CHAPITRE 16

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Le mariage de Raphaël et Virginie passé, Sylvia retrouva plus de temps libre. Ça faisait plus de deux mois désormais, qu’elle écumait les agences de voyage et les offices de tourisme de la région, mais elle ne décrocha pas même un entretien. Elle commençait à douter d’elle, de ses compétences et se demanda s’il n’était pas plus judicieux qu’elle revienne au métier de serveuse. Elle se donna encore une semaine avant de postules dans les brasseries et restaurants de la ville. Peut-être même que son ancien patron, celui-là même chez qui elle avait rencontré Marco et pour lequel il travaillait toujours, la reprendrait ? ça ne coûtait rien de tenter sa chance.

En prévision d’une reprise d’activité, elle briqua l’appartement de fond en comble, revit la disposition des meubles et s’organisa pour gagner du temps. Elle alla faire des courses pour remplir le frigo et les placards pour minimum deux semaines. Ça lui laisserait le temps de voir venir et de trouver sa nouvelle organisation selon ses nouveaux horaires de travail.

Le délai qu’elle s’était fixé concernant sa recherche d’un poste comme guide touristique, était désormais écoulé. C’est un peu la mort dans l’âme qu’elle prit se rendit en ville, sa liste des restaurants à démarcher, à la main. Elle avait discuté avec Marco sur le fait qu’elle postule dans le même restaurant que lui et il l’avait convaincu que ça n’était pas une bonne idée. André n’avait pas apprécié qu’elle est été débauchée directement sur son lieu de travail, même si elle avait attendu la fin de son contrat pour partir. De plus, il prétendit qu’il ne supporterait pas de la voir se faire draguer par les clients ou les autres serveurs, sous ses yeux, sans pouvoir intervenir.

- Pourquoi tu veux retrouver un boulot, Bella. On s’en sort bien juste avec mon salaire.

- Je n’ai pas pour habitude de rester à ne rien faire. Je tourne en rond ici.

- Je me suis habitué moi, à ce que tu sois là quand je rentre, aux bons petits plats que tu me cuisine et puis c’est à l’homme de ramener de quoi manger à la maison.

- On n’est plus au moyen âge, plaisanta-t-elle. On a besoin d’un deuxième salaire, on arrive à peine à boucler les fins de mois et le coût de la vie ne cesse d’augmenter.

- Bon ok. Tu travailles encore cette saison, on met de l’argent de côté et on verra l’année prochaine, concéda-t-il.

- Merci, mon amour. Je te promets que je vais continuer à te préparer les plats que tu préfère et à te satisfaire, dit-elle en se venant se coller sensuellement à lui.

Il ne lui en fallut pas plus pour être automatiquement excité et qu’il l’entraine dans la chambre.

Après trois jours à postuler dans les restaurants de la ville, Sylvia décrocha un poste dans une brasserie au cœur de Biarritz, dans le quartier des Halles. Comme c’était une brasserie qui faisait aussi petit déjeuner, vue l’amplitude horaire, elle travaillerait soit le matin de six heure trente à quatorze heure trente, soit l’après-midi de quatorze heure trente à vingt-trois heure. Son jour de congé serait le mardi. Ça l’embêtait car Marco, lui, ne travaillait pas le lundi, mais bon ils pourraient passer soit la matinée, soit l’après-midi ensemble. C’était toujours ça et puis c’était temporaire. Son contrat se terminerait fin Octobre.

Marco était satisfait des horaires de sa compagne. Elle aurait toujours du temps pour s’occuper de lui et de l’appartement. Il tiqua un peu par contre lorsqu’elle lui annonça son salaire. Elle allait gagner autant légèrement plus que lui alors qu’il était à son poste depuis plus longtemps qu’elle. Il se mit en colère et décida qu’il demanderait une augmentation de salaire à André et si celui-ci la lui refusait qu’il donnerait sa démission pour trouver un job mieux payé. Il était hors de question que sa petite-amie gagne plus d’argent que lui. Elle essaya de l’en dissuader et de lui dire que ça n’était pas important, que c’était lui qui les faisait vivre depuis qu’elle était rentré d’Espagne et qu’en plus elle ne garderait pas ce travail très longtemps. Blessé dans sa virilité et dans fierté, Marco n’en démordit pas et était bien décidé à obtenir son augmentation.

