cœur.

- Il va s'en sortir ? articula la jeune femme avec difficulté, choquée

- Votre mari a subit de graves blessures, des organes ont été touchés. Nous avons du effectuer une intervention de plusieurs heures et maintenant il est stabilisé. Pour le moment, je ne peux pas encore trop me prononcer sur son état car nous attendons de savoir comme il va passer la nuit. Mais il est jeune et a un organisme fort. Il devrait s'en sortir.

Gaby ferma un instant les yeux et encaissa le choc.

- Que lui est il arrivé ?demanda t elle abrutement, les yeux fixé sur le corps meurtri de son époux.

Le chirurgien croisa les bras sur sa poitrine et poussa un long soupir avant de se retourner vers la jeune femme. Gaby sécha ses larmes, se tourna vers le chirurgien et l'oberva un instant. Elle remarqua ses traits tirés et de petites rides au coin de ses yeux bleus. Il portait toujours son calot sur ses cheveux brun. Ses larmes s'étaient taries et elle attendait une réponse. Comprenant sa détermination, le chirurgien secoua la tête et regarda le blessé.

- Selon les premiers éléments d'enquête, il serait tombé dans une embuscade avec son équipe, indiqua le médecin après quelques minutes de réflexion.

- Des soldats sont morts ? demanda Gaby froidement.

- Je ne peux vous en dire plus, une enquête est en cours.

Gaby approuva silencieusement. Elle devrait se contenter de cette réponse avec la satisfaction d'avoir retrouve son mari vivant. Un silence tendu s'installa entre eux,troublé seulement par le chuintement du respirateur et le bip du monitoring. Gaby se perdit dans ses réflexions et sa douleur. Qu'allaient ils devenir ? Allait il s'en sortir ? Dans quel état ?

- Est ce que je peux lui parler ? Est il conscient ? reprit elle soudainement.

- Il a été placé dans un coma artificiel. Vous pouvez lui parler mais il ne réagira pas. Je peux vous accorder quelques minutes avec lui, pas plus.

- Je vous remercie.

Sur ces mots, le chirurgien s'éloigna vers les premiers lits de la pièce. Gaby se dirigea lentement vers le lit du blessé et comme assomée,se laissa tomber sur le tabouret posé à côté du lit. De près, la visionde Mickael était encore plus effrayante. Son visage tuméfié était bandé en partie et deux grandes cernes bleues entouraient ses yeux fermés. Il semblait qu'aucune partie du corps n'eut été épargnée. Son mari, son amour gisait immobile sur ce lit, le corps brisé, n'ayant aucune conscience de la présence de sa femme. C'était plus que ce que pouvait en supporter la jeune femme et les larmes se mirent de nouveau à couler sur ses joues. Elle prit alors délicatement la main inerte de son mari. Elle était froide et couverte de griffures. Gaby caressa délicatement cette main aimée et y posa son front.

- Micky, je t'aime, lui déclara t elle en le regardant, les yeux plein de larmes. Tu ne peux pas me quitter comme ça ! On a traversé tellement de choses ensemble, ça ne peut pas se terminer comme ça.Tu vas te battre, pour toi, pour moi et tout ceux qui t'aiment.

Bien que consciente qu'il ne l'entendait pas, elle continuait de lui parler en pressant sa main contre son cœur comme pour lui transmettre toute son énergie.Alors qu'elle sanglotait le visage posé sur le lit, un bruit suspect coupa net ses pleurs. Gaby releva la tête et fixa d'un aire hébété le moniteur. Le rythme cardiaque s'était emballé et l'appareil emettait un bruit strident.

- Mickael ?...qu'est ce qui se passe ? Non.. !

Elle se leva d'un bond, son regard allant du visage impassible de son mari à l'écran du moniteur. Le rythme cardiaque ne se régularisait pas et le bruit de l'appareil devint assourdissant, angoissant de plus en plus la jeune femme.

- Non ! Non ! Accroche toi Mickael !

Le chirurgien surgit au pas de course accompagné de plusieurs infirmières et se rua auprès de son patient, alors qu'une infirmière se mit de l'autre côté du lit, pour aider à mettre le blessé en position allongé.

- Docteur, que se passe t il? demanda Gaby, agitée.

Les ordres fusaient alors que le chirurgien auscultait rapidement son patient.

- Que se passe t il docteur ? répéta Gaby, les yeux tournés vers le moniteur, la voix vibrante d'angoisse.

Le chirurgien se retourna vers elle, sans lui répondre, fixant un point derrière elle.

- Mme Winterhood, vous ne pouvez pas rester ici. Veuillez me suivre. Votre mari est entre de bonnes mains.

Gaby sentit une main aimable se poser délicatement sur son épaule, dans une invite à la suivre. Mais la jeune femme n'avait pas l'intention de partir sans avoir une réponse et encore moins d'abandonner son mari. Elle se dégagea d'un mouvement d'épaule et resta immobile, les yeus rivés sur le médecin. L'infirmière ne désarma pas et se planta devant Gaby.

- Madame, veuillez me suivre. Vous ne pouvez pas rester ici, déclara t elle d'un ton ferme. Vous empêchez les équipes de travailler.

L'infirmière attrapa Gaby par le bras et marcha résolument loin du lit en entrainant la jeune femme avec elle. Gaby tenta de résister, mais elle avait une poigne de fer. Derrière elles, le médecin s'activer pour stabiliser Mickael, en vain. Soudain, un bip long et strident retentit, figeant un instant tous les protagonistes. Le personnel soignant s'activa de plus belle en se préparant pour les électrochoques. Gaby n'avait rien raté de la scène et, aveuglée par sa détresse et sa fatigue, se débattait violemment pour revenir auprès du blessé.

- Noon ! Noon ! Mickael ! hurlait elle.

Une deuxième infirmière vint prêter main forte à la première pour tracter Gaby en dehors de la pièce.

- Non, laissez moi ! criait Gaby. Mickael a besoin de moi !

Le bruit aigu et continu du moniteur raisonnait dans ses oreilles.

- Madame, nous nous occupons de lui, il est entre de bonnes mains, débita rapidement l'infirmière avant de fermer la porte.

Gaby resta plantée dans le couloir, les larmes innondant son visage. A travers la vitre, elle pouvait voire les équipes soignantes s'activer autour du lit du blessé. Elle ne pouvait pas entendre ce qu'ils se disaient mais devinait à leurs mines soucieuses que quelque chose de grave se passait.

- Mickael... Non... ne me laisse pas ! Ne pars pas...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Mazeppa ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0