L inconnu

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Gaby pestait contre elle même et commençait à regretter d'être partie aussi tard. La nuit s'était brutalement épaissie et le vent s'était levé, hurlant, alors que de gros flocons tombaient en rang serrés. Déjà, un épais manteaux neigeux recouvrait la route et le paysage alentours. Malgré les puissants phares du véhicule et les essuie glaces, Gaby ne distingait plus les limites de la route, ni même au delà  de son capot. Elle roulait au ralenti, très prudemment, le nez collé à son pare brise, les mains crispées sur le volant. Afin de se donner du courage , elle alluma la radio. Ruby, sentant sûrement la tension dans l'habitacle, se mit soudainement à hurler, la faisant violemment sursauter. A sa grande peur, le pick up fit une embardée.

- Ruby ! Tu m'as fait un de ces peurs !Ce n'est pas le moment de céder à la panique, lui lança t elle,tendue, le cœur battant la chamade.

En réponse, le golden s'allongea sur le siège et mis son nez sur ses pattes en la regardant de ses grands yeux marrons.

-  Nous allons y arriver, Ruby. Dans quelques minutes, tu vas retrouver ton panier, au chaud ! essaya t elle de le réconforter.

Mais en son for intérieur elle n'était pas aussi sûre d'elle. Du fait de l'accumulation de neige, la chaussée était devenue glissante. Le vent avait redoublé de violence et faisait tanguer le camion dangereusement. Les habitants avaient respecté les injonctions de rester chez soi diffusées à la radio et la route était déserte. Ils avaient été moins stupides qu'elle...Prise dans la tempête, la jeune femme craignait de rester coincée sur la route. Heureusement, prévoyante, elle gardait toujours un kit de survie dans son pick up pour ce genre d'urgence : une pelle, plusieurs couvertures et des vivres. Mais avec ces températures polaires et personne à la ronde, elle avait bien conscience qu'elle ne tiendrait pas longtemps.. et ses chevaux ? Elle ne pouvait pas les laisser sans soins trop longtemps ! Poussée par cette angoisse, Gaby persévérait, se disant qu'elle n'avait plus très long à faire. Agacée de ne capter aucune onde radio, elle l'éteignit finalement, plongeant l'habitacle dans le silence.

Elle roulait ainsi, la neige frappant violemment les vitres du pick up. Soudain, une silhouette surgit devant le véhicule, prise dans les phares et déguerpissant rapidement. Prise au dépourvu, Gaby freina brutalement et donna un violent coup de volant. Déstabilisé, Ruby tomba violemment de son siège et le pick up, les roues bloquées, partit en glissade, avant de s'immobiliser gentiment dans un petit fossé du bord de la route. Après quelques minutes pour reprendre ses esprits, la jeune femme ouvrit les yeux et posa le front sur le volant. A côté d'elle, Ruby remonta laborieusement sur la banquette.

-  On l'a échappée belle ! souffla t elle en lui caressant le sommet du crâne.

Le 4X4 ayant calé, Gaby mit le contact pour reprendre sa route. Les mains tremblantes de peur ou de froid, elle mit quelques minutes avant de réussir à relancer le moteur. Mais lorsqu'elle appuya sur la pédale pour sortir le pick up du fossé, les roues glissèrent dans la neige, creusant une ornière. Le 4X4 ne bougea pas.

-  Oh non, non... Pas ça....murmura t elle, la panique perçant dans sa voix.

Gaby fit plusieurs tentatives, sans résultat, ne réussissant seulement qu'à creuser un peu plus l'ornière dans laquelle s'était embourbé son camion.

-  Réfléchis, réfléchis ! Tu ne peux pas rester ici ! S'encouragea t elle.

