Blizzard

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A ce moment là, Gaby frôla sa main. Froide. Elle posa alors une main sur le visage de l'homme : froid et moite. Les lèvres violacées, il claquait toujours des dents et , malgré l'épaisseur des couvertures et la présence de la bouillotte, son corps était toujours parcouru de violents frissons. Pour confirmer son diagnostic, elle prit son pouls au niveau de la jugulaire. Pas très énergique...

-            Avez vous soif ? lui demanda t elle.

Il secoua imperceptiblement la tête en signe de négation. La jeune femme resta quelques instants à l'observer, debout, à côté du lit, les sourcils froncés et se mordit le coin de la lèvre inférieure. Son état était plus sérieux que prévu.... En apparence, il n'avait rien de grave, du moins, elle n'avait pas détecté de sang ou de plaies pendant sa consultation sommaire. Malgré cela, elle savait que cela ne pouvait rien confirmer sur son état physique réel. Les pupilles dilatées, la peau moite, les frissons : cet homme trouvé dans le blizzard était en état de choc et avait tous les symptômes d'une sévère commotion cérébrale. Une sérieuse hypothermie devait parachever le tableau clinique .... Gaby poussa un gros soupir en croisant les bras et se prit l'arrête dunez entre deux doigts. Ce gars devait impérativement être examiné par un médecin et elle n'avait aucun moyen de l'emmener à cause de ce blizzard ! Elle serait bien avancée s'il ne survivait pas à ses blessures et qu'elle retrouverait son corps sans vie le lendemain matin ! Elle écouta un instant le hurlement de la tempête qui se déchaînait au dehors, le crépitement du feu dans la cheminée, la respiration difficile du blessé, pour remettre unpeu d'ordre dans ses pensées. Puis elle se passa rapidement la main sur le visage et les cheveux. Ce n'était plus vraiment le moment de se poser des questions.

-      Ruby, appela t elle. Il n'y a pas trente six façons pour réchauffer un homme frigorifié...

La jeune femme s'assit sur le sol de la chambre pour enlever ses chaussures et ses chaussettes.Alors qu'elle enlevait son blouson, elle ne put réprimerun léger frisson. Bien que le feu soit poussé au maximum et que la chaleur se diffusait largement dans la maison, le fond de l'aire restait frais. D'un geste décidé, elle ouvrit les draps et les couvertures et s'allongea rapidement contre le blessé. Elle se souleva un instant sur le coude, cherchant son chien du regard.

-     Ruby, vient, appela t elle, invitant son chien à monter sur le lit.

Le chien s'exécuta et s'allongea docilement le long des jambes de l'inconnu. Afin de lui apporter le plus de chaleur possible, elle se serra contre lui, pressa ses pieds contre ceux gelés de l'inconnu et posa sa main sur son torse, comme pour l'enlacer. Sous sa paume, elle pouvait sentir les battements anarchiques du cœur du blessé et les violents tremblements qui parcouraient toujours son corps meurtri. Alors qu'elle resserrait son étreinte pour lui communiquer plus de chaleur, elle sentit que le corps du blessé se tendait et qu'il s'agitait. Bien que bloqué par la jeune femme et son chien, malgré sa fatigue et sa souffrance, il essayait de s'éloigner de Gaby en tentant de l'écarter. Gaby se redressa sur le coude et plongea son regard dans celui affolé de l'inconnu.

-    Calmez vous, je ne vous veux aucun mal... Évitez de bouger. En vous agitant, vous allez aggravé vos blessures! lui expliqua t elle sur un ton sans réplique.

Pour appuyer ses propos, elle posa fermement sa main sur l'épaule, l'obligeant à s'immobiliser.L'homme fit une nouvelle tentative pour se dégager, mais elle teint bon.

-    Qu'est ce que.... Attendez....., articula t il difficilement en tentant de repousser la jeune femme.

Gaby essaya vainement de le maintenir tranquille mais la panique décuplait ses forces. Il s'ensuivit une petite bagarre, le blessé essayant de se dégager pendant que Gaby tentait de le garder allonger.Dans la cohue, le golden retriever descendit précipitemment du lit.Toute cette agitation arracha un cri de douleur au blessé qui se mit à tousser.

 -    Restez tranquille....! lui ordonna t elle en l'aidant à se ré installer contre les coussins.

L'inconnu resta de longues minutes immobile et silencieux, essayant de retrouver son souffle.

-    Est ce que ça va ? demanda Gaby, inquiète, en posant délicatement sa main sur l'épaule du blessé.

A ce contact, il ouvrit brusquement les yeux.

