Chapitre 40

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— Merde, Liam ! Elles n’ont pas pu disparaître comme ça !

Le dénommé Liam acquiesça tout en avisant les environs plongés dans la pénombre. En perçaient les ronflements de clochards endormis, les feulements des chats se bagarrant, de lointains aboiements et les frottements des rats longeant les murs. Les volets étaient clos et pas une raie de lumière n’en filtrait. Les gens étaient aux Jeux et au vu du spectacle qu’ils avaient délaissé, le public chanceux allait en avoir pour plusieurs heures.

Liam serra les dents et les poings. Il aurait donné l’argent du job sans la moindre hésitation pour ne voir qu’une heure de ce qui allait advenir dans l’arène. Des Scies en pleine action ! Ces monstres de cauchemar et de légende… Cependant, cela aurait été sans compter Livresse.

À la première occasion, qu’il leur avait dit. Si ce n’est pas vite réglé, vous irez aux Scies !

Liam savait que le baron du Lion ne s’exprimait pas à la légère. Livresse avait un passé qui parlait pour lui et il avait le coup de grâce facile.

C’était une chose que de regarder ces géants psychopathes s’amuser à l’abri dans les tribunes. Ça en était une autre d’être l’une de leurs proies. Ils étaient effrayants et le qualificatif ne rendait pas sa juste valeur à la terrible réalité.

— Logren et Vilo ne sont toujours pas revenus, gronda son compère avec amertume. Pour sûr qu’ils les ont attrapées et qu’ils s’amusent avec elles !

Autour d’eux, les autres grognèrent à leur tour. L’idée ne leur plaisait définitivement pas et ce n’était pas dans le sens d’une quelconque morale. Ils regrettaient juste de ne pas avoir été les premiers.

— S’ils les tuent avant qu’on arrive, ça va très mal se passer, grinça un autre.

Liam acquiesça encore en tordant la bouche. Il s’agissait de fesses de haute société et il comptait bien y faire honneur. Ceci depuis qu’il avait vu les deux beautés qu’ils devaient assassiner. Il ne connaissait pas leurs identités car Livresse leur avait juste désigné les cibles accompagnant l’Archevêque. Cependant, il s’en moquait. Tant que l’argent rentrait après tuerie, tout allait pour le mieux. Il était un assassin et on le payait pour ça.

Et il pouvait y avoir des bonus.

— C’est pas un bon plan d’attendre ici, lâcha un autre de ses hommes. La viande froide, c’est pas mon truc.

Liam acquiesça à cela aussi. Ces hommes avaient raison et si Logren et Vilo jouaient les radins consciencieux, ça allait très mal se passer, en effet.

Faîtes en ce que vous voulez, avait dit Livresse. Mais tuez-les après ! Surtout, vous me les tuez !

Il avait bien insisté et ça avait l’air d’être important. Livresse et ses entreprises… Personne ne lui faisait confiance dans le Croissant. Et bien que ce soit un lieu où personne ne faisait confiance à qui que ce soit, le baron du Lion détenait la palme. Cependant, ce même baron pouvait vous rendre la vie impossible. Et il excellait dans ce domaine. Il était dangereux, imprévisible et même si ses entreprises étaient du genre à provoquer des bordels sans noms, ils se trouvaient toujours beaucoup de morts dans ces bordels sans nom.

Liam ne voulait pas en faire partie.

Il ne doutait pas que ce qui se profilait allait être du même acabit mais il voulait aussi avoir le temps de réfléchir à comment s’en tirer.

Et il voulait s’amuser aussi.

— Heu, Liam…

— Hum… ? fit ce dernier en revenant dans la réalité.

— Y’a la blonde qui vient vers nous.

— Hein ?

En effet, l’un de leur contrat venait dans leur direction d’un pas vif et martial. Liam fronça les sourcils alors que l’un de ses hommes laissait échapper un sifflement appréciateur.

— Ils ne l’ont pas trop molestée finalement ! Et voilà qu’elle vient pour nous !

Liam grimaça. Il éprouvait une sensation étrange qu’il avait déjà ressenti auparavant. Quelque chose n’allait pas.

Logren et Vilo n’étaient pas des tendres et ils aimaient lorsque leurs victimes saignaient et se débattaient. Or, la blonde qui venait vers eux ne présentait aucun signe de maltraitance. Ses vêtements n’étaient pas déchirés et il n’y avait pas de rouge ou d’ecchymoses sur son beau visage.

Un mauvais signe.

Un de ses hommes s’étaient déjà avancé vers elle qui ne ralentit pas.

— Alors, ma beauté…, commença-t-il avant de hurler de douleur tandis que de multiples craquements se faisaient entendre.

