Diner en Famille

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Il ne lui restait plus beaucoup de temps pour se préparer et elle devait encore acheter des fleurs et une bonne bouteille. Elle se dépêcha vers l'habitation, son chien sur les talons. A l'intérieur, elle accrocha son chapeau, son gros blouson à la patère derrière la porte et quitta ses boots fourrées pour mettre une paire de chaussons. Le feu crépité dans la cheminée et une douce chaleur se répandait dans la maison. L'habitation était plutôt petite,rustique et s'organisait sur deux étages, avec un escalier centrale. Elle se dirigea vers la salle de bain du rez de chaussée pour y prendre une douche rapide, puis monta au dressing du premier étage pour choisir sa tenue. Ce n'était qu'un repas en famille et Gaby avait choisi une tenue simple : un jean et une chemise, avec ses boots. Sa mère, comme d'habitude, lèverait lesyeux au ciel en se désolant du manque de féminité de sa fille.Gaby n'avait jamais vraiment aimé les allures superficielles,apprêtées et ne prenait pas véritablement attention à son apparence. Cela lui arrivait, bien sûr de faire un effort vestimentaire de temps à autre, surtout, qu'au dire de Mickael, elle était une très belle femme. Mais les journées entières passées au Ranch, à brasser de la paille ou des sacs ne l'aidaient pas véritablement à développer sa féminité... Mais elle était heureuse ainsi, jeune trentenaire se sentant belle dans le regard de son homme et cela lui suffisait. Habillée, elle fit un arrêt devant le miroir du dressing pour rassembler ses longs cheveux blonds en une tresse. Une paire de boucles d'oreilles, un peu de parfum et elle était prête à partir.

Elle fit un dernier tour de la maison pour s'assurer qu'aucune lumière n'était encore allumée, remit du bois dans la cheminée. Puis enfin, elle enfila son blouson, mis son chapeau et ouvrit la porte.

- Allez, Ruby, en route !

Il faisait nuit noire. Aucun bruit ne parvenait à ses oreilles si ce n'était celui étouffé des chevaux dans l'écurie. Gaby fit monter son chien sur le siège passager de son vieux pick up Ford et s'installa au volant. Il faisait froid et elle se réchauffa un instant les mains en soufflant dedans avant de lancer le moteur.Le pick up démarra silencieusement et elle s'engagea doucement dans l'allée.

Ses parents n'habitaient qu'à une dizaine de kilomètres de son Ranch et elle leurs rendait visite très régulièrement, étant restée très proche d'eux. Ils l'épaulaient dans son projet et il n'était pas rare que son père vienne bricoler au Ranch. Sur la route,Gaby mit la radio et chercha une station diffusant de la musique country ou de la folk. Jusqu'à très récemment, elle écoutait volontiers de la pop,du rock ou de la variété. Mais depuis qu'elle avait emménagé dans le coin, elle avait découvert la musique country et n'écoutait quasiment plus que ça. Elle s'arrêta un instant sur une station pour écouter le bulletin météo local :

- .... une tempête de neige s'abattra sur la région dans la nuit. Elle sera accompagnée de vents violents ainsi que de précipitations de neige importantes.La population est appelée à limiter ses déplacements et à reste rchez elle....

- Oui, oui, je sais.... grommela Gaby en changeant de station.

La jeune femme commençait à se demander si c'était une bonne idée d' avoir accepté ce repas...Elle ne pouvait pas se permettre de ne pas pouvoir rentrer au Ranch à cause des chevaux.Mais il était trop tard pour faire demi tour et Gaby se rassura un peu en se disant qu'elle partirait plus tôt, si besoin. Après quelques minutes de recherches, elle trouva enfin la station de radio qu'elle voulait . Une chanson de la star de country, Keith Thundermann passait.

- Oh !Lullaby ! J'adore cette chanson ! s'exclama t elle à l'attention de son chien.

Elle monta le volume et se mit à chanter à tue- tête dans la voiture. Gaby avait découvert la musique de cet artiste depuis quelques mois maintenant et avait tout de suite aimé. Ses chansons parlaient d'amour sous toutes ses formes et pour ne rien gâcher, il était plutôt be lhomme ! Dans ses interviews, il semblait être quelqu un de bien, affable, souriant, gentil.. Bien que Gaby soit consciente qu'il existe une différence entre la personne publique et la personne privée, elle préférait l'idée selon laquelle il restait le même à la télé et chez lui.Un de ses rêves serait d'aller à un de ses concerts et qui sait, peut être pouvoir le rencontrer..A cette pensée, Gaby se mit à rire. Pour cela, il faudrait déjà qu'ellearrive à trouver une minute dans son emploi du temps et à décider Mickael. Ce n'était pas gagné..La chanson se finissait sur un accord de guitare lorsqu'elle se gara devant lasupérette du centreville.