-   Non, non, restez calme, lui ordonna t elle d'un ton calme, en appuyant fermement sur son épaule. Arrêtez de bouger et de vous agiter, ce n'est pas bon pour vous. Vous ne craignez rien ici, je ne vous ferai aucun mal, répondit elle en voyant l'interrogation muette dans son regard inquiet.

-   Je ne vous veux aucun mal, répéta t elle doucement. Vous avez froid et avez besoin d'être réchauffé. Il n'y a rien de sexuel. Vous êtes en sécurité, tenta t elle de le rassurer avec un grand sourire.

Il resta un long moment à la fixer de ses yeux hagards, immobile et Gaby se demanda un instant s'il avait compris ce qu'elle venait de dire.

-   Vous êtes en sécurité ici, vous ne risquez rien, répéta t elle avec conviction.

De ses yeux bleus dans lesquels se reflétait la douleur et l'incompréhension, il sondait le regard de la jeune femme à la recherche de réponses à ses questions, d'éventuelles traces de mensonge. Gaby soutenait son regard sans faiblir, espérant qu'il se rende compte de sa sincérité.Ce qu'il trouva dans le regard de la jeune femme dut le convaincre,car il capitula enfin et se laissa tomber sur les coussins, éreinté.Soulagée, Gaby put sentir sous sa main qu'une partie de la tension de son corps s'en allait.

-    Ruby, monte sur le lit, ordonna t elle a son chien.

Le golden retriever,qui jusque là attendait sagement dans un coin de la pièce, reprit sa place initiale tout contre les jambes du blessé.De son côté, la jeune femme remit en ordre les draps et les couvertures avant de s'allonger de nouveau contre le corps de l'inconnu.Il eut un violent frisson à son contact et ne put réprimer un léger gémissement de douleur alors que sa main se crispa plus fortement sur son torse.

Une fois installée confortablement contre lui, Gaby l'enveloppa de ses bras et de ses jambes pour lui communiquer sa chaleur. Dehors, la tempête avait redoublé de force, le rugissement du vent troublant le silence de la pièce. Gaby releva un instant la tête et se tourna vers la fenêtre. Elle eut une pensée pour ses écuries, espérant que tout se passait bien pour ses chevaux. Ce n'était pas le premier blizzard qu'ils essuyaient et ils s'en étaient toujours très bien sortis. C'est en s'accrochant à cette pensée que Gaby reprit sa position initiale contre le corps du blessé. A mesure que les minutes passaient et que la chaleur se diffusait sous les couvertures, les frissons violents parcourant le corps de l'inconnu faiblirent, laissant place à de légers tremblements. Les battements de son cœur devinrent plus réguliers, plus calmes alors que sa respiration, jusque là difficile et sifflante se faisait plus ample et plus lente. Gaby sentit que toute la tension accumulée dans ce corps blessé s'évacuait et que tous ses muscles se relâchaient.L'homme se laissa aller contre les coussins, plus confortablement,posant sa tête douloureuse qui se tourna légèrement sur le côté. Épuisée par les événements, Gaby se blottit contre le corps ferme et chaud de l'inconnu et se laissa bercer par le rythme régulier de sa respiration.

Celui ci vint vers elle en remuant de la queue et s'installa à côté d'elle sur les coussins. Elle profita un instant de la chaleur et du silence de la pièce avant que ses yeux ne se posent sur le blouson de l'inconnu.Elle hésita un instant : après tout, il ne lui appartenait pas et sa mère lui avait toujours appris à respecter la propriété d'autrui. D'un autre côté, au vu de la météo, ils seraient ammenés à co habiter ensemble quelques jours et le blessé n'avait pas été très locace quant à son identité. Après quelques minutes de réflexion, la curiosité l'emporta rapidement. Gaby attrapa le blouson et entreprit de l'inspecter. Admirative, la jeune femme constata que le vêtement était une belle pièce de marque, de très bonne qualité. Le genre de vêtement qui n'était pas très habituel dans ces coins reculés de la campagne. Moelleux et très chaud, il avait bien protégé son propriétaire du froid glacial. En l'observant sous toutes les coutures, elle remarqua seulement quelques griffures et des tâches de sang sur le tissus, liées aux différentes blessures. Gaby fouilla les poches à la recherche d'un portefeuille, d'un téléphone portable ou n'importe quel indicepouvant la renseigner sur l'identité de son invité surprise. Bien qu'elle eut tâté le vétement, retourné toutes les poches, elle ne trouva rien qui puisse l'aider, pas même une étiquette avec un prénom. Découragée, elle poussa un soupir en se passant une main sur le visage. Des effluves masculines boisées s'échappaient du vêtement et elle en respira quelques instants l'odeur, les yeux fermés. La soirée avait bien débuté avec un bon repas chez ses parents. Puis elle avait trouvé cet homme perdu dans le blizzard. Il dormait maintenant dans le lit de la chambre d'ami, gravement blessé et la jeune femme ne pouvait s'empêcher de se demander s'il passerait la nuit...Qui était il ? Un étranger, à l'évidence,mais aucun indice quant à son identité. Gaby espérait au moins que ce ne soit pas un criminel..Comment avait il atterri sur cetteroute ? Au vu de ce qu'elle avait apperçu de ses blessures, la jeune femme pensait à un accident de voiture. Mais elle ne se souvenait pas d'avoir vu un véhicule sur le bord de la route. Peut être avait il réussi à marcher? Y avait il d'autres personnes ? Combien de temps allait durer cette tempête ? Autant de questions sans réponse qui se bousculaient dans la tête de la jeune femme. Gaby sentait le sommeil et la lassitude la gagner. En cette heure tardive, il n'était plus question de trouver des réponses. Elle lui demanderait demain.

