Au Ranch

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-   Ca va aller, ne vous inquiétez pas. Vous êtes en sécurité, répéta t elle un peu plus fort, son regard franc plongé dans celui du blessé.

Elle ne sut s'il avait compris ce qu'elle avait pu lui dire, mais elle vit un changement imperceptible dans son regard. Après quelques instants,il se tourna vers le pare brise et se rencogna contre la porte engémissant. Momentanément rassurée, Gaby se remit rapidement à son volant et enclencha la première. Ils étaient restés trop longtemps sous la tempête et le pick up se retrouvait presqu'enseveli sous la neige. Mais après quelques tentatives, le véhicule s'extirpa laborieusement et reprit sa route très lentement dans la tempête déchainée. Gaby commençait à paniquer : le vent avait redoublé, la visibilité était quasi nulle, elle avait trouvé un blessé grave et le ranch n'était toujours pas en vu...Tout en conduisant le nez sur le volant, Gaby se demandait d'où cet inconnu débarquait et scrutait les alentours, cherchant un véhicule accidenté sur le bord de la route ou quelque chose comme ça. Rien. Un silence tendu pesait dans l'habitacle, simplement perturbé par la respiration laborieuse du blessé et les hurlements du vent à l'extérieur. Enfin, après toutes ces minutes d'angoisse, elle reconnu sur sa droite les deux piliers ouvrant la route menant au Ranch.

-   Enfin.. lâcha t elle en soupirant.

Gaby remonta cette route qu'elle connaissait par cœur aussi vite qu'elle le put,impressionnée par les arbres  secoués par la tempête.Comme surgit de nulle part, le Ranch apparu enfin au détour d'un dernier virage. La jeune femme se gara dans la cour, le plus près possible de la porte d'entrée.

-  Venez, nous sommes arrivés, indiqua t elle au blessé.

Alors qu'elle s'apprêtait à sortir, l'inconnu n'eut aucune réaction. Il restait immobile, les yeux fermés.Gaby se figea et l'observa, se demandant s'il s'était endormi ou évanoui. Peut être pire...

- Monsieur ? l'appela t elle, alarmée. Réveillez vous, nous sommes arrivés.Allons, nous devons vite rentrer au Ranch pour nous mettre à l'abri.

Comme il ne réagissait toujours pas, elle posa sa main sur son épaule pour le secouer vigoureusement.

-   Réveillez vous ! ordonna la jeune femme.

Grimaçant et gémissant, il ouvrit lentement les yeux et se tourna difficilement vers elle. Chaque geste lui demandait un effort considérable et il semblait plus mort que vif.

-   Ne traînons pas... essaya t elle de l'encourager.

Mais elle comprit rapidement qu'il ne réussirait pas à sortir seul. Alors, dans la tempête et son chien sur les talons,la jeune femme fit le tour du pick up en courant pour lui ouvrir la porte et l'aider.

-    Prenez appui sur moi, hurla t elle dans le vent.

Il tendit un bras et posa sa main sur l'épaule de Gaby, l'autre main toujours posée sur ses côtes. Mais au moment de s'extirper du véhicule, l'effort provoqua une douleur si vive que ses jambes fléchir et il s'effondra sur Gaby. Celle ci eut juste le temps de se rattraper à la porte du camion pour ne pas s'étaler dans la neige. Ils restèrent ainsi quelques minutes, le temps pour lui de reprendre son souffle.

-   Nous ne pouvons pas rester ici... lui dit elle plus doucement. Courage.

L'inconnu se redressa tant bien que mal et, appuyé lourdement sur Gaby, ils se dirigèrent aussi vite que possible vers l'entrée du bâtiment. Elle ouvrit alors la porte d'un coup de pied et chercha désespérément à allumer la lumière, en vain. Heureusement, elle connaissait sa maison par cœur et savait exactement où se trouver chaque pièce.Plantés au milieu du salon, Gaby hésita un instant, se demandant où installer l'inconnu. Elle se décida finalement pour une petite chambre au rez de chaussé. A bout de force et terrassé par la douleur, l'inconnu se contentait de suivre Gaby tant bien que mal,appuyé de tout son poids sur les épaules de la jeune femme. Alorsqu'elle le portait vers la chambre, il eut un moment de faiblesse et Gaby déséquilibrée, se retrouva écrasée contre le mur.