Dehors, le vent soufflait fort et la neige commençait à recouvrir le pick up. Elle pensa utiliser son téléphone portable. Mais appeler qui ? Et qui accepterait de sortir par un temps pareil ? Elle observa son téléphone un instant et s’aperçut qu'il ne captait pas. Si elle ne voulait pas finir ensevelie et congelée sous la neige, elle devait sortir dégager la neige autour des roues. Cette perspective ne lui plaisait pas mais c'était la seule solution. Sans se laisser le temps de changer d'avis, Gaby remonta la fermeture éclaire de son blouson, vissa son stetson sur son crâne d'un aire décidé et ouvrit la portière.Un coup de vent neigeux s'engouffra violemment dans l'habitacle, lui ôtant son couvre-chef et elle dut lutter pour s'extraire du véhicule. Aveuglée et s'enfonçant dans la neige, la jeune femme atteignit tant bien que mal l'arrière du pick up où se trouvaient une pelle et des cales. Après avoir bataillé de longues minutes avec la bâche qui recouvrait la plateau du véhicule, elle réussit enfin à attraper ce qu'elle cherchait. Elle entreprit alors de dégager la neige autour des roues de son vieux pick up. L'opération s’avéra d'autant plus compliquée que la tranchée creusée était tout de suite recouverte par la neige. Mais malgré le froid, le vent cinglant et les doigts goures, Gaby dégagea avec l'énergie du désespoir les deux roues motrices et réussit à installer deux cales. Cela fait, elle se précipita à l'intérieur du véhicule, frigorifiée. Elle poussa le chauffage à fond et souffla dans ses mains pour se réchauffer.Rudy, qui l'attendait patiemment dans l'habitacle, se rua vers elle pour lécher son visage gelé.

-  Oui,je vais bien, lui dit elle en le repoussant gentiment. Il n'y a plus qu'à espérer...

Décidée, elle remit le contact. Totalement refroidi et avec une épaisse couche de neige sur le capot, le moteur, poussif eut du mal à se relancer.

-  Allez, allez, murmurait elle en guise d'encouragement.

Après plusieurs tentaives, le moteur démarra enfin dans un grand bruit, au grand soulagement de Gaby. Mais lorsque elle appuya sur la pédale et enclencha la première pour avancer, le véhicule patina et s'embourba. Gaby pesta en tapant sur son volant. Cette fois ci, elle n'éteignit pas son moteur, attrapa sa pelle et ressortit pour dégager de nouveau la neige et ré installer les cales.

-  Cette fois ci, cela va fonctionner, pensa t elle en s'installant de nouveau derrière son volant. Il le faut.

Déterminée, elle enclencha la seconde et appuya très progressivement sur la pédale d’accélérateur. Tout d'abord, les roues patinèrent de nouveau. Gaby insista doucement et les roues trouvèrent enfin de l'adhérence. Branlant, luttant contre le vent et la neige, le pick up réussi enfin à s'arracher de l'ornière neigeuse dans lequel il était emprisonné.

-   Wahoouu !! lâcha t elle en signe de victoire.

Après avoir louvoyé quelques minutes pour retrouver le sens de la route, Gaby reprit son chemin, plus crispée et angoissée que jamais. Ce trajet, qu'elle connaissait par cœur, lui semblait maintenant interminable. Dans la nuit noire, elle reconnu finalement une borne et la silhouette familière d'un chêne proche de son ranch.

-   On approche, Ruby. Courage, murmura t elle.

Concentrée, Gaby roulait très lentement, le regard focalisé sur la route enneigée et seuls les hurlement du vent perturbaient le silence oppressant dans l'habitacle. Le vieux véhicule avançait péniblement dans la neige épaisse.

Il a surgit de nul part, se tenant au milieu de la route en agitant les bras en signe de détresse.

-   Qu'est ce que c'est encore.... ? se demanda t elle, surprise.

Gaby sauta sur ses freins par réflexes mais ne put l'éviter et le véhicule le percuta de plein fouet. Alors que Gaby fixait la route, elle sursauta et poussa un cri. Une main ensanglantée venait d’apparaître sur son capot, cherchant désespérément à s'accrocher. Un visage suivit avant de disparaître soudainement.