Dès sa prise de poste le lendemain matin, il alla directement voir André et lui présenta tous les arguments auxquels il avait réfléchi toute la nuit, pour appuyer sa demande d’augmentation de salaire. André lui dit que c’était impossible pour cette année, qu’il avait budgété ses dépenses et notamment les salaires des saisonniers et qu’il ne pouvait pas revenir dessus. Il reconnu que Marco méritait une augmentation et la lui promis dès que la saison estivale serait terminée et qu’il aurait moins de charge. Le barman rongea son frein et concéda à attendre la fin de l’année, mais menaça de rendre son tablier s’il n’obtenait pas ce qu’il demandait à la date prévue.

Sylvia commença son nouveau travail dès le week-end suivant. Il lui fallut quelques jours pour se remettre dans le bain après toutes ces années, mais elle dû s’avouer que ça lui avait manqué. Elle aimait beaucoup le métier de guide touristique, le contact et les liens qu’elle nouait involontairement avec les clients, mais elle aimait énormément l’effervescence qui régnait dans le restaurant au moment du coup de feu. Certaines personnes ne comprenaient pas et pouvaient même la trouver maso, mais elle aimait courir entre les tables, aller d’un client à un autre sans même avoir le temps déchanger quelques phrases. Elle aimait aussi l’ambiance de la fin de service et les relations entre collègues. Elle avait aimé travailler avec Antonio et il lui avait apporté beaucoup en tant qu’être humain et ami, mais elle préférait sortir boire un verre avec ses collègues serveurs. Au moins elle voyait des têtes différentes tous les jours, se lançait des petits défis quotidiens pour pimenter ses journées et puis ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était qu’elle pouvait combiner sa vie de couple et sa vie professionnelle.

Elle avait vraiment trouvé le job idéal. Lorsqu’elle était du matin, elle préparait le petit-déjeuner pour Marco qui ne commençait qu’à dix heure et elle avait tout l’après-midi pour cuisiner, nettoyer et prendre soin d’elle. Lorsqu’elle travaillait d’après-midi, elle pouvait faire la grasse matinée auprès de son amoureux et ensuite s’occuper de ses corvées avant de partir. L’appartement était toujours propre, rangé et Marco avait toujours toute l’attention qu’il attendait.

Elle voyait régulièrement Raphaël et Virginie depuis leur retour de lune de miel. Ils avaient passé un excellent séjour et étaient revenu avec un beau teint halé. La grossesse de Virginie ne se passait pas très bien. A cause de la station et des nombreux pas qu’elle doit faire quotidiennement dans son métier de coiffeuse, elle fût victime de contractions un peu trop fortes et dût être mise en arrêt de travail jusqu’à son congé maternité. Sylvia passa la voir tous les deux jours pour lui changer les idées et pour s’assurer qu’elle n’avait besoin de rien.

Les deux jeunes femmes passaient beaucoup de temps à parler du futur bébé et Sylvia remarqua qu’elle évoquait sa grossesse et Nicolas, plus facilement et sans pleurer. Au début Virginie était gênée d’aborder ce sujet avec elle, mais Sylvia lui assura qu’elles pouvaient en parler librement et qu’au contraire elle adorait partager ces moments exceptionnels avec elle. Virginie lui racontait tout, lui montrait chacune de ses échographies, lui détaillait chaque émotion, chaque sensation et Sylvia se replongea quelques années en arrières avec nostalgie. Elle commença même à ressentir l’envie d’avoir un enfant avec Marco. Elle se sentait prête à vivre à nouveau cette aventure et cette fois elle pourrait la mener jusqu’au bout et élever son bébé. Personne ne pourrait lui prendre cette fois.

Elle laissa passer quelques semaines pour y réfléchir. Plus Virginie avançait dans sa grossesse, plus son envie d’enfanter se faisait grand. Un soir, alors qu’ils venaient de faire l’amour, elle osa évoquer le sujet avec Marco.

- Tu as déjà pensé à avoir des enfants, demanda-t-elle.

- Non. Je suis trop jeune et j’ai envie de profiter de la vie.

Elle se releva et s’appuya sur un coude et mieux voir ses réactions.

- Tu as passé la trentaine et moi je les atteints à la fin de l’année.

- Toi tu vois trop Virginie.

- Sérieusement, ça ne te dirait pas un mini nous ?

- Je ne sais pas. Je n’y ai jamais réfléchi en réalité. Les enfants, c’est pas mon truc.