-   Allez.. plus que quelques mètres s'encouragea t elle.

Par automatisme,Gaby chercha à allumer la lumière de la petite chambre. Ses yeux s'étant habitués à l'obscurité, elle se dirigea sans hésiter vers la masse claire qui se devinait dans l'obscurité. Alors qu'elle essaya délicatement de « poser » le blessé sur le lit,celui ci s'effondra à la renverse dans un grand cri de douleur,l'entraînant dans sa chute. Dans la confusion et la précipitation,elle s'appuya sur lui pour se relever, déclenchant un nouveau cri dedouleur.

-  Désolée, lança t elle en se relevant d'un bond.

Il se recroquevilla sur le côté en gémissant, ramenant son bras gauche contre son torse.

Gaby se précipita dans le salon pour fermer la porte d'entrée qui était restée ouverte, luttant contre le blizzard qui s'engouffrait violemment. Elle resta un instant contre le battant de la porte fermée pour reprendre ses esprits, puis se dirigea à grandes enjambées dans lecoin cuisine de la pièce. L'homme qu'elle avait ramassé sur la route était dans un très mauvais état et avait un besoin urgent de recevoir des soins. La jeune femme prit alors son téléphone portable pour appeler les secours. Aucune tonalité. Gaby jura entre ses dents et tenta plusieurs fois de les joindre, sans résultats. Par dépit, elle poussa un cris de rage et lança son téléphone à travers la pièce. Elle se retrouvait coincée par une tempête avec un homme gravement blessé, sans électricité et sans téléphone.. Elle prit une grande respiration. Au moins, elle était chez elle, avec ses chevaux et avec de la nourriture. Pour l'étranger, elle fera de son mieux pour lui apporter tous les soins nécessaires. Gaby en était là de ses réflexions, quand elle frissonna, constatant que la température de la pièce avait beaucoup chuté. La porte ouverte et le vent avaient presque éteint le feu,ne laissant que quelques braises rougeoyantes. Gaby s'approcha de la cheminé, mit autant de bûches qu'elle put dans le foyer et resta un moment devant l'âtre, pour se réchauffer. Elle entreprit alors de chercher des bougies. Sa première idée fut de regarder dans les placards dans la cuisine, la semi pénombre ne lui facilitant pas la tâche. Elle fouilla partout, retournant les tiroirs mais n'en trouva pas..Pourtant, elle se souvenait très bien en avoir achetées suite à la dernière coupure de courant. Elle fonça vers la porte de sa réserve, à côté de l'entrée. Un froid polaire régnait dans la petite pièce, plongée dans le noir total. Gaby réussit à s'orienter à travers les étagères et trouva l'endroit où était entreposé tout un tas d'outils. Fébrilement, elle chercha dans les cartons et autres boites, se décourageant de trouver ces fichues bougies. Soudain, dans une boîte en carton tirée de sous une pile,elle sentit sous ses doigts les longues tiges lisses tant cherchées.

-  Enfin ! S'exclama t elle dans un soupir de soulagement.

Parmi l'immense réserve de bougies contenues dans le carton, Gaby trouva avec joie un bon nombre de boites d'allumettes et un briquet. Elle fouilla encore quelques instants dans le réduit et trouva un chandelier et une bouillotte qu'elle mis avec ses bougies. De retour dans lacuisine, elle en alluma plusieurs qu'elle installa sur le chandelier et mis de l'eau à chauffer. En attendant, elle se précipita au premier étage et fila dans le dressing. Là, elleattrapa toutes les couvertures et coussins qu'elle put trouver puis redescendit rapidement. En pénétrant dans la chambre, elle aperçut la silhouette prostrée du blessé sur le lit. Il semblait ne pas avoir bougé pendant son absence et un lourd silence pesait, seulement troublé par la respiration difficile de l'inconnu. Au moins, il respirait encore...Il faisiat très froid dans la chambre, malgré le feu qui ronflait fort dans la cheminée. Gaby contourna le lit avec précaution, posa le chandelier sur la table de chevet et installa tous les coussins à la tête. A sa respiration sifflante, sa façon de tenir son bras plié contre son abdomen et ses difficultés à se tenir bien droit ou allongé, Gaby en avait déduit qu'il devait avoir quelques côtes cassées ou de fêlées. Il ne pourrait donc pas passer la nuit allongé et les coussins lui permettrait de se maintenir en position semi assise confortablement.Une fois fini, la jeune femme s'approcha de l'inconnu et s'accroupit pour être à hauteur de sonvisage. Allongé sur le côté, ses cheveux mi longs lui couvraient une partie du visage. Il gardait les yeux fermés et Gaby ne savait pas s'il s'était évanoui, endormi ou s'il gardait simplement les yeux fermés du fait de la douleur. Il claquait inconsciemment des dents et ses lèvres tremblées. Avec le sang qui maculait son visage, Gaby pensa qu'il avait vraiment une mauvaise mine...