- Tu m'attends dans la voiture, je n'en ai pas pour longtemps, ordonna t elle à son chien.

Gaby se précipita vers l'entrée, la neige tombant à gros flocons.

- Bonsoir Gaby !comment ça va ? lui lança la gérante.

- Salut, Martha !Très bien merci !

Gaby ne perdit pas de temps et se dirigea vers le fond du magasin où se trouvait les bouquets de fleurs. Elle choisit un petit bouquet de roses, un peu défraîchi en fin de journée mais encore très joli. Pour aller avec ses fleurs, elle dénicha une bouteille de vin rouge. Personne n'y connaissait grand chose, cela fera l'affaire.

- Comment ça se passe au Ranch ? Cody t'aide bien ? demanda Martha à la jeune femme lors de son passage en caisse.

Bien que cela fit quelques mois maintenant que Cody travaillait au Ranch, les gens de la ville demeuraient sceptiques. Mais Gaby avait choisi de ne plus y prêter attention depuis longtemps.

- Les chevaux vont bien, les clients sont heureux. Bref, tout se passe très bien. En prévision de la tempête de neige qui s'annonce, avec Cody, nous avons rentrer du foin et du grain pour les animaux. On est jamais trop prudent, lui répondit elle amicalement.

- C'est sûr !C'est ce que je dis aussi à Georgie, qu'il vaut mieux être prévoyant. Et Mickael ? Toujours en mission? Depuis combien detemps déjà ?

Le problème des petites villes. Tout le monde était au courant de tout et s'occupait de tout. Surtout que le beau militaire était connu et très apprécié de tous..

- Oui, il est toujours en mission, à l'autre bout de la planète, pour encore deux mois au moins, répondit Gaby quelque peu exaspérée.

Pas un jour ne passe sans qu'une personne ne lui pose la question et Gaby commençait à s'agacer de cette situation, surtout qu'elle se reproduisait à chaque fois qu'il partait en mission.

- Cela ne doit pas être facile tout les jours....

Gaby resta un instant interdite, fixant la gérante dans les yeux et vit dans le regard de Martha... de la pitié ?! La jeune femme sentit la colère montait.

- Comme je l'ai déjà dit, ça va très bien, répondit elle sèchement, contenant difficilement son exaspération.

Martha se rendit compte un peu tard de sa maladresse et changea rapidement de sujet.

- Et Comment vont tes parents ? demanda t elle à la jeune femme

Aussi loin que remontait sa mémoire, Gaby avait toujours connu Martha. Elle était une veille amie de ses parents et l'avait connue toute petite.Unebonne raison pour ce mêler de la vie de Gaby...

- Aux dernières nouvelles, ils allaient très bien. Justement, je vais dîner avec eux ce soir. Bonne soirée, répondit elle rapidement pour couper court àtoute discussion.

Gaby ramassa rapidement ses achats et se dépêcha de sortir en grommelant. Elle n'était pas vraiment en avance et il lui restait encore quelques kilomètres à parcourir. En s'installant à son volant, elle posa sa bouteille et son bouquet de fleur à l'arrière.

- Non, mais de quoi je me mêle, lança t elle enfin à Ruby, en repensant à sa conversation avec Martha.

Pour toute réponse,son chien lui donna une grande lape sur le visage.

La neige tombait dru et commençait à recouvrir la route. Gaby du ralentir plusieurs fois pour éviter de glisser et de finir dans le fossé.Heureusement, elle connaissait la route par cœur et ne mit que quelques minutes à atteindre l'habitation de ses parents. La maison se présentait tel qu'elle l'avait toujours connue :bâtisse à deux étages avec des volets blancs et un carré de pelouse devant avec des parterres de fleurs arrangés par sa mère. Elle gara son pick up devant le garage, attrapa son bouquet de fleurs, son chapeau et sa bouteille. A peine sortit de son véhicule,alors qu'elle fit quelques pas prudemment, son pied glissa sur une plaque neigeuse et elle s'étala de tout son long dans la neige, sur le dos. Par chance, le chapeau et son gros blouson avaient amorti sa chute et, le moment de surprise passé, Gaby réussit tant bien que mal à s'asseoir.