-  Qu'est ce que c'était que ça ? demanda t elle horrifiée.

Ruby se mit à grogner.

-   Tout doux,ce n'est rien... tenta t elle de le rassurer en le caressant.

Mais le chien restait tendu.

-    Cela ne ressemblait pas à un animal...Mais qui se promenerait à cette heure ci, dehors ? Crois tu qu'il soit mort ? demanda t elle, effarée.

Elle réfléchit quelques minutes, hésitant entre reprendre sa route ou sortir voire de quoi il s'agissait. Au vu des températures polaires, du vent et de la neige, Gaby n'avait pas vraiment envie de sortir de son véhicule. Fatiguée, elle ne souhaitait qu'une seule chose retrouver son foyer chaud et douillet. D'un autre côté, elle ne pouvait pas abandonner quelqu'un sur la route, dans ce blizzard. S'il n'était pas déjà mort, il le serait sûrement d'ici quelques heures sans son aide. Il était peut être blessé ou en hypothermie. Mais comment avait il atterri ici ? C'était peut être un meurtrier en cavale ou un prisonnier évadé ? Elle rigola et secoua la tête à cette idée. C'était peut être tout simplement un pauvre gars qui s'était perdu dans la tempête. Dans le doute, elle attrapa tout de même la pelle posée sur le siège. On était jamais trop prudent et en cas de véritable danger, elle avait toujours un fusil chargé dans le pick up. Elle soupira bruyamment en remontant le col et la fermeture éclaire de son blouson.

-    Quand faut y aller, faut y aller... s'encouragea t elle en enfilant ses gants. Tu m'attends ici, ordonna t elle à son chien.

Le souffle du vent rabattit violemment la porte et la plaqua contre le véhicule. Elle progressa difficilement vers l'avant du véhicule, se protégeant le visage avec le bras. Dans la lumière des phares, elle vit une masse allongée dans la neige, immobile. A la morphologie et à la corpulence, elle devina que c'était un homme. Méfiante, la jeune femme le toucha à l'épaule avec le manche de sa pelle.

- Monsieur ? Vous êtes vivant ? hurla t elle dans la tempête.

La masse ne bougea pas, recouverte en partie par la neige et Gaby répéta sa question, sans résultat. Seule dans la nuit, sur cette route isolée, au milieu de ce blizzard qui lui mordait le visage, Gaby commençait à angoisser. Qu'allait elle faire ? Elle ne pouvait pas rester longtemps, son téléphone ne captait pas...

Soudain, la silhouette se mit à bouger, coupant cours à ses pensées. Après plusieurs essais infructueux, il réussit à se mettre à quatre pattes dans la neige, avant de s'immobiliser. Alors qu' il tendait un bras vers le pick up dans un effort surhumain pour se relever, sa main glissa sur le capot couvert de neige et il retomba à genoux dans la neige. Gaby poussa un hurlement de peur et dans sa précipitation à battre en retraite, glissa sur une plaque de glace et s'étala de tout son long dans la neige, lâchant sa pelle au loin. Affolée, la jeune femme se remit très rapidement à quatre pattes et crapahuta aussi vite qu'elle le put jusqu'à la roue de son pick up avant de se relever. Derrière son rétroviseur, Gaby l'observait à bonne distance. L'inconnu posa de nouveau sa main sur le capot et entreprit de se lever, très lentement, difficilement. Lorsqu'il y parvint, il se teint immobile, les jambes vacillantes, la tête baissée. Il tituba un instant, à la limite de tomber à la renverse et se tourna finalement vers le capot sur lequel il se coucha de moitié, profitant de la chaleur du moteur qui tournait.

-   Monsieur ? l'appela t elle de nouveau.

