Gaby posa son sac de céréale sur le tas avec un coup d'épaule. Malgré le froid polaire , elle avait chaud et transpirait. Elle souffla,retira son ten gallon hat et s'épongea le front en s'adossant à la pile.

- Est ce le dernier ou en reste t il encore? demanda t elle, essoufflée.

- Non, pas encore,Patronne répondit un jeune homme en posant à son tour le sac qu'il portait Il en reste encore quelques un.

- Appelle moi Gaby... dit elle en levant les yeux au ciel, d'un aire faussement exaspéré.

- Non, Patronne,jamais de la vie ! C'est vous le chef ! répondit il sérieusement.

Gaby le regarda s'éloigner en souriant. Depuis le temps qu'il travaillait au Ranch,Cody refusait toujours de l'appeler par son prénom et persistait àl'appeler « Patronne »,bien qu'elle lui ait demandé plusieurs fois déjà. C'était sa façon à lui de lui montrer lerespect et la sympathie qu'elle lui inspirait. Gaby aimait bien ce gamin, arrivé ici un peu par hasard.

Cody était le dernier d'une fratrie de trois garçons dont les parents discrets possédaient une ferme à l'extérieur de la ville. Gaby les connaissaient bien mais autant les deux aînés étaient sérieux e ttravailleurs, autant Cody s'était très vite fait remarqué par son mauvais comportement et ses frasques. Élève en difficultés, ilavait vite décroché et n'était plus allé en cours, préférant traîner avec un groupe de délinquants. Bientôt, ce fut l'escalade et Cody se retrouva plusieurs fois au poste pour vol ou violences diverses. Malgré l'aide de Tom, le shérif, Cody s'était enfoncée dans la délinquance et les parents s'étaient vite retrouvés désemparés. Un jour, après une dispute particulièrement violente avec son père, Cody avait quitté le domicile familial pour partir Dieu sait où. Les parents, morts d'inquiétude, avaient lancé des recherches, sans résultat. Ce ne futt qu'après plusieurs mois sans nouvelle que Gaby l'avait trouvé dans un sale état, recroquevillé dans un des boxes du Ranch. Malgré les questions, Cody n'avait jamais révélé ce qu'il avait fait durant ces mois d'absence et pourquoi il s'était retrouvé dans cet état. Les semaines qui avaient suivi, Gaby l'avait fréquemment rencontré dans les écuries, autour des chevaux. Sa présence ne gênant ni les clients ni l'organisation du Ranch, Gaby l'avait laissé traîner dans les environs, tout en gardant un œil sur lui.

- Tu aimes leschevaux ? lui avait elle demandé un jour, alors qu'elle l'avait encore trouvé dans un paddock, à les observer

La première réaction du jeune homme fut de se relever rapidement pour s'enfuir.

- Cody,attends !

Contre toute attente, il s'était arrêté et avait attendu qu'elle le rejoigne.Tendu,il gardait le regard baissé, comme s'il avait commis unefaute.

- Excuse moi si je t'ai fait peur, commença t elle lorsqu'elle l'eut rejoint. Cela fait plusieurs semaines que je te vois aux écuries caresser leschevaux ou donner un coup de mains aux propriétaires. Je me disais... Ca te dirait de travailler au Ranch?

Cody s'était figé et Gaby avait bien vu l'hésitation dans ses yeux noirsfuyants, mêlée de méfiance. La jeune femme l'avait observé franchement, attendant une réponse.

- Je vais y réfléchir, avait il lâché finalement avant de s'éloigner, les mains dans les poches.

- A demain,alors ! lui avait elle lancé, confiante.

Mickael n'avait pas montré un enthousiasme débordant lorsqu'elle lui avait annoncél'embauche de Cody comme palefrenier.

- Ce délinquant ?

- Ce n'est pas un délinquant ! avait elle répondu en levant les yeux au ciel.C'est un jeune homme un peu perdu...

- Et pourquoi lui ? Il s'y connaît en chevaux ?

- Non, pas vraiment. Mais cela s'apprend.

Elle s'arrêta un instant avant de reprendre :

- Mickael, je l'ai vu traîner au Ranch. Ce n'est pas un mauvais garçon et il abesoin d'une seconde chance. avait elle dit ,sérieusement. Et puis, j'ai besoin d'un homme fort au Ranch, avec tous ces nouveaux clients.Sinon, je ne m'en sortirai pas ! avait elle conclu.

Mickael l'avait regardée, amusé. Il savait qu'il n'aurait servi à rien d'essayer de lui faire changer d'avis. Une fois que son épouse avait une idée en tête, elle allait jusqu'au bout. C''était grâce à cette volonté sans faille qu'elle avait réussi à faire prospérer son commerce équestre.

- Comme tu veux, c'est toi le boss !, l'avait il taquinée.