vait il atterri sur cetteroute ? Au vu de ce qu'elle avait apperçu de ses blessures, lajeune femme pensait à un accident de voiture. Mais elle ne sesouvenait pas d'avoir vu un véhicule sur le bord de la route. Peutêtre avait il réussi à marcher? Y avait ild'autres personnes ? Combien de temps allait durer cettetempête ? Autant de questions sans réponse qui se bousculaientdans la tête de la jeune femme. Gaby sentait le sommeil et lalassitude la gagner. En cette heure tardive, il n'était plusquestion de trouver des réponses. Elle lui demanderait demain.

-   On va se coucher ? demanda t elle à son chien.

Elle plia le blouson et le posa sur le canapé. Puis elle se leva, prit le chandelier et,après avoir remis du bois dans la cheminé, se dirigea vers les escaliers menant à l'étage, son golden retriever sur les talons.Elle s'arrêta un instant, le pied sur la première marche, écoutant le silence de la maison. A part le souffle de la tempête et les grincements du bâtiment, elle n'entendit aucun bruit suspect venant de la chambre d'ami. Fatiguée, elle monta pesament les escaliers etse dirigea directement dans la salle de bain. Elle s'y déshabilla rapidement et enfila son pyjama le plus chaud avant de se laver soigneusement le visage et les mains pour enlever les traces de sang.Puis, elle se traina jusqu'à sa chambre. La pièce était plutôt petite, le lit occupant une grande partie de l'espace. Malgre le feu qui ronflait dans la cheminée, la chambre était froide et Gaby ne put réprimer un violent frisson. A la recherche d'un peu de chaleur,elle se glissa rapidement sous les couvertures. Comme s'il avait été invité, son chien grimpa sur le lit et vint se blottir contre sa maitresse. Gaby caressa la tête soyeuse de l'animal avec tendresse avant de se tourner un instant vers la table de chevet, sur laquelle elle prit un cadre photo. Elle passa amoureusement une main sur le visage souriant de son mari sur la photo. Où était il à cet instant ? Que faisait il ? Allait il bien ? Pensait il à elle ? Gaby eut un sourir amusé en se demandant quelle aurait été sa réaction s'il avait appris qu'elle hébergeait un inconnu, en cette nuit de tempête. Peut être aurait il pensé qu'elle était inconsciente ou plutôt, l'aurait il félicitée pour son sauvetage. Le regard de la jeune femme s'assombrit alors que son sourire s'effaça. Ce n'était pas le premier coup de blizzard qu'elle passait seule. Mais il lui semblait que cette tempête durerait plus longtemps que les autres et, en cette soirée un peu mouvementée, Gaby se demandait bien quand elle pourrait le contacter. Cela faisait déjà plusieurs jours qu'ils ne s'étaient pas parlé. Elle devrait attendre encore.. Ce genre de situation commençait à peser sur lemorale de la jeune femme. Gaby poussa un soupir de lassitude et reposa la photo non sans y avoir déposé un baiser. Puis, après une dernière caresse à Rudy, elle souffla les bougies et s'emmitoufla dans ses couvertures. A ce moment là, les doutes et les questions reprirent l'assaut de son esprit tendu et fatigué. Mais elle les chassa bien vite, décidée à profiter d'un repos bien mérité. Les bâtiments étaient solides, les animaux à l'abris et bien nourris,les provisions rentrées. La tempête ne durera pas éternellement.Il fallait être patient. Demain sera un autre jour...

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