Comme l'homme ne bougeait pas, elle crut qu'il ne l'avait pas entendue. Mais après quelques instant Gaby le vit tourner difficilement la tête dans sa direction. Avec la neige qui tombait dru, la nuit noire et les phares de son véhicule, la jeune femme n'arrivait pas à distinguer visage du blessé. Pas rassurée, elle hésitait à s'approcher de lui et chercha des yeux sa pelle dans la neige, sans résultat. Sans son « arme », elle se sentait vulnérable, mais elle devait agir pour sortir de ce pétrin polaire. Prenant son courage à deux mains, la jeune femme s'approcha progressivement de lui.

-    Hello ! Vous êtes en panne de voiture ? Vous êtes seul ? lui demanda t elle.

Proche de lui, elle put enfin mieux l'observer. L'inconnu la fixait de ses yeux hagards, ses cheveux mi longs ébouriffés par le vent, lui donnant un air un peu fou. Mais elle ne put réprimer un hoquet d'horreur : tout le côté droit du visage était maculé de sang ainsi que son nez et sa bouche. Elle comprit très rapidement qu'il devait être sérieusement blessé.

-   Venez, vous ne pouvez pas rester ici ! Vous comprenez ce que je dis ? hurla t elle.

Gaby ne sut si l'inconnu avait compris ou même entendu ce qu'elle avait dit. L'homme se redressa difficilement et eut un mouvement de recul,,comme effrayé par une apparition. Vascillant sur ses jambes, il fit mine de s'éloigner.

-    Hey ! Où allez vous ? Vous ne pouvez pas partir ! Vous êtes gravement blessé !Vous n'irez pas loin !cria t elle, interloquée.

Gaby le rattrapa juste à temps, lui passant un bras autour des épaules avant que ses jambes sans force ne fléchissent. Il pesa alors de tout son poids sur la jeune femme qui s'arqueboutait du mieux qu'elle le pouvait pour ne pas finir étalés dans la neige.Le blessé se tenait légèrement plié, un bras tenant ses côtes, tremblant de tous ses membres. Hypothermie ou état de choc, Gaby hésitait. Depuis combien de temps errait il ainsi dans ce blizzard glacial ?Comment s'était il blessé ? Gaby secoua la tête pour chasser toutes ces questions. En priorité, le réchauffer. Ensuite, elle avisera.

-  Venez, répéta t elle. Nous ne pouvons pas rester ici. Il faut vous mettre au chaud.

Sans attendre de réponse, elle le porta, le tracta jusqu'au pick up. Encombrée du poid de l'inconnu, luttant contre la tempête, Gaby batailla pour ouvrir la porte avant du passager et aida tant bien que mal le blessé à se hisser sur le siège. A la vue de l'intrus, son golden retriever grogna et aboya.

-   Ça suffit Ruby, répliqua t elle, énervée. C'est pas le moment !

Ruby se tut, se contentant de renifler l'étranger assis. Temporairement rassurée, Gaby claqua la porte, fit le tour du pick up aussi vite qu'elle le put pour s'installer enfin derrière son volant, le chien entre elle et l'inconnu. Elle enleva précipitamment son chapeau et ses gants, mit le chauffage à fond et trouva une couverture en laine rangée derrière la banquette du camion.

-   Tenez, prenez la. Vous aurez plus chaud avec. lui dit elle en lui tendant l'objet.

A la lumière du plafonnier, il faisait vraiment peur à voir. Malgré son gros blouson et le chauffage, il claquait des dents et été secoué de violents frissons, avachi contre la porte, les yeux fermé. Avec son visage couvert de sang et sa façon de se tenir les côtes, il semblait plus mort que vif.

-    Pousse toi Ruby lui ordonna t elle en poussant un soupir.

Elle s'approcha et déplia la couverture sur lui comme elle put. De plus près, ses blessures étaient encore plus impressionnantes et il devait en avoir d'autres sur le corps, peut être plus graves.. Sentant sa présence, il ouvrit subitement les yeux, inquiet et tenta de s'écarter.

-    Soyez tranquille. Vous souffrez d'hypothermie et vous devez être en état de choc. Je vous transporte dans un endroit où vous serez en sécurité tenta t elle de le rassurer.

Il resta silencieux, la fixant de son regard vide.

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