- Il ne manquait plus que ça, souffla t 'elle en redressant son chapeau.

Ruby, qui était resté jusque là dans le pick up, voyant sa maîtresse perdre l'équilibre, avait réussi à sortir du véhicule. Alors qu'elle tentait vainement de se lever, le golden retriever s'approcha d'elle pour lui lécher vigoureusement le visage dans un signe d'encouragement. Gaby perdit l'équilibre et se retrouva de nouveau assise dans la neige.

- Ruby !Pousse toi ! Ce n'est pas le moment ! lui ordonna t elle, tentant de le repousser.

Mais le chien n'abandonna pas facilement et Gaby passa plusieurs minutes assise dans la neige avant de réussir à l'éloigner définitivement. Une fois debout, elle fit l'inventaire des dégâts : son jean était trempé et maculé de boue.

- super.... lâcha t elle en passant énergiquement ses mains sur son pantalon.

Elle abandonna tout espoir d'arranger sa tenue, ramassa sa bouteille tombée à terre ainsi que son bouquet piétiné et se dirigea très prudemment vers la porte, son chien sur les talons. Alors qu'elle s'apprêtait à appuyer sur la sonnette, la porte s'ouvrit soudainement.

- Gaby, enfin !On commençait à s'inquiéter avec ton père !

Sans lui laisser le temps de réagir, la mère de Gaby l'attrapa pour la serrer contre elle.

- Mais qu'est cequi t'est arrivé ? Est ce que tu vas bien ? demanda t elle à sa fille en l'écartant brutalement.

Immobilisée par la poigne de sa mère, le chapeau tombé sur les yeux, Gaby mit quelques minutes à reprendre ses esprits. Puis, lentement et délicatement,elle se dégagea et retira son stetson. Elle s'aperçut alors dans un miroir et comprit la réaction de sa mère : les cheveux en bataille, le pantalon et le blouson maculés de boue et trempés, elle semblait sortir d'une bataille.

- Ne t'inquiètes pas, tout va bien. Je ne me suis pas battue avec un ours pour sauver ma vie ! répondit elle en riant..Non, je suis tombée dans la neige en arrivant ici et Ruby, croyant sans doute queje voulais jouer, n'a pas arrêté de me sauter dessus !

La mère et la fille partirent du même rire franc et claire. Comme s'il avait compris qu'elles parlaient de lui, Ruby déboula dans le hall d'entrée en jappant et secouant la queue, déclenchant un nouvel éclat de rire.

- Sacré Ruby !déclara la mère en caressant le front soyeux du labrador. Si tu souhaites te changer, tu trouveras des vêtements dans le dressing, proposa t elle à sa fille.

- Oui, c'est une bonne idée, merci. Ce n'est pas le moment de tomber malade !Répondit Gaby.

- Nous t'attendonsdans le salon.

Gaby connaissait la maison par cœur, ayant vécu ici toute sa jeunesse. Elle monta les escaliers pour se retrouver sur le pallier du premier étage. D'un geste automatique, elle jeta un regard en direction de son ancienne chambre. Celle ci n'existait plus depuis quelques années déjà, ses parents l'ayant transformé en bureau. Mais les affaires qu'elle n'avait pu emporter avait été stockées dans le grenier et pour des questions pratiques, Gaby avait gardé l'habitude de laisser quelques vêtements ici. Elle se dirigea vers le dressing qui se trouvait au fond du couloir et, dans la pièce rangée au cordeau, Gaby posa son chapeau et son blouson. Elle trouva de suite le placard qui lui était attribué et chercha dans le peu de vêtements présents un pantalon présentable. Mais même en cherchant bien, elle ne trouva qu'un vieux jogging informe. Gaby hésita :soit elle gardait son beau jean mouillé et boueux, soit elle passait ce vieux truc informe. En levant les yeux et poussant un gros soupir,elle quitta son jean et enfila son jogging et une paire de grosses chaussettes. Elle hésita un instant pour sa chemise. Tant pis pour le style... Elle l'enleva pour la remplacer par un vieux sweat plus confortable et se regarda dans le miroir du dressing. Toutes cesminutes à se pomponner pour finir en jogging... Elle se nota dans son esprit d'emmener un jean de rechange pour la prochaine fois.

- le dîner est servi Gaby ! entendit elle.

Gaby se recoiffa rapidement et descendit pour rejoindre ses parents au salon.

- C'est quoi cette tenue ? l'accueillit sa mère en bas de l'escalier, les yeux écarquillés. Tu ne peux pas être un peu plus...