Les débuts avaient été difficiles, Cody n'y connaissant rien aux chevaux et ayant une personnalité opposante et rebelle. Mais le jeune homme se révéla au contact des animaux. Avec persévérance et patience, Gaby avaitréussi à percer la carapace de ce jeune homme blessé et à rétablir la communication . Avec le temps, une confiance et un respect mutuels s'installèrent entre l'employé et sa patronne.

Gaby sortie desécuries et ferma les portes à clefs. La météo avait annoncé un gros coup de blizzard pour cette nuit. En prévision, elle avait rentré du foin et du grain pour nourrir ses chevaux dans le cas où ils resteraient bloqués pendant plusieurs jours. Les chevaux étaient rentrés, à l'abri. Tout était prêt. Il n'y avait plus qu'à attendre.

- Vous êtes sûre que vous ne voulez pas que je reste ? Vous allez vous en sortir,seule ? demanda Cody une nouvelle fois , inquiet.

Avec le risque de se retrouver bloqués pendant plusieurs jours par la tempête de neige,le jeune homme s'était proposé de rester au Ranch pour l'aider, au cas où.

- Non, ça va aller, lui répondit elle en lui posant une main rassurante sur l'épaule. Il n'est pas dit qu'on va être bloqué plusieurs jours.Si ça se trouve, demain, on se déplacera sans problème! Sinon, je peux me débrouiller seule à les nourrir. Rentre chez toi, Cody. I lcommence à se faire tard.

- C'est comme vous voulez.. répondit il, déçu.

Gaby devinait bien qu'il aurait préféré mille fois être au Ranch, même à dormir dans la paille, plutôt que de rentrer chez lui.

- A demain Cody. Bonne soirée.

- A demain, Patronne, lança t il en s'éloignant.

La journée de Gaby n'était pas encore terminée puisque ses parents l'avait invitée ce soir à dîner chez eux. Elle avait hésité un instant au vu de la menace du blizzard, mais ils habitaient une ferme pas très éloignée et elle espérait être de retour pas trop tard.

La jeune femme fit un dernier tour des écuries pour s'assurer que tout est en ordre avant le passage de la tempête de neige. Ce Ranch, c'était toute savie. Elle avait toujours vécu entourée de chevaux et avait fait de la compétition jusqu'à un niveau honorable. Mais la vie étant ce qu'elle était, elle s'était mariée et avait suivi son militaire de mari dans une grande ville. Elle avait alors exercé le métierd'infirmière pendant qu'il partait en mission. Et puis il y avait eu l'accident de Mickael et sa convalescence. Un besoin de s'éloigner,de se retrouver. Elle avait alors tout plaqué pour revenir dans sa ville natale et réaliser un vieux rêve : avoir son Ranch, avec ses chevaux et ses clients. Mickael n'avait pas été facile à convaincre mais après l'épreuve endurée et la pugnacité de sa femme, il avait fini par accepter. Elle s'était investie corps et âmes dans son projet et y avait dépensé toutes ses économies. Et ce rêve était devenu une réalité prospère : l'écurie était pleine de chevaux confiés par leurs propriétaires, ses compétences techniques étaient reconnues par ses paires . Sereine et fière de ce qu'elle avait accompli, Gaby regardait le soleil se couchait derrière l'étendu de son domaine. Seule ombre au tableau, elle n'avait pas réussi à décider Mickael de quitter l'armée. Malgré ses paroles rassurantes, c'était toujours avec inquiétude qu'elle le voyait partir en mission, la laissant régulièrement seule. La jeune femme avait appris à apprivoiser cette solitude,occupée par son Ranch et très entourée. Ils restaient tout de même en contact et se parler très régulièrement, même lorsqu'il se trouvait àl'autre bout du globe. Mais un contact virtuel ne remplacera jamais une présence réelle et charnelle. En ce moment, il était en mission loin de son pays et elle l'avait informé du passage de la tempête de neige.

- Tu vas t'en sortir avec cette tempête ? Cody reste sur place pour t'aider si besoin ? Avait il demandé, inquiet.

- Je peux très bien m'occuper seule de mon Ranch ! Et ce n'est qu'une petite tempête, demain il n'en restera rien... avait elle rétorqué,piquée.

- Je ne remets absolument pas en cause votre capacité à gérer votre écurie, très chère, mais ce n'est pas pour rien que tu vous avez embauché un palefrenier...avait il répondu, moqueur. Et si je me souviens bien,la dernière tempête de neige nous a bloqués pendant au moins une semaine...

- Tout va bien se passer... dit elle, rassurante. Fais moi confiance. J'ai fait les réserves de nourriture pour tout le monde. Si je dois rester bloquée, je n'aurai pas besoin de Cody juste pour nourrir les chevaux...

Il n'avait painsisté, lui faisant une entière confiance et ils s'étaient quittés frustrés du fait de l'absence. Plus que quelques semaines àtenir...

Gaby siffla et un golden retriever beige s'approcha au galop.

- Allez viens, Ruby. On rentre.