-    Monsieur ?Vous m'entendez ? lui demanda t elle en le secouant doucement par l'épaule.

La jeune femme dut attendre quelques minutes avant qu'il n'ouvre faiblement les yeux.Elle put lire avec inquiétude dans son regard bleu émeraude l'épuisement et la douleur. Elle devait faire vite...

-   Je vais vous aider à vous redresser pour enlever votre manteau et vous installer confortablement pour la nuit, lui indiqua t elle en le fixant dans les yeux.

Elle lui parlait doucement, en articulant bien. Cette perspective ne le réjouissait pas et il referma les yeux en fronçant les sourcils.

-    Allez encore uneffort, lui murmura t elle

Elle glissa alors ses bras de chaque côté de son torse pour l'aider à se redresser assis.

-   A la une, à la deux...

Malgré la rapidité d'exécution, cette manœuvre tira un cri de douleur au blessé, qui se teint tant bien que mal assis sur le lit, penché en avant, lefront posé sur l'épaule de Gaby. Aussi vite que possible, elle réussit à défaire la fermeture du gros blouson  et entreprit de le lui enlever. Elle commença par lui dégager l'épaule tout d'abord, puis le bras droit. Il n'opposa aucune résistance et l'aida même un peu en dégageant lui même le bras de la manche.Pour le bras gauche, ce fut un peu plus délicat, car il semblait craindre ce côté. Alors, en entourant l'inconnu de ses deux bras et en le maintenant contre elle, elle fit passer le gros blouson derrière le dos, pour ensuite le faire glisser délicatement le long du bras gauche, en évitant tout mouvement intempestif. Lorsque cette opération fut finie, elle se leva légèrement et garda ses bras de part et d'autre de son torse pour l'inviter à se poser délicatement sur les coussins. A bout, il n'opposa aucune résistance. Alors, elles'accroupit pour dénouer les lacets et ôter ses chaussures. Malgré les chaussettes, Gaby pouvait sentir sous ses mains que les pieds du blessé étaient complètement gelés. Même si elle ne leconnaissait pas, elle se permit de masser légèrement les orteils pour ré activer la circulation du sang. La jeune femme hésita un instant surla suite. Devait elle lui enlever une partie de ses vêtements ou pas ? Au vu du peu de force qu'il restait au blessé et à son état physique, elle supposa que lui enlever son jean et son pull à col roulé serait trop difficile, douloureux et inutile. Peut être tout couper? Elle jeta un coupd'oeil à sa montre et au visage du blessé. Ce dont il avait surtout besoin, c'était une bonne nuit de repos au chaud. Elle décida qu 'il passera la nuit habillé, elle verra demain..Pour l'aider à s'installer, Gaby mit ses deux mains sous les genoux du blessé pour lui faire faire un léger mouvement de rotation et l'asseoir dans le lit. Il n'opposa de nouveau aucune résistance mais la manœuvre lui arracha un nouveau cri de douleur. Une fois installé, Gaby l'observa,les sourcils froncés. Il gisait sur le lit,immobile, les yeux fermés et les lèvres serrés, appuyé contre les coussins, son bras gauche serré contre son torse. De toute évidence, il souffrait.De plus, il semblait ne pas réussir à se réchauffer malgré ses vêtement et la chaleur qui commençait à emplir doucement la pièce.De longs frissons parcouraient son corps, ses lèvres bleuies tremblaient et il claquait des dents par intermittence. La jeune femme retourna rapidement dans la cuisine, attrapa la bouillotte posée sur la table et la remplit d'eau brûlante.De retour dans la chambre, elle posa la bouillotte brûlante aux pieds du blessé,puis attrapa une première couverture qu'elle posa