Prologue

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Il faisait déjà nuit et la neige tombait doucement à gros flocons.


-  Tournez à droite.... A la prochaine intersection, tournez à droite...., répétait la voix désincarnée du GPS.

 -  Ah ça suffit, tais toi ! grommela t il en l'éteignant brutalement.

Sur ses indications, il avait quitté la route principale pour s'enfoncer dans la campagne environnante et maintenant, il le regrettait amèrement.Il n'avait aucune idée où il se trouvait et la route était déserte. Désemparé, il s'arrêta un instant sur le bord de la route. Peut être que le GPS avait une mauvaise connexion ou qu il n'avait pas indiquée la bonne adresse. Il appuya sur quelques boutons plusieurs minutes, essayant de lui faire entendre raison et de retrouver son chemin. Sans résultat. Résigné,il envisagea un instant rebrousser. Il conduisait depuis plusieurs heures et commençait à ressentir la fatigue, la nuit et la neige ne facilitant pas la conduite sur cette route inconnue. Un bulletin météo interrompit la musique country qui passait à la radio pour annoncer qu'une tempête de neige était prévue cette nuit, invitant les habitant de la région à rester chez eux ou à limiter très fortement leurs déplacement à l'extrême urgence.

 - Super.... il ne manquait plus que ça...soupira t il.

Il devait impérativement trouver trouve un hôtel pour y passer la nuit,se reposer.Il en profiterait aussi pour savoir où il se trouve et la direction à prendre. Sur ces réflexions, il reprit la route. Après plusieurs miles effectués, Il commençait à désespérer de trouver un lieu habité, lorsqu'il croisa un panneau lui indiquant le nom d'une ville proche. Épuisé, il fut soulagé de voire qu'il n'aurait pas à conduire plus longtemps. Son téléphone portable sonna, interrompant le cours de ses pensées. Connaissant l'auteure de l'appel, il y jeta à peine un coup d’œil. Depuis qu'il était parti ce matin même, elle n'avait pas arrêté de l'appeler, mais il n'avait pas cédé. Ils devaient être furieux....

La musique, c'était toute sa vie. Son dernier album et sa tournée mondiale avaient rencontré un triomphe sans précédent. Mais il avait fini fatigué, épuisé et vidé... De plus sa muse l'avait quittée et il n'avait plus d'inspiration.. Il leurs avait fait part de ses envie de repos, de faire une pause temporaire, de revenir à des choses plus authentiques. Pourquoi ne pas passer quelques semaines dans un ranch, chez sa tante dans le Wyomming, loin de Nashville et de son équipe? Loin de tout. Naturellement, ceux ci s'étaient immédiatement opposés à un tel projet. Pour eux, il fallait tout de suite repartir sur un projet plus ambitieux, donner au public en attente. Si on laissait le soufflet retomber, ce serait difficile de repartir. L'argent, l'argent...Il n'y avait que çela qui les interessait. Après une énième discussion qui avait dégénéré,il était parti sur un coup de tête, les laissant en plan. Ces longues heures de conduite lui avait permis de réfléchir : il était passé de la colère à la culpabilité pour enfin se dire qu'il verrait quand il rentrerait. Pour éviter toutes embrouilles, il les préviendrait dès qu'il sera arrivé à destination. Mais pour le moment, il n'avait envie ni de leurs parler, ni de s'expliquer. Il commençait à désespérer de trouver une ville sur cette route quand soudain, il apperçu des lumières au loin.

  - Enfin... soupira-t – il, soulagé.

Il accéléra légèrement, pressé d'arriver. Son enthousiasme s'éteignit brusquement à l'entrée de la ville. C'était une toute peite bourgade avec seulement deux routes principales.Il tourna plusieurs minutes dans les rues en quête d'un hôtel, en vain. En désespoir de cause, il se rabattit sur un petit restaurant miteux où il pourrait au moins manger chaud et se dégourdir les jambes. Après avoir garé son véhicule, il se tint un instant sur le trottoir pour enfiler son gros blouson et observer la devanture. A travers les grandes fenêtres couvertes de neige, il vit avec soulagement que le restaurant était presque vide, occupé seulement par quelques personnes en stetson. Alors qu'il se dirigeait vers l'entrée, il entendit quelques exclamations et se tourna vers son pick up. Un petit attroupement s'était formé autour du véhicule, ce qui le fit sourire. Il faut dire que son engin ne passait pas inaperçu de par son gabarit, ses jantes et ses vitres fumées. Les laissant à leurs contemplations, il s'engouffra dans le restaurant. Un silence pesant s'abattit et ils levèrent tous la tête lorsqu'il pénétra dans la pièce. Bien qu'habitué à faire face à des hordes de fans hystériques, ces regards scrutateurs le mirent mal à l'aise. Ils ne devaient pas avoir l'habitude de voire beaucoup d'étrangers dans le coin...Et s'ils le reconnaissaient ?

- Bonjour, lança t il avec un signe de la main.

Un vague murmure lui répondit et tout le monde reprit ses activités dans un bourdonnement sourd. Il baissa les yeux en remontant le col de son blouson et alla s'installer discrètement à une table. Il semblerait que sa renommée ne s'étendait pas jusqu'ici. Un jeune homme s'approcha pour prendre sa commande.

-un hamburger avec des frites et un café, merci, commanda t il après avoir examiné rapidement le menu.

Dans l'attente de sa commande, il s'étira et étendit les jambes. Puis il se tourna vers la grande fenêtre et regarda la neige tomber. Dans quel pétrin s'était il fourré ? Il s'était disputé avec son manager et sa femme, ne savait pas où il se trouvait,n'avait aucun endroit pour dormir et une tempête se préparait. Ca ne pouvait pas être pire...Son téléphone se mit à vibrer une nouvelle fois dans sa poche, le tirant de ses réflexions moroses. Exaspéré, il le posa sur la table, sans regarder l'auteur de l'appel, se demandant vaguement si ce n'était pas son manager qui tentait de le joindre, cette fois ci.Le serveur arriva avec sa commande.