- Ce n’est pas pareil quand c’est le tien. Imagine cette petite bouille toute joufflue qui te fais de grand sourire et qui t’aime d’un amour inconditionnel. C’est encore plus fort que l’amour entre un homme et une femme. Ça envahit ton cœur et ta tête et tu serais prêt à donner ta vie pour ce petit être innocent.

- Je ne suis pas spécialement attiré par les enfants et encore moins les bébés. Ça pleure tout le temps, ça pue, tu ne peux plus sortir comme tu veux, faut faire attention à tout ce que tu fais et tout ce que tu dis… et puis excuses-moi, mais ils ne sont pas intelligents. Il faut tout leur dire et tout leur faire.

- C’est normal, ils apprennent. Tu as été comme ça aussi. Il a fallu que ta mère t’apprenne à manger avec une fourchette, à boire au verre, à t’habiller, à te laver, enfin tout ce qui te parait naturel tu l’as appris en réalité.

- Ouais… je ne suis pas encore prêt.

- Tu sais avant d’avoir un bébé, il faut le faire et c’est la partie la plus agréable, dit-elle en l’embrassant dans le cou.

- Je suis ok pour m’entrainer, mais pour le moment il n’est pas question de faire un bébé.

- En attendant que tu changes d’avis, exerçons-nous, dit-elle en le chevauchant alors qu’elle l’embrasse à pleine bouche.

Marco n’était pas prêt, ils avaient au moins abordé le sujet et désormais ils savaient tous les deux ce que l’autre pensait. Sylvia espérait qu’il changerait d’avis lorsqu’il verrait le bébé de Raphaël et Virginie. Comment résister à un petit être si adorable et innocent. C’était la plus belle chose qui soit au monde.

Depuis qu’elle avait eu cette discussion avec son compagnon, elle ne pensait plus qu’à avoir un bébé. Ce désir devenait viscéral. Chaque fois qu’ils faisaient l’amour, même si elle prenait toujours la pilule, elle espérait en secret qu’il y ait un « accident » et qu’elle tombe enceinte. C’était complètement insensé, mais elle ne pouvait s’empêcher d’y penser. Elle aurait très bien pu arrêter sa contraception sans le dire à Marco, mais elle avait trop peur qu’il la quitte et qu’elle se retrouve de nouveau toute seule pour élever cet enfant.

Le fils de Raphaël et Virginie, Etienne, pointa le bout de son nez le vingt-huit Octobre. Sylvia leur rendit visite à la maternité dès le lendemain après-midi. Elle arriva les bras chargés de paquets de toutes tailles. Elle les avait prévenu qu’elle le gâterait plus que de raison. Elle félicita et serra ses amis dans ses bras avant de se laver les mains pour prendre le petit ange qui lui tendait Raphaël. Etienne dormait paisiblement dans ses bras. Sa peau était aussi douce que du coton, il sentait bon et il était tellement beau. Il était tout joufflu, blond comme les blés avec un petit nez adorable. L’image de Nicolas se superposa au visage du nourrisson qu’elle tenait dans ses bras et elle ne put retenir ses larmes. Certes elle avait mal au cœur, mais elle était surtout heureuse pour ses amis.

Raphaël l’entoura de ses bras pour la réconforter, conscient de la douleur qu’elle devait ressentir. Maintenant qu’il était père il mesurait bien plus ce qu’elle avait du vivre et ressentir lorsqu’on lui avait arraché Nicolas à la naissance. Il l’admirait encore plus pour son courage et sa force. Il ne savait pas s’il aurait été capable de se relever comme elle l’avait fait, si on lui avait pris Etienne.

Virginie pleurait également à la vue de cette scène si touchante. Elle aussi comprenait mieux ce que son amie avait traversé. On ne peut pas réellement comprendre ces sentiments, ces émotions tant qu’on n’est pas parent soi même et ça elle venait d’en prendre conscience.

Ils éclatèrent d’un rire nerveux en constatant l’image qu’ils devaient donner. C’était un jour de bonheur intense, de joie et ils étaient là tous les trois à pleurer devant ce petit être qui découvrait le monde. Sylvia s’essuya les yeux et décréta qu’il ne fallait pas que la première chose qu’Etienne découvre c’était la peine et les larmes. Elle voulait que ce petit ange ne connaisse que la joie et les rires. Raphaël et Virginie acquiescèrent.

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