d'abord sur ses jambes. Avant de le recouvrir et de l'installer définitivementpour la nuit, elle voulut d'abord s'assurer qu'il ne se vidait pas de son sang. Elle regarda en premier lieu les draps autour de lui.Puis, Gaby attrapa la bougie posée sur la table de chevet et l'approcha en premier lieu des jambes. Après avoir jeté un coupd'oeil au blessé et quelques hésitations, elle commença à palper les jambières du pantalon à la recherche de tâches de sang humides.Ne trouvant rien, elle remonta alors lentement vers le bassin, sur lequel elle ne s'attarda pas plus qu'il ne fallait. La jeune femme se contenta de déboucler la ceinture et déboutonner le haut du pantalon pour qu'il soit plus à son aise.Arrivée au niveau de l'abdomen, Gaby retrouva d'anciens gestes d'infirmière et l'ausculta un peu plus minutieusement. Elle passa ses mains délicatement sur le ventre, sur les côtés, par dessus le tissus du vêtement et ne constata aucune trace de sang, ni de plaies. Puis, par conscience professionnelle, elle appuya un peu plus fermement pour s'assurer que l'abdomen n'était pas tendu ou douloureux, signe possible d'une hémorragie interne. Mais le blessé ne broncha pas,ce qui rassura un peu la jeune femme. A mesure qu'elle progressait dans son examen, elle s'aperçut que son « invité »avait un corps musclé et plutôt en bonne santé, les blessures exceptées.. Au niveau du torse, le blessé eut un mouvement de recul et poussa un cri de douleur lorsqu'elle appuya légèrement, crispant brusquement son bras contre lui. Ce comportement conforta Gaby dans son diagnostic de côtes de fêlées ou cassées, espérant simplement que les poumons ne soient pas touchés. La jeune femme continua son examen en glissant délicatement ses mains le long des bras. Les mains de l'inconnu étaient froides et ensanglantées. A la vue des multiples plaies qui lui zébraient les paumes, Gaby renonça à lui masser les mains pour les réchauffer et se contenta de bien remonter la couverture jusqu'au niveau de ses épaules. Elle approcha enfin la bougie du visage du blessé et grimaça. Une petite plaie saignait à la base du nez gonflé et du sang séché provenant des narines maculait tout le bas du visage mal rasé. De toute évidence,le nez avait subit un énorme choc et devait sûrement être lui aussi cassé. Ses lèvres bleuies étaient serrées comme pour retenir un cri de douleur et tremblaient. Alors que la jeune femme tâtait délicatement la base du nez, il fronça les sourcils et eut un mouvement de recul. Gaby sentit ses doigts froids lui attraper le poignet. Elle suspendit son geste à ce contact et dans la pénombre,aperçut l'éclat bleu acier de son regard.

-   Désolée..dit t elle en dégageant lentement son poignet. Avez vous mal quelque par autre? Le dos ? La poitrine ? continua t elle doucement.

Il ferma un instantles yeux, comme pour analyser ce qu'il ressentait et soupira.

-    Partout...murmura t d'une voix faible, avant d'entre ouvrir les yeux avec effort.

Dans ses yeux hagards, les pupilles étaient largement dilatées.

-   Regardez moi lui ordonna t elle, inquiète.

Il tourna difficilement la tête dans sa direction et plongea son regard azur dans celui de Gaby. Alors qu'elle approchait doucement la flamme d'une bougie de ses yeux, il eut un vif mouvement de recul qui lu provoqua un gémissement de douleur et il referma brutalement les yeux comme si la lumière les lui brûlait. Les pupilles nes'étaient pas rétrécies...Gaby fronça les sourcils et pinça les lèvres.

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