— Je vais être brève, dit la blonde en s’adressant calmement à eux alors qu’elle soutenait sa victime pas le bras qu’elle venait de lui casser. Vous allez mourir. Les renseignements que vous consentirez à donner écourteront les souffrances occasionnées.

Liam déglutit. Elle avait maîtrisé Gote en un clin d’œil et au vu de l’état du bras, ce dernier avait l’air d’être brisé à pas moins de trois endroits différents.

— Je ne sais pas pour qui tu te prends, petite salope, cracha-t-il tout de même en ravalant son mauvais pressentiment. Mais nous, on va te…

Il se figea avec le cri aigu que poussa Gote. Une vague de craquement parcourut son bras alors qu’elle le manipulait puis ce fut au tour du dos dans un mouvement ample. C’était si harmonieux que l’on aurait cru à une danse de couple à l’exception des hurlements et des affreux bruits que faisait le corps se disloquant.

— Encore une fois, ce sera plus rapide pour si vous parlez.

Elle n’avait pas levé le ton et ne semblait pas avoir forcé le moins du monde en manipulant Gote qui était un énorme gaillard. D’ailleurs, elle le maintenait toujours debout dans une posture de marionnette désarticulée aussi inquiétante que ridicule. L’homme soufflait des bulles de sang et son regard était vitreux dans une semi conscience que l’on devinait horriblement douloureuse.

— Chef, commença son second qui s’était rapproché de lui. Si on lui saute tous dessus…

Liam lui intima le silence d’un geste brutal de la main. Son visage perdit en couleur alors que surgissait en lui un souvenir d’antan. Celui d’Harlequin, armé de sa monstrueuse lame, pénétrant dans l’estaminet du gros Barns pour lui faire sa fête. L’homme devait beaucoup d’argent à l’Archevêque mais il était aussi très dangereux et entouré de beaucoup de tueurs. Et comme beaucoup d’homme dangereux entouré de tueurs, était venu le jour où il s’était cru invincible.

Liam travaillait pour cet homme à l’époque. Il était de garde à l’entrée du bar lorsque l’apôtre s’était soudain retrouvé à côté de lui, le dominant de sa silhouette dégingandée.

Ses entrailles s’étaient liquéfiées.

Liam n’était pas un lâche mais l’aura d’Harlequin avait eu quelque chose de terrifiant. Et là, maintenant, face à cette femme, il ressentait exactement la même chose. La sensation qui l’avait poussé à s’écarter tout en baissant la tête quelques années auparavant tandis qu’Harlequin entrait dans le bar du gros Barns pour y perpétrer un véritable massacre.

Gardant la tête froide, il inspira un grand coup.

— Ok, ok…, commença-t-il devant les regards ahuris de ses hommes. On va parler…

Il ne voyait plus qu’une solution. Elle ne pourrait les attraper tous s’ils fuyaient. Encore espérait-il que ses hommes ne fuiraient pas dans la même direction.

— Vous plaisan…, commença l’un d’entre eux avant de s’interrompre.

Liam se tourna pour le voir dressé sur la pointe des pieds, les bras contractés le long du corps tandis que son visage congestionné tremblait furieusement. Derrière lui ne tarda pas à apparaître la brune. Cependant, la manière dont elle émergea de son dos était terrifiante et il était difficile de concilier sa beauté avec la créature de cauchemar qui leur coupait désormais toute retraite.

— Si vous ne parlez pas, chantonna-t-elle. Vous… serez… à… moi.

Sa victime ouvrit soudain des yeux injectés d’un sang qui ne tarda pas à rouler le long de ses joues, telles des larmes. Sa bouche formant un cri silencieux, il semblait à l’agonie.

Sans les quitter de son regard fiévreux, la brune lui caressa la joue et il parut se calmer un instant avant de se contracter à nouveau. Des bruits étranges finirent par se faire entendre de l’intérieur de son corps et Liam et ses compères en furent glacés d’effroi.

— Pour commencer…

Il sursauta avec force alors que la blonde apparaissait littéralement à ses côtés. Elle détenait toujours un Gote gémissant.

— Qui vous envoie ? poursuivit-elle sans même le regarder.

Elle avait un regard de loup. Un très beau regard.

Un regard dangereux.

Liam regarda dans plusieurs directions tout en avisant subrepticement ses compagnons. La sensation était omniprésente dans son corps et dans son esprit. Elle paralysait ses muscles et l’empêcher même de penser à la fuite.

Ici, devant cette femme qu’il dominait de sa taille et de sa corpulence, il ne voyait aucune échappatoire. Et comme quelques années auparavant, devant Harlequin, il baissa encore la tête.

Et parla.

— Livresse.

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