- Féminine ?répondit Gaby en rigolant. C'était le cas à l'origine et je n'airien trouvé de mieux dans le dressing. Et tu remarqueras que je me suis maquillée pour venir !

Dans un geste affectueux, sa mère la prit par les épaules.

- Viens, ton père nous attend pour commencer, lui dit elle en faisant un clin d'oeil.

Complices, elles se dirigèrent vers la salle à manger où était dressée la table. Sonpère se tenait debout, à les attendre.

- Salut, Papa ?Comment vas - tu ? La maison ? lui demanda t elle en l'étreignant.

- Bien, Gaby et toi depuis la dernière fois ? Cela faisait quelque temps que ta mère et moi nous n'avions pas eu de nouvelles... lui répondit il doucement.

Gaby fixa les yeux bleus paisibles de son père.La jeune femme avait hérité de ses traits réguliers et fins ainsi que de son tempérament posé et pugnace. Très proche de lui, elle l'avait toujours suivi enfant,dans ses travaux à la ferme et se souvenait avec tendresse de leurs longues promenades à cheval et de leurs discutions interminables. Il lui avait transmis son amour de la terre. Lorsqu'elle avait décidéde tout plaquer pour changer de vie, c'est lui qui lui avait trouvéce ranch. Il l'avait soutenue, conseillée et avait activement participé aux travaux de rénovation.

- Alors, comment ça se passe au Ranch ? lui demanda t il en lui versant un verre.

- Très bien. le vétérinaire est venu dernièrement faire un contrôle de visite et Lullaby se porte très bien. Au printemps qui arrive, elle devrait mettre bas un joli petit poulain ! Vu le croisement et les ascendants, je fonde beaucoup d'espoir sur lui pour lancer mon projet d'élevage. De plus, J'ai rentré quatre nouveaux clients la semaine dernière ! déclara t elle avec orgueil. De belles bêtes de concours que les propriétaires font tourner sur de beaux terrains. Je n'en revenais pas lorsque je les ai vus arriver avec leurs camions ! Ils avaient entendu parler de mon Ranch et de mes méthodes de travail, par un ami commun, John. Vous vous souvenez de lui ? En tout cas, ils semblent très satisfaits de mes services. J'espère qu'ils vont me faire une bonne publicité et que cela va encourager d'autres propriétaires à venir me confier leurs animaux ! lança t elle, enthousiaste.

Son père l'écoutait attentivement en souriant. Il reconnaissait bien là la personnalité dynamique et volontaire de sa fille. La voire réussir ainsi dans ses projets et s'épanouir le rendait heureux et fier.

- Et avec Cody, pas de problèmes ? Aucun accrochages avec les nouveaux clients ?

Le père connaissait bien Cody. Bien que persuadé que le palefrenier ne posait aucune difficulté avec les chevaux, il avait bien conscience que sa personnalité un peu complexe pouvait poser quelques problèmes avecles clients. Gaby pris quelques minutes de réflexion avant de répondre.

- La prise decontact a été un peu houleuse...Cody, ne parle pas beaucoup et le peu qu'il dit, c'est parfois sur un ton un peu brusque... Lorsqu'on est pas habitué, cela peut déstabiliser. J'ai discuté avec les clients, face à leurs interrogations, pour les rassurer. Lorsqu'ils ont remarqué que Cody avaient de solides connaissances équestres et qu'il s'occupait très bien des animaux, la tension s'est apaisée.Disons que maintenant, ils se côtoient en bonne intelligence...répondit elle en lançant un clin d'oeil. Par contre, Mme Linvingston a toujours peur de lui et me demande encore régulièrement pourquoi je garde un tel voyou.Cody ne m'aide pas vraiment... Il s'amuse à marmonner des mots incompréhensibles lorsqu'il la croise en la regardant de travers ou à faire semblant de préparer de mauvais coups.. Et ça le fait rire ! dit elled'un air faussement irrité en fronçant les sourcils.

Son père secoua doucement la tête en souriant. Il s'imaginait bien la scène avec Cody, le voyou et Mme Livingston, une petite femme peureuse avec son poney tout rond.

- C'est un bon garçon, déclara t il, affectueusement. C'est juste qu'il est resté gamin dans sa tête.

- Je n'en doute pas,mais si je veux gagner des clients, il faudrait qu'il arrête et qu'il grandisse un peu, grommela t elle.

- J'irais lui parler, lui répondit son père en la fixant.

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