- Excusez moi, pourriez vous me dire s'il y a un hôtel dans le coin? demanda t il au jeune homme.

- Il n'y a pas d'hôtel dans cette ville, lui répondit il d'une voix monocorde.

- Et où puis je en trouver un ? Insista t il, quelque peu irrité.

- Le seul que je connaisse se trouve dans la prochaine ville, à une dizaine de miles d'ici.Il suffit de continuer sur la route principale. Un dessert ?

- Non, je vous remercie.Juste un café.

Le serveur s'éloigna. Il soupira et se passa une main sur son visage las. Encore de la route par ce temps...Il attrapa son téléphone et constata avec un petit sourire que son manager avait tenté de le joindre. La messagerie contenait une dizaine de messages, qu'il n'écouta pas.Il composa un numéro de téléphone.

- Oui ? Lui répondit une voix féminine.

- Bonsoir, c'est moi.

- Ah oui, Keith ! A quelle heure arrives tu au Ranch ?

- Tu ne devineras jamais dans quel pétrin je me trouve.. commença t il.

- Tu es tombé en panne ? Un accident ? Rien de grave j'espère ? demanda la voix inquiète.

- Non, non, rien de grave, ne t'inquiète pas. C'est juste que je suis complètement paumé, dans une ville perdue et que je n'ai même pas un endroit où dormir !Et ils annoncent une tempête de neige ! dit il d'un ton plaintif.

Il entendit un rire franc au bout du téléphone.

- Tout ça pour t'informer que je n'arriverai pas ce soir. Sûrement demain dans la journée.

- Je t'attends demain alors.Sois prudent sur les routes, avec toute cette neige.

- Je te tiens au courant. Bye.

- Bye.

Il put enfin s'attaquer à son repas .Il mourrait de faim, n'ayant dans l'estomac qu'un sandwich mangé sur le pouce il y a longtemps déjà. Alors qu'il buvait paisiblement son café, il remarqua un groupe de jeunes gens qui parlaient à voix basse et se poussaient du coude en l'observant avec insistance. Un adolescent sortit même un téléphone portable pour le prendre subrepticement en photo. L'anonymat n'avait duré que quelques heures...Il se tourna vers la fenêtre, faisant mine de ne pas les avoir vus.Trop tard. Un des jeunes hommes du groupe, se leva et, poussé par les autres, se dirigea timidement vers sa table. D'ordinaire, les fans venant lui demander un autographe ou une photo ne lui posaient aucun problème. Il avait toujours un peu de temps à leurs consacrer, même si ce n'était que quelques minutes. Mais là, à cette heure tardive, dans ce restaurant, fatigué, il n'était pas d'humeur et garda le visage résolument tourné vers la fenêtre.

- Monsieur ? entendit il à côté de lui.

Il ferma les yeux quelques instants mais le jeune homme ne semblait pas décidé à le laisser tranquille. Un fan restait un fan et il ne fallait pas le décevoir. Résigné, il se tourna vers lui.

- Excusez moi de vous déranger, mais vous ne seriez pas...

- Keith Thundermann, oui, répondit il d'un ton las.

- La grande star de la country ?

- Lui-même, répondit il laconique.

Il n'avait pas envie que la discussion s'éternise. Le jeune homme se tourna vers ses amis d'un air triomphant, les deux pouces levés.

- Est ce que je pourrai avoir un autographe, demanda t il timidement.

- Oui, bien sûr, répondit il en tendant la main pour prendre le papier et le feutre tendus. Votre prénom ?

- Jimmy.

Il écrivit rapidement sur le carton un petit message convenu qui faisait toujours plaisir, puis se prêta au jeu du selfi avant que le garçon ne le laisse enfin seul.Heureusement, il n'y avait quasiment plus personne dans le restaurant et il ne fut plus importuné jusqu'à son départ.

La neige tombait et recouvrait d'un épais tapis blanc le macadam, rendant la route très glissante. De plus, malgré la puissance des phares de son pick up, son champs de vision se rétrécissait fortement, rendant la conduite périlleuse. Il serrait les dents, maudissant son GPS, son manager et sa femme. Il désespérait d'atteindre la prochaine ville et craignait de devoir passer la nuit coincé dans sa voiture, attendant que quelqu'un vienne le chercher. En espérant ne pas être mort de froid avant...Cette perspective angoissante le fit accélérer.

Elle surgit de la nuit sans crier gare et se figea au milieu de la route, prise dans les phares. Surpris, il ne la vit qu'au dernier moment et enfonça la pédale de frein par réflexe en braquant le volant. Ayant très peu d'adhérence du fait de la neige, la camionnette glissa et les roues se bloquèrent. La bête s’enfuit en quelques bonds alors qu'il perdit totalement le contrôle de son pick up. Voulant contrebraquer pour le remettre droit sur la route, les roues se bloquèrent une nouvelle fois, le véhicule chassa et tira droit vers le bord de la route sans qu'il ne puisse rien faire..La partie droite du pare choc se planta dans le talus et la camionnette bascula sur le côté pour ensuite dégringoler la pente. Pris dans la vitesse de la descente, le pick up fit plusieurs tonneaux et fut arrêté sur ses 4 roues par un bouquet d'arbre au bord d'une rivière qu'il percuta violemment. Le conducteur, sonné, restait plaqué par sa ceinture sur son siège, coincé par l'airbag. Dans son esprit embrouillé, il sentit du sang coulé sur son visage. La sonnerie de son téléphone fut la dernière chose qu'